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10/05/2011 | FRANCE | N°10DA01209

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 10 mai 2011, 10DA01209


Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Martine A, demeurant ..., par la scp Bavencoffe Meillier Thuilliez, avocats ; elle demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0802522 du 17 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Doullens à lui verser une somme de 17 000 euros avec intérêts au taux légal capitalisés ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Doullens à lui verser une somme totale de 279 536,14 euros, avec intérêts a

u taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête d'appel ;

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Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Martine A, demeurant ..., par la scp Bavencoffe Meillier Thuilliez, avocats ; elle demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0802522 du 17 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Doullens à lui verser une somme de 17 000 euros avec intérêts au taux légal capitalisés ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Doullens à lui verser une somme totale de 279 536,14 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête d'appel ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Doullens aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Meillier, pour Mme A ;

Considérant que Mme Martine A a subi le 14 mars 2006 une opération chirurgicale d'hystérectomie avec annexectomie bilatérale au centre hospitalier de Doullens ; que les complications qui ont suivi cette opération, au cours de laquelle sa vessie a été lésée et suturée avec la paroi vaginale ainsi qu'avec un uretère, ont nécessité son transfert au centre hospitalier universitaire d'Amiens où elle a subi huit hospitalisations et six interventions chirurgicales entre le 21 mars 2006 et le 14 avril 2007 ; que, par jugement en date du 17 juin 2010, le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Doullens, à raison des fautes médicales commises lors de l'opération du 14 mars 2006, à verser à la Mutualité Sociale Agricole du Pas-de-Calais une somme de 63 485,06 euros et à Mme A une somme de 17 000 euros ; que Mme A demande la réformation de ce jugement afin que le montant de son indemnité soit porté à la somme de 279 536,14 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête d'appel ;

Sur le préjudice et les droits respectifs de Mme A et de la Mutualité Sociale Agricole Nord Pas-de-Calais :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux évènements ayant occasionné des dommages survenus antérieurement à son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de la chose jugée : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode susdécrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de Mme A :

Considérant que s'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif d'Amiens, que la faute commise par le centre hospitalier de Doullens a engendré pour Mme A une période supplémentaire d'incapacité temporaire totale de huit mois entre mars 2006 et juillet 2007 ; que s'il n'est pas sérieusement contesté que cette incapacité a rendu nécessaire le recours à des tierces personnes pour remplacer Mme A dans son activité d'exploitante agricole, toutefois la requérante, qui exerce son activité au sein d'un groupement agricole d'exploitation en commun dont le résultat fiscal a augmenté pendant la période de cette incapacité temporaire totale, n'établit pas qu'elle aurait personnellement supporté un préjudice à ce titre ;

Considérant que par la seule production d'un rapport d'expertise agricole non contradictoire qui se borne à imputer toutes les évolutions négatives de l'exploitation à l'état physique de Mme A, celle-ci n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre la période d'incapacité temporaire totale résultant de la faute du centre hospitalier et une dégradation de la productivité de son exploitation agricole au cours des années 2006 et 2007 ;

Considérant enfin que Mme A n'établit nullement que le déficit fonctionnel permanent de 5 % dont elle reste atteinte du fait de la faute commise par le centre hospitalier de Doullens, et dont l'expert a relevé qu'il ne s'opposait pas à une poursuite de son activité professionnelle sous réserve de certaines précautions, serait à l'origine d'une quelconque perte de ses revenus professionnels futurs jusqu'à l'âge de son départ à la retraite ;

En ce qui concerne les préjudices personnels de Mme A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif d'Amiens, que la faute commise par le centre hospitalier de Doullens a engendré pour Mme A des souffrances supplémentaires évaluées à 4,5 sur une échelle de 7, un préjudice esthétique évalué à 2,5 sur une échelle de 7, un déficit fonctionnel permanent de 5 %, des troubles dans ses conditions d'existence à raison des multiples opérations subies sur une brève période et de la renonciation à ses loisirs de plein air ; que, dès lors, en condamnant le centre hospitalier de Doullens à lui verser en réparation de l'ensemble de ces préjudices une somme de 17 000 euros, les premiers juges ont, à bon droit, fait une juste appréciation de ceux-ci ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander une majoration de l'indemnité qui lui a été accordée par les premiers juges ;

En ce qui concerne les droits de la Mutualité Sociale Agricole Nord-Pas-de-Calais :

Considérant que, compte tenu des pièces qu'elle produit, et notamment d'un relevé de débours ainsi que d'un certificat d'imputabilité établi par son médecin conseil, la Mutualité Sociale Agricole Nord-Pas-de-Calais est fondée à demander que le montant des débours, que le centre hospitalier de Doullens a été condamné à lui verser par les premiers juges, soit porté à la somme, non contestée, de 66 248,98 euros qui inclut des débours consécutifs aux fautes commises par le centre hospitalier de Doullens et intervenus après le jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Doullens est condamné à verser à la Mutualité Sociale Agricole Nord-Pas-de-Calais est portée à la somme de 66 248,98 euros.

Article 2 : La requête de Mme A est rejetée.

Article 3 : Le jugement n° 0802522 du Tribunal administratif d'Amiens en date du 17 juin 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Martine A, au centre hospitalier de Doullens et à la Mutualité Sociale Agricole Nord-Pas-de-Calais.

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N°10DA01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 10DA01209
Date de la décision : 10/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice matériel. Perte de revenus. Perte de revenus subie par la victime d'un accident.


Composition du Tribunal
Président : M. Durand
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP BAVENCOFFE-MEILLIER-THUILLIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-05-10;10da01209 ?
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