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18/12/2012 | FRANCE | N°11DA01361

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 18 décembre 2012, 11DA01361


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 11 août 2011, présentée pour la SAS CONTROL UNION INSPECTIONS FRANCE (CUIF), dont le siège social est situé 8 boulevard Ferdinand de Lesseps à Rouen (76000), par Me Farcy, avocat ; elle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901717 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 e

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 11 août 2011, présentée pour la SAS CONTROL UNION INSPECTIONS FRANCE (CUIF), dont le siège social est situé 8 boulevard Ferdinand de Lesseps à Rouen (76000), par Me Farcy, avocat ; elle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901717 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Farcy, avocat, pour la SAS CUIF ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006, la SAS CUIF, qui exerce une activité d'inspection des cargaisons de céréales à l'embarquement des navires, a fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 et, enfin, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2006 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le délai de reprise :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; que la SAS CUIF soutient qu'elle n'a pas reçu la proposition de rectification, en date du 13 décembre 2007, portant, notamment, sur l'exercice clos en 2004 et que, par suite, le droit de reprise relatif à cet exercice clos en 2004 a expiré ;

3. Considérant que si l'administration fiscale, par les attestations postales qu'elle produit, rapporte la preuve que deux courriers recommandés ont été reçus par la requérante le 17 décembre 2007, elle ne rapporte toutefois pas la preuve, par la simple mention d'un numéro de courrier non corroboré par la copie du courrier en cause, que l'un de ces deux plis contenait la proposition de rectification, en date du 13 décembre 2007, dont elle fait état ; que, dans ces conditions, la SAS CUIF est fondée à soutenir qu'en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale n'a pu régulièrement exercer son droit de reprise sur l'exercice clos en 2004 ; qu'elle est donc fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2004 et la réformation du jugement attaqué sur ce point ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; qu'aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

En ce qui concerne la note d'avoir :

5. Considérant que, dans le cadre d'un contrôle portant sur la société Control Nord, filiale de la SAS CUIF, l'administration fiscale a refusé la déductibilité, en tant que charges, de trois factures d'un montant total de 346 668 euros, émises par la SAS CUIF et correspondant à des prestations d'assistance au profit de sa filiale ; qu'à la suite du rejet par l'administration fiscale, en 2004, de la réclamation de la société Control Nord concernant ces trois factures, la SAS CUIF a déduit de son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2005 une charge exceptionnelle de 346 668 euros, correspondant à l'émission de trois bons d'avoir destinés à annuler les trois factures préalablement émises à destination de sa filiale Control Nord ; qu'à l'occasion des opérations de contrôle concernant la SAS CUIF, l'administration a remis en cause la déductibilité de cette charge exceptionnelle ;

6. Considérant que, si la SAS CUIF soutient que la déduction litigieuse a été opérée pour tirer les conséquences des redressements notifiés à la société Control Nord sa filiale, il est constant que ces redressements ne sont devenus définitifs qu'à la date du jugement du tribunal administratif ayant statué sur la demande de décharge introduite par la société Control Nord, soit dans le courant de l'exercice clos en 2008 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la requérante ne justifiait pas de la déductibilité de cette charge au titre de l'exercice clos en 2005 ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les prestations d'assistance que la société requérante a réalisées au cours des années 1999, 2000 et 2001 au profit de la société Control Nord n'ayant pas été résiliées ou annulées et les créances correspondantes n'étant pas devenues définitivement irrécouvrables par la SAS CUIF, nonobstant leur non déductibilité pour la société Control Nord, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe litigieuse au titre du deuxième trimestre de l'année 2006 ;

En ce qui concerne les frais d'assurance et de caution :

9. Considérant que l'administration a refusé la déductibilité, au titre de l'exercice clos en 2005, de factures d'un montant total de 493 613 euros, correspondant à des prestations d'assurance et de caution fournies par la société Control Union Western Hemisphere (CUWH) et destinées à couvrir les risques résultant de l'exécution d'un contrat conclu par la SAS CUIF avec l'office algérien interprofessionnel des céréales ; que, si la requérante a produit les factures régulièrement émises pour ces prestations, pas plus en appel qu'en première instance, elle ne produit de justificatifs établissant la nature exacte et le prix de ces prestations, le contrat d'assurance qu'elle produit étant relatif à une période postérieure aux exercices en litige ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de ces charges ;

