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11/07/2013 | FRANCE | N°12DA00048

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 12DA00048


Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2012 au greffe de la cour, présentée pour l'entreprise Jean Delattre, dont le siège est 155 rue Dejean à Amiens (80000), par Me Jean-Marc Quennehen ; l'entreprise Jean Delattre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903251 du 8 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à lui verser la somme de 32 182,02 euros (TTC), a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation du syndicat intercommunal

des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à lui ve...

Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2012 au greffe de la cour, présentée pour l'entreprise Jean Delattre, dont le siège est 155 rue Dejean à Amiens (80000), par Me Jean-Marc Quennehen ; l'entreprise Jean Delattre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903251 du 8 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à lui verser la somme de 32 182,02 euros (TTC), a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation du syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à lui verser la somme de 80 455,05 euros (TTC) ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à lui verser la somme de 80 455,05 euros (TTC) avec intérêts capitalisés ;

4°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Jean-Marc Quennehen, avocat de l'entreprise Jean Delattre ;

1. Considérant que l'entreprise Jean Delattre, qui avait demandé au syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines le paiement d'une facture d'un montant de 80 455,05 euros (TTC) pour des travaux de remplacement de branchements en plomb, relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens condamnant le syndicat à lui verser la somme de 32 182,02 euros (TTC) qu'elle estime insuffisante ; que, par la voie de l'appel incident, le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines demande que la part de responsabilité de l'entreprise Jean Delattre soit fixée à 70 % et que les conclusions de cette dernière tendant à la capitalisation des intérêts de retard soient rejetées ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne le fondement contractuel :

2. Considérant qu'au cours du mois de septembre 2004, alors qu'elle exécutait un chantier d'assainissement pluvial sur le territoire de la commune de Fressenneville (Somme), l'entreprise Jean Delattre a fourni au syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines, à sa demande, un devis pour la réalisation de travaux de remplacement de branchements en plomb équipant une partie du réseau de distribution d'eau potable situé rue Jean Jaurès à Fressenneville ; que le coût de ces travaux, évalué à 80 455,05 euros (TTC), étant inférieur au seuil fixé par les dispositions de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur, le contrat pouvait être conclu selon la procédure adaptée et, le cas échéant, sous la forme d'un accord verbal ou tacite ;

3. Considérant que les travaux en cause n'ont fait l'objet d'aucune commande écrite du syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines et que le devis établi par l'entreprise Jean Delattre, d'ailleurs postérieurement à l'exécution des travaux, n'a été ni signé, ni visé par un représentant du syndicat ; que, s'il y a eu accord sur la nature des travaux à effectuer, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les parties seraient convenues d'un accord sur le prix des prestations ; qu'ainsi, l'entreprise Jean Delattre n'est pas fondée, en l'absence de contrat, à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle ;

En ce qui concerne le fondement quasi-contractuel :

4. Considérant, qu'en l'absence de contrat, l'entrepreneur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'entrepreneur intéressé sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise Jean Delattre a exposé des dépenses utiles pour le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines ; que la faute de l'entreprise Jean Delattre, professionnel averti, qui a exécuté les travaux sans avoir au préalable transmis un devis et obtenu une commande selon des modalités lui permettant d'en justifier l'existence, n'est pas de nature à limiter son droit au remboursement des dépenses utiles exposées par le syndicat intercommunal précité ; que les travaux utiles, dont le montant et le caractère ne sont pas sérieusement contestés, s'élèvent à la somme de 72 409,55 euros ; que l'entreprise Jean Delattre est donc fondée à demander la condamnation du syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à lui verser la somme de 72 409,55 euros ;

En ce qui concerne le fondement quasi-délictuel :

6. Considérant que, dans le cas où l'absence de contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui et des gains dont il a été effectivement privé, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si, toutefois, l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

7. Considérant, qu'eu égard à la faute commise par le syndicat précité, qui a laissé, en toute connaissance de cause, se réaliser le chantier à son profit, sans tenter de régulariser la situation, mais aussi à l'impudence caractérisée de l'entreprise Jean Delattre, professionnel averti, qui a exécuté les travaux sans avoir, au préalable, transmis un devis et obtenu une commande selon des modalités lui permettant d'en justifier l'existence, il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de la part de responsabilité devant rester à la charge de l'entreprise Jean Delattre en la fixant à 60 % ; que cette dernière est donc fondée, sur le fondement de la faute à raison de la perte du bénéfice attendu du contrat, à obtenir la condamnation du syndicat précité à la lui verser la somme de 3 218,20 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 75 627,75 euros le montant de l'indemnité due par syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines à l'entreprise Jean Delattre et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif d'Amiens ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

9. Considérant que l'entreprise Jean Delattre a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 75 627,75 euros à compter de la date de réception par le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines, le 12 décembre 2008, de la lettre de relance qu'elle lui avait adressée le 11 décembre 2008 ; que l'entreprise Jean Delattre a demandé la capitalisation des intérêts le 14 décembre 2009 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines la somme que l'entreprise Jean Delattre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines soient mises à la charge de l'entreprise Jean Delattre, qui n'est pas la partie perdante;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 32 182,02 euros (TTC) que le syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines a été condamné à verser à l'entreprise Jean Delattre par le jugement du tribunal administratif d'Amiens est portée à 75 627,75 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2008, lesdits intérêts étant capitalisés le 14 décembre 2009, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement n° 0903251 du tribunal administratif d'Amiens du 8 novembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'entreprise Jean Delattre et les conclusions incidentes du syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise Jean Delattre et au syndicat intercommunal des eaux des communes de Fressenneville, Nibas et Valines (SIE).

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N°12DA00048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00048
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Causes exonératoires de responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : QUENNEHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-07-11;12da00048 ?
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