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06/03/2014 | FRANCE | N°13DA00173

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 06 mars 2014, 13DA00173


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2013, présentée pour la commune de Creil, représentée par son maire en exercice, par Me B...E... ;

La commune de Creil demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002547 du 18 décembre 2012 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il l'a condamnée à verser à la Société nouvelle Alpha Sécurité la somme de 42 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2010 et capitalisation des intérêts à compter du 16 septembre 2011 ;

2°) de rejeter les demandes de la Société nouvelle Alph

a Sécurité devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de mettre à la charge de la Socié...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2013, présentée pour la commune de Creil, représentée par son maire en exercice, par Me B...E... ;

La commune de Creil demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002547 du 18 décembre 2012 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il l'a condamnée à verser à la Société nouvelle Alpha Sécurité la somme de 42 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2010 et capitalisation des intérêts à compter du 16 septembre 2011 ;

2°) de rejeter les demandes de la Société nouvelle Alpha Sécurité devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de mettre à la charge de la Société nouvelle Alpha Sécurité la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 février 2014, présentée pour la Société nouvelle Alpha Sécurité ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985 et l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel qui y est attaché ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me Aymeric Hourcabie, avocat de la Société nouvelle Alpha Sécurité ;

Sur la recevabilité des conclusions de première instance de la Société nouvelle Alpha Sécurité :

1. Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif retenu par les premiers juges, d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la commune de Creil et tirée de la tardiveté de la demande de première instance ;

Sur la validité du marché :

2. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, attaché à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 étendue par arrêté du 25 juillet 1985, que la conclusion d'un contrat portant sur des prestations relevant de cette convention collective implique en cas de changement de prestataire, que l'entreprise retenue reprenne au moins 85 % des personnels transférables dans la limite du nombre de personnels nécessaires à l'exécution du contrat ; que, dans le cadre de la passation d'un marché public, y compris lorsqu'il s'agit d'un marché à bon de commandes, il incombe au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats éventuels de la masse salariale des personnels à reprendre ainsi que du coût correspondant ; que ces informations constituent un élément essentiel du marché eu égard à la nature des prestations de gardiennage et de sécurité concernées ; que la méconnaissance de cette obligation est constitutive d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;

3. Considérant qu'il est constant que ni le règlement de consultation, ni le cahier des clauses techniques particulières, pas plus que l'avis d'appel à la concurrence publié au Journal officiel de l'Union européenne et au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, respectivement les 7 et 8 mai 2010, ne faisaient état de ces informations alors que la commune de Creil ne soutient, ni n'établit, qu'elle n'en disposait pas ou n'aurait pas été en mesure de se les procurer auprès de la Société nouvelle Alpha Sécurité, alors titulaire du marché ; que la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle tous les candidats au marché en litige auraient eu nécessairement connaissance de cette obligation de reprise du personnel dès lors que l'activité de surveillance et de gardiennage est soumise à autorisation préfectorale, ne saurait pallier cette carence qui a été susceptible d'exercer une influence sur les offres présentées par les autres candidats et notamment la sociétéA..., attributaire du marché ; que la circonstance que la Société nouvelle Alpha Sécurité avait connaissance, en sa qualité d'ancien titulaire du marché, du coût de la masse salariale correspondant au personnel devant être repris, est sans incidence sur l'existence de ce vice ; que, par suite, la commune de Creil n'est pas fondée à soutenir que le principe d'égalité des candidats n'a pas été méconnu et que ce vice n'a pas entaché la validité du marché en litige ;

Sur les conséquences de l'illégalité du marché :

4. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier de l'examen des offres que la Société nouvelle Alpha Sécurité a été classée, au titre de la valeur technique des prestations proposées, au deuxième rang ex-æquo avec la sociétéA..., finalement retenue ; que, dans ces conditions, le critère du prix, pondéré à 60 %, a joué un rôle déterminant pour le classement final ; que la Société nouvelle Alpha Sécurité, ancien prestataire, a été classée, au titre du critère du coût de la prestation, au huitième rang sur neuf, avec un écart d'environ 23 000 euros avec la société la mieux notée, soit près de 10 % du montant de l'offre proposée par la société attributaire du marché ; que la Société nouvelle Alpha Sécurité fait valoir, sans être contredite, qu'en tant que société sortante, elle a tenu compte de manière appropriée de la masse salariale des personnels à reprendre et du coût correspondant ; qu'alors que la Société nouvelle Alpha Sécurité fait valoir que les autres candidats n'ont pu prendre en compte ce coût faute de disposer de l'information pertinente, la commune de Creil ne fournit aucun élément de nature à justifier qu'ils en auraient effectivement tenu compte dans le prix de leur offre ; que, dans ces conditions, le mauvais classement de la Société nouvelle Alpha Sécurité doit être regardé comme étant directement et principalement imputable au défaut d'information des autres candidats sur un élément essentiel du marché ; que, compte tenu de son classement au titre de la valeur technique de l'offre et de sa connaissance depuis plusieurs années des missions de surveillance et de gardiennage objets du marché, elle doit également être regardée comme ayant perdu une chance sérieuse de remporter le marché ;

6. Considérant que, dans ces conditions, la Société nouvelle Alpha Sécurité a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner dont elle a été privée, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à ce marché ; que ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ; que la commune de Creil ne conteste devant la cour ni l'appréciation du taux de marge bénéficiaire, ni celle du manque à gagner en résultant pour une année d'exécution du contrat telle qu'elles ont été constatées par les premiers juges ; que la commune de Creil ne peut solliciter la limitation de l'indemnisation du manque à gagner à une période de quatre mois pour tenir compte du retrait, le 10 novembre 2010, de l'agrément préfectoral dont la Société nouvelle Alpha sécurité bénéficiait, cette décision résultant seulement d'un changement de siège social ; qu'en revanche, le fait que la Société nouvelle Alpha Sécurité ait exécuté depuis plusieurs années des missions analogues pour le compte de la commune de Creil ne suffit pas à établir que le marché en litige, d'une durée initiale d'un an, aurait nécessairement été renouvelé tacitement pour une seconde année ; que, par suite, la Société nouvelle Alpha Sécurité peut uniquement prétendre à l'indemnisation du manque à gagner correspondant à une année d'exécution du contrat, laquelle doit être fixée à 42 000 euros, ainsi que le tribunal administratif d'Amiens l'a retenue ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Creil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser la somme de 42 000 euros à la Société nouvelle Alpha Sécurité ; que cette dernière n'est pas davantage fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Société nouvelle Alpha Sécurité, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Creil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Creil une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Société nouvelle Alpha Sécurité et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Creil est rejetée.

Article 2 : La commune de Creil versera à la Société nouvelle Alpha Sécurité une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la Société nouvelle Alpha Sécurité est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Creil, à la Société nouvelle Alpha Sécurité, et à Me D...en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL Sécurité Privée Maître C...(A...).

Copie sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00173
Date de la décision : 06/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE ROUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-03-06;13da00173 ?
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