Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Ali A, demeurant ..., par Me Delerue ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801232 en date du 19 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 et 2002 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent qu'ils ont rapporté la preuve que les fonds provenant de la vente d'une maison qu'ils possédaient en Turquie ont fait l'objet d'une imposition dans ce pays, qu'ils ont été rapatriés en France et appréhendés par eux ; que M. A a en outre emprunté, le 20 décembre 2000, la somme de 145 000 dollars américains à son frère résidant en Turquie, prêt dont la réalité est attestée par un certificat officiel des autorités turques et par le retrait des sommes concernées du compte du prêteur ; qu'un autre frère de M. A lui a également prêté les sommes de 20 000 dollars américains le 28 janvier 2001 et de 25 000 dollars américains le 13 décembre 2001 ; que M. A a revendu à la société Speed Mode, pour la somme de 380 000 francs, en juin et octobre 2001, des machines à coudre qu'il avait acquises auprès de la société European Mondiale Machine ; que la réalité de ces ventes est attestée par la production d'un certificat de vente et de la preuve des règlements par l'acquéreur ; qu'il a également vendu des lots de machines à coudre le 23 octobre 2001, pour un montant de 108 000 francs, et le 15 février 2002, pour un montant de 15 000 euros ; que si l'administration considère que ces ventes ne caractérisent pas l'exercice habituel d'une activité commerciale, celles-ci ne sont dès lors pas imposables ; qu'ils ont ainsi suffisamment justifié de l'origine des fonds que l'administration a imposés en tant que revenus d'origine indéterