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10/05/2011 | FRANCE | N°10DA00284

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 10 mai 2011, 10DA00284


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA NORD OUEST EXPLOITATION, venant aux droits de la Société Nouvelle des Cinémas d'Elbeuf (SNCE), dont le siège social est situé 6 rue Pierre Brossolette à Elbeuf (76500), par Me Farcy ; la SA NORD OUEST EXPLOITATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502722, en date du 5 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contri

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Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SA NORD OUEST EXPLOITATION, venant aux droits de la Société Nouvelle des Cinémas d'Elbeuf (SNCE), dont le siège social est situé 6 rue Pierre Brossolette à Elbeuf (76500), par Me Farcy ; la SA NORD OUEST EXPLOITATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502722, en date du 5 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Farcy, pour la SA NORD OUEST EXPLOITATION ;

Considérant qu'à l'occasion de l'absorption, intervenue le 18 décembre 2001, de la SA Société Nouvelle des Cinémas d'Elbeuf, la SA NORD OUEST EXPLOITATION a repris le reliquat des subventions d'investissement qui avaient été allouées à la société absorbée au titre du soutien financier de l'Etat à l'industrie cinématographique, et qui figuraient à son bilan pour un montant de 471 257 euros ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société absorbante, portant sur la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003, l'administration fiscale a remis en cause le transfert de ces subventions et les a réintégrées au résultat de cessation d'activité de la Société Nouvelle des Cinémas d'Elbeuf ; que la SA NORD OUEST EXPLOITATION, venant aux droits et obligations de cette société, relève appel du jugement, en date du 5 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles a été assujettie la société absorbée au titre de l'exercice clos le 30 juin 2001 ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

Au regard de la loi fiscale :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les sommes allouées en vertu des dispositions des articles 77, 81 et 82 du code de l'industrie cinématographique aux salles de spectacles cinématographiques publics ainsi qu'aux industries techniques pour l'équipement et la modernisation des studios et des laboratoires de développement et de tirage des films constituent un élément du bénéfice imposable. Toutefois, lorsqu'elles sont affectées au financement de travaux ayant, au point de vue fiscal, le caractère d'immobilisations amortissables, ces allocations sont affectées par priorité à l'amortissement exceptionnel de ces immobilisations dont l'amortissement normal n'est calculé ensuite que sur la valeur résiduelle, après imputation des allocations versées aux exploitants ou déléguées par eux pour l'exécution de ces travaux ; qu'aux termes du 1 de l'article 42 septies du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : Les subventions d'équipement accordées à une entreprise par l'Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme public à raison de la création ou de l'acquisition d'immobilisations déterminées ne sont pas comprises, sur option de l'entreprise, dans les résultats de l'exercice en cours à la date de leur attribution ; dans ce cas, elles sont imposables dans les conditions définies au présent article./ Lorsqu'elles ont été utilisées à la création ou à l'acquisition d'une immobilisation amortissable, ces subventions sont rapportées aux bénéfices imposables en même temps et au même rythme que celui auquel l'immobilisation en cause est amortie. Ce rythme est déterminé, pour chaque exercice, par le rapport existant entre la dotation annuelle aux amortissements pratiquée à la clôture de l'exercice concerné sur le prix de revient de cette immobilisation et ce même prix de revient./ (...) En cas de cession des immobilisations visées aux deuxième et troisième alinéas, la fraction de la subvention non encore rapportée aux bases de l'impôt est comprise dans le bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel cette cession est intervenue. Toutefois, pour les opérations mentionnées au I de l'article 151 octies ou placées sous le régime prévu à l'article 210 A, sur option exercée dans l'acte d'apport ou le traité de fusion, cette fraction est rapportée aux résultats de la société bénéficiaire de l'apport, par parts égales, sur la période mentionnée au troisième alinéa restant à courir à la date de cette opération pour les biens non amortissables, et sur la durée d'amortissement pour les biens amortissables (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'absorption de la Société Nouvelle des Cinémas d'Elbeuf : (...) 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet. / 3. L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s'engage, dans l'acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes : a. Elle doit reprendre à son passif : d'une part, les provisions dont l'imposition est différée ; d'autre part, la réserve spéciale où la société absorbée a porté les plus-values à long terme soumises antérieurement au taux réduit de 10 %, de 15 %, de 18 %, de 19 % ou de 25 % ainsi que la réserve où ont été portées les provisions pour fluctuation des cours en application du sixième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 ; / b. Elle doit se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l'imposition de cette dernière ; / c. Elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ; / d. Elle doit réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l'apport des biens amortissables. La réintégration des plus-values est effectuée par parts égales sur une période de quinze ans pour les constructions et les droits qui se rapportent à des constructions ainsi que pour les plantations et les agencements et aménagements des terrains amortissables sur une période au moins égale à cette durée ; dans les autres cas, la réintégration s'effectue par parts égales sur une période de cinq ans. Lorsque le total des plus-values nettes sur les constructions, les plantations et les agencements et aménagements des terrains excède 90 p. 100 de la plus-value nette globale sur éléments amortissables, la réintégration des plus-values afférentes aux constructions, aux plantations et aux agencements et aménagements des terrains est effectuée par parts égales sur une période égale à la durée moyenne pondérée d'amortissement de ces biens. Toutefois, la cession d'un bien amortissable entraîne l'imposition immédiate de la fraction de la plus-value afférente à ce bien qui n'a pas encore été réintégrée. En contrepartie, les amortissements et les plus-values ultérieurs afférents aux éléments amortissables sont calculés d'après la valeur qui leur a été attribuée lors de l'apport ; / e) Elle doit inscrire à son bilan les éléments autres que les immobilisations pour la valeur qu'ils avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée. A défaut, elle doit comprendre dans ses résultats de l'exercice au cours duquel intervient l'opération le profit correspondant à la différence entre la nouvelle valeur de ces éléments et la valeur qu'ils avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 39 sexies du code général des impôts, qui leur sont seules applicables même lorsqu'elles s'assimilent à des subventions d'équipement, que les subventions allouées au titre du soutien financier de l'Etat à l'industrie cinématographique constituent, en principe, un élément du bénéfice imposable de leurs attributaires, sauf lorsqu'elles sont affectées au financement de travaux ayant le caractère d'immobilisations amortissables puis à l'amortissement exceptionnel de ces immobilisations ; qu'en jugeant que les provisions constituées pour pratiquer cet amortissement n'entraient pas dans le champ d'application du régime dérogatoire de report d'imposition prévu, en cas de fusion, au 2 de l'article 210 A précité du code général des impôts, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit ; qu'ainsi, à supposer même que la provision constituée par la Société Nouvelle des Cinémas d'Elbeuf pour l'amortissement des travaux d'équipement et de modernisation de l'établissement de spectacles qu'elle exploitait n'ait pas perdu son objet à la date des opérations de fusion et qu'elle ait été reprise dans le bilan de la société absorbante, la SA NORD OUEST EXPLOITATION n'est pas fondée, sur le terrain de la loi fiscale, à demander le bénéfice de ce régime ;

