Vu le recours, enregistré le 22 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0706034 du Tribunal administratif de Lille, en date du 29 janvier 2009, accordant à la SARL Air Prima le remboursement de la somme de 6 882 euros correspondant au crédit de TVA dont elle bénéficiait au titre du 1er trimestre de l'année 2007 ;
2°) d'ordonner le reversement par la SARL Air Prima de la somme de 6 882 euros qui lui a été remboursée ;
3°) de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Il soutient qu'en vertu des dispositions des articles 271 du code général des impôts et 242 nonies A de l'annexe 2 audit code, le droit à déduction de la TVA est subordonné à la condition que ladite taxe figure sur une facture libellée au nom du redevable ; que cette condition n'était pas remplie en l'espèce, la SARL Air Prima ayant déduit la taxe figurant sur des factures établies au nom du GIP MITI ; que les dépenses correspondantes ne sauraient être regardées comme ayant été engagées au nom et pour le compte de la SARL Air Prima, laquelle était en cours de formation, pour les besoins de ses propres opérations imposables dès lors que M. A, seul signataire de la convention d'incubation conclue avec le GIP MITI, constitue une personne juridiquement distincte de la société Air Prima ; que M. A n'a jamais indiqué que ces dépenses étaient engagées pour le compte de la SARL Air Prima, qui ne sera créée que près de 18 mois plus tard ; que le transfert de la charge du remboursement des avances consenties par le GIP MITI a nécessité l'établissement d'une convention spécifique, ce qui exclut que les dépenses soient regardées comme ayant été engagées, dès l'origine, par la société ; que les factures correspondantes n'ont pas été réglées spontanément ou quasi-immédiatement par la SARL Air Prima, qui s'est seulement engagée à rembourser les avances consenties par le GIP MITI, sans garantie de remboursement effectif ; que les premiers juges sont ainsi allés au-delà des conditions posées par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes, en date du 10 novembre 2004, dérogeant au principe selon lequel la TVA n'est déductible que si elle figure sur une facture établie au nom du redevable ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2010 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 18 février 2010, présenté pour la SARL Air Prima, dont le siège social est situé 160 boulevard d'Halluin à Tourcoing (59200), par Me Bacquet, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle a repris rétroactivement les engagements pris par son fondateur dans le cadre de la convention d'incubation conclue avec le GIP MITI ; que les dépenses, engagées par M. A et réglées par le GIP MITI, ont été reprises dans la comptabilité de l'entreprise et ont dégagé un crédit de TVA au titre du premier trimestre 2007 ; qu'en vertu de l'article L. 210-6 du code de commerce, les engagements pris par une personne agissant au nom d'une société en formation sont réputés avoir été souscrits, dès l'origine, par la société ; que les dépenses concernées ont fait l'objet d'un règlement effectif, que la société s'est engagée à rembourser ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Sur les conclusions relatives au crédit de TVA :
Considérant que la SARL Air Prima, créée le 20 novembre 2006 et ayant pour objet le développement de produits de type autotest , a sollicité, le 18 avril 2007, le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 390 euros dégagé au titre du premier trimestre 2007 ; que, par décision en date du 19 juillet 2007, l'administration n'a fait droit à cette demande qu'à hauteur de 4 508 euros, au motif que le solde de la TVA déduite par la société se rapportait à des factures établies au nom du groupement d'intérêt public MITI-Incubateur Nord/Pas-de-Calais ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel du jugement, en date du 29 janvier 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille a accordé à la SARL Air Prima le remboursement de la somme de 6 882 euros, correspondant au solde du crédit de TVA constaté au titre du premier trimestre de l'année 2007 ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...)/ II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) / IV. La taxe dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 289 du même code : I.-1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie ; (...) / 2. Les factures peuvent être matériellement émises, au nom et pour le compte de l'assujetti, par le client ou par un tiers lorsque cet assujetti leur donne expressément mandat à cet effet. Le mandat de facturation ainsi établi doit notamment prévoir que l'assujetti conserve l'entière responsabilité de ses obligations en matière de facturation et de ses conséquences au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II audit code : Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client (...) ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 210-6 du code de commerce : Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues (...) responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société (...) ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une convention d' incubation signée le 29 mars 2005, le groupement d'intérêt public MITI-Incubateur Nord/Pas-de-Calais a apporté son soutien au projet de création de l'entreprise Airprima porté par M. A ; que cette convention prévoyait notamment l'octroi au contractant, porteur du projet, d'une aide financière sous forme d'avance remboursable , appréciée par un comité spécifiquement constitué et spécialement affecté aux dépenses autorisées et accordée sur présentation des devis par le Contractant nécessaires au développement de son projet innovant ; que l'article 3 de ladite convention stipulait notamment que les aspects liés au suivi des commandes sont gérés directement par le Contractant conformément au montant maximum annexé aux présentes , que les commandes sont passées par le Contractant avec l'accord exprès du Développeur , que le Contractant s'engage à passer les commandes aux prestataires, à prendre en charge le suivi des factures et l'exécution des prestations , que les dépenses seront réglées par le GIP MITI si elles sont conformes à l'annexe 2 , que toutes les commandes devront être conformes aux conditions d'engagement des dépenses décrites à l'annexe 4 , qu'il appartient au Contractant d'informer le prestataire des modalités de règlement du GIP MITI , que le Contractant a pour obligation de déployer tous ses efforts aux fins de parvenir à la viabilité du projet , que pendant toute la durée du contrat, le GIP MITI a la possibilité à tout moment de vérifier la réalité des prestations engagées dans le cadre de l'avance financière octroyée au projet , que le Contractant prend note et accepte expressément que le GIP MITI, dès la création effective d'une entreprise par le Contractant ne peut régler aucune facture postérieure à cette date , que le Contractant s'engage à remettre au GIP MITI dès sa création les statuts de la structure juridique ainsi créée , et que l'avance remboursable ne peut être utilisée à d'autres dépenses que des dépenses agréées par le Développeur ; que l'article 6 de la convention concernée précise qu'elle est conclue pour une durée initiale maximale de deux ans , mais que la création effective d'entreprise avant le terme initial des deux années met fin à la convention d'incubation , de sorte que le Contractant s'oblige à financer ses activités par des fonds extérieurs à partir de la date officielle de création , et qu'à cette même date, il s'oblige à faire reprendre l'intégralité des engagements issus de la présente convention par la structure juridique nouvellement créée ; que l'article 9 du contrat stipule que le Contractant est tenu de rembourser l'avance qui lui aura été consentie et que ce remboursement sera échelonné sur 3 années à partir de la deuxième année de la date de la création de l'entreprise ; que l'annexe 4 à la convention, concernant les conditions d'engagement des dépenses auprès des prestataires et fournisseurs, précise enfin que : Pour tout engagement de prestation devant faire l'objet d'un paiement par le MITI-Incubateur d'entreprises innovantes Nord/Pas-de-Calais, un devis relatif à la prestation envisagée sera exigé ainsi que l'acceptation de celui-ci par le Développeur du MITI-Incubateur (...)./ La fourniture des prestations est donc subordonnée à la mention bon pour accord donnée par le Représentant du GIP (...), qui s'assure que la dépense est conforme au montant des dépenses autorisées, préalablement et contractuellement déterminé (...)./ La facture émise par le Prestataire doit être établie au nom de MITI-Incubateur Nord/Pas-de-Calais et porter les références du Contractant (...). / Le MITI-Incubateur d'entreprises innovantes Nord/Pas-de-Calais ne peut procéder au règlement des factures qu'après accord exprès du Contractant et du Développeur ;
Considérant, qu'en exécution de la convention précitée, le GIP MITI-Incubateur Nord/Pas-de-Calais a procédé au règlement de factures présentées par M. A pour un montant global de 39 757,99 euros ; que, par convention de transfert d'engagement en date du 18 décembre 2006, la charge du remboursement des avances ainsi consenties par le GIP MITI pour la création de la Société , selon les termes mêmes de l'article 4.2 de ladite convention, a été transférée à la SARL Air Prima, nouvellement créée ; qu'il est constant que les dépenses engagées par M. A et réglées par le GIP MITI pendant la période d'incubation de l'entreprise ont été ratifiées par l'assemblée générale de la SARL Air Prima et reprises dans la comptabilité de cette société ; qu'ainsi, eu égard aux objectifs et à l'économie générale de la convention d'incubation précitée, conclue le 29 mars 2005, et conformément aux dispositions de l'article L. 210-6 précité du code de commerce, ces dépenses doivent être regardées comme ayant été engagées dans l'intérêt et pour les besoins des opérations taxables de la société en cours de formation ; que, dans ces conditions, la SARL Air Prima était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé lesdites dépenses, alors même que les factures correspondantes ont été libellées au nom du GIP MITI et réglées par ce dernier sous la forme d'avances remboursables ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a accordé à la SARL Air Prima le remboursement du solde du crédit de TVA sollicité ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SARL Air Prima la somme de 750 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL Air Prima la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la SARL Air Prima.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°09DA00664