En ce qui concerne la redevance d'accès au réseau :

10. Considérant que l'administration a refusé la déductibilité d'une charge de 100 000 euros, au titre de l'exercice clos en 2005, correspondant à la facturation à la SAS CUIF, par la société PSO Beheer, d'un accès au réseau commercial international du groupe Control Union dont elles font toutes deux partie ; que la requérante produit les factures correspondant à ces prestations ainsi que la copie, traduite, d'un contrat, daté du 2 janvier 2004, de mise à disposition du réseau et de ses prestations diverses telles qu'accès à la clientèle, au réseau intranet, à des prestations de formation, de certification qualité, d'accréditation auprès de divers organismes, pour une redevance annuelle forfaitaire de 100 000 euros payable à la société PSO Beheer ; que la circonstance, reconnue par l'administration dans sa réponse aux observations du contribuable, qu'à la demande de la société PSO Beheer, la SAS CUIF se soit libérée du paiement de cette redevance annuelle auprès d'une entreprise tierce du groupe, en l'occurrence la société CUWH, est, par elle-même, sans incidence sur la déductibilité de cette charge ; que, dans ces conditions, la SAS CUIF est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette charge n'était pas déductible des résultats de l'exercice clos en 2005, et à demander la réformation du jugement dans cette mesure ;

En ce qui concerne le prélèvement à la source :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 111-c du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes consentis par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés sont regardés comme des revenus distribués qui, par suite, sont imposables à l'impôt sur le revenu, au nom des bénéficiaires, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'aux termes de l'article 119 bis-2 du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 et 117 donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé à l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France " ; que l'article 109 du même code prévoit que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1 : tous les bénéfices qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 187 du code : " 1. Le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119-bis est fixé : (...) à 25 % (...) " ;

12. Considérant, qu'en application des dispositions précitées du code général des impôts, l'administration fiscale a soumis à la retenue à la source au taux de 25 % les sommes que la requérante a payées au profit de la société PSO Beheer au titre de la redevance portant sur l'accès au réseau commercial et international du groupe Control Union, lesdites sommes ayant été regardées comme distribuées en application de l'article 109-1-1 du code général des impôts ; qu'il résulte de ce qui précède que ces sommes correspondant à des charges déductibles, elles ne pouvaient être qualifiées de revenus distribués ni, par suite, faire l'objet d'une retenue à la source ;

13. Considérant que l'administration a également soumis à cette même retenue à la source les sommes versées par la SAS CUIF à la société CUWH au titre des prestations d'assurance et de caution susmentionnées ; que, pour contester l'application de cette retenue à la source, la requérante ne peut utilement invoquer les termes de la convention fiscale conclue le 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas dès lors qu'aux termes de son article 3-1, celle-ci n'est pas applicable aux Antilles néerlandaises et, notamment, à l'île de Curaçao dans laquelle est immatriculée la société CUWH ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'en se bornant à faire valoir que la SAS CUIF a cherché à minorer son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée à décaisser, en émettant des factures d'avoir prématurément au cours de l'exercice 2005, et en déduisant des frais d'assurance d'un montant élevé en dehors de toute stipulation contractuelle, l'administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SAS CUIF d'éluder l'impôt ; que la SAS CUIF est, dès lors, fondée à demander, compte tenu de ce qui précède, la décharge de l'intégralité des pénalités mises à sa charge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la SAS CUIF une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS CUIF est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004.

Article 2 : Les bases d'imposition de la SAS CUIF au titre de l'année 2005 sont réduites de 100 000 euros.

Article 3 : La SAS CUIF est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2005 et celles qui résultent de l'article 2 du présent arrêt, ainsi que de l'intégralité des pénalités qui lui ont été infligées.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 23 juin 2011, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SAS CUIF la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS CUIF est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS CONTROL UNION INSPECTIONS FRANCE et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°11DA01361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA01361
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-12-18;11da01361 ?
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