Au regard de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;

Considérant, en premier lieu, que, si le point n° 25 de la documentation administrative de base 4 I-1241 au 1er novembre 1995 précise que les provisions qui conservent leur objet à la date de la fusion n'ont pas à être réintégrées dans les résultats de la société absorbée, il n'a pas pour objet d'intégrer dans le champ d'application des dispositions qu'il commente, à savoir celles du 2 de l'article 210 A précité du code général des impôts, les provisions constituées pour la mise en oeuvre des amortissements prévus à l'article 39 sexies du même code ; que la SA NORD OUEST EXPLOITATION ne peut, dès lors, s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que si lors de la réunion du 31 janvier 1994 du comité fiscal de la mission d'organisation administrative, dont le compte-rendu n'a pas fait l'objet d'une publication officielle, le représentant de l'administration fiscale a admis la possibilité pour une société absorbante de réintégrer les provisions pour amortissements dérogatoires constituées par la société absorbée à condition que le traité d'apport soit inchangé , que les amortissements dérogatoires, comme les autres provisions réglementées soient reconstitués chez l'absorbante par prélèvement sur la prime de fusion et que cette réintégration s'effectue dans les mêmes conditions que l'aurait fait la société absorbée , l'opinion ainsi exprimée dans le cadre d'une discussion générale avec les autres membres du comité, composé d'avocats, d'experts-comptables et de hauts-dirigeants, sur les problèmes soulevés par le régime fiscal des fusions ne saurait être regardée comme comportant une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens des dispositions rappelées ci-avant de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la SA NORD OUEST EXPLOITATION ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement desdites dispositions ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA NORD OUEST EXPLOITATION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SA NORD OUEST EXPLOITATION doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA NORD OUEST EXPLOITATION est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA NORD OUEST EXPLOITATION et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°10DA00284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 10DA00284
Date de la décision : 10/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-03-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. TEXTES FISCAUX. OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART. L. 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES). ABSENCE. - GÉNÉRALITÉS - CONTRIBUTIONS ET TAXES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART. L. 80 A DU LIVRES DES PROCÉDURES FISCALES) - ABSENCE 19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - PROVISIONS. OPINION EXPRIMÉE PAR LE REPRÉSENTANT DE L'ADMINISTRATION FISCALE À L'OCCASION D'UNE RÉUNION DU COMITÉ FISCAL DE LA MISSION D'ORGANISATION ADMINISTRATIVE - COMPOSITION DU COMITÉ - ABSENCE DE PUBLICATION OFFICIELLE DES COMPTES-RENDUS DE SES RÉUNIONS ET DU CARACTÈRE GÉNÉRAL DES QUESTIONS ABORDÉES - OPINION NE COMPORTANT UNE INTERPRÉTATION FORMELLE D'UN TEXTE FISCAL AU SENS DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L.80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES.

19-01-01-03-02 Si lors de la réunion du 31 janvier 1994 du comité fiscal de la mission d'organisation administrative, dont le compte-rendu n'a pas fait l'objet d'une publication officielle, le représentant de l'administration fiscale a admis la possibilité pour une société absorbante de réintégrer les provisions pour amortissements dérogatoires constituées par la société absorbée à condition que le traité d'apport soit « inchangé », que « les amortissements dérogatoires, comme les autres provisions réglementées » soient « reconstitués chez l'absorbante par prélèvement sur la prime de fusion » et que cette réintégration s'effectue « dans les mêmes conditions que l'aurait fait la société absorbée », l'opinion ainsi exprimée dans le cadre d'une discussion générale avec les autres membres du comité, composé d'avocats, d'experts-comptables et de hauts-dirigeants, sur les problèmes soulevés par le régime fiscal des fusions ne saurait être regardée comme comportant une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Vladan Marjanovic
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-05-10;10da00284 ?
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