Vu la requête, enregistrée le 26 août 2013, présentée pour le préfet du Nord, par la SCP Claisse et Associés ; le préfet du Nord demande à la cour d'annuler le jugement n° 1304162 du 10 juillet 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, à la demande de M. A...B..., a, d'une part, annulé son arrêté du 5 juillet 2013 obligeant M. B...à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à MeC..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. François Vinot, premier conseiller ;
1. Considérant que le préfet du Nord, à la suite de l'interpellation par les services de la police nationale le 5 juillet 2013 de M. A...B..., ressortissant tunisien né le 10 octobre 1993, a pris à son encontre le même jour un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français et prononçant son placement en rétention qui a été annulé par un jugement ; que le préfet relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 10 juillet 2013 annulant cet arrêté ;
2. Considérant que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. B...a été entendu par les services de police le 5 juillet 2013, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions d'entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que le requérant a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ; que, par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 5 juillet 2013 ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. B...en première instance ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre État ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit remettre l'intéressé aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du même code ; que ces dispositions combinées ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement mis en oeuvre l'autre ; que, par suite, les moyens allégués et tirés de l'erreur de droit et du détournement de procédure entachant l'arrêté attaqué doivent être rejetés ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
7. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, dès lors, suffisamment motivé ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est célibataire et sans charge de famille ; que son arrivée en France est récente ; que s'il soutient avoir un frère et un cousin en France, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, le préfet du Nord n'a, en prenant l'arrêté attaqué, pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Nord aurait négligé de procéder à un examen sérieux de la situation personnelle du requérant avant de prendre sa décision d'obligation de quitter le territoire ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...ne possède ni domicile, ni lieu de résidence stable en France ; qu'il ne présente ainsi aucune garantie de représentation effective propre à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que le préfet du Nord n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en lui refusant un délai de départ volontaire et en ordonnant son placement en rétention administrative ;
11. Considérant, en septième lieu, qu'eu égard à l'ensemble de ce qui précède, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, invoqué au soutien des conclusions en annulation du refus d'accorder un délai de départ volontaire et de la fixation du pays de renvoi, doit être écarté ; que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus d'accorder un délai de départ volontaire, invoqué au soutien de la demande d'annulation du placement en rétention, doit également être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1304162 du 10 juillet 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°13DA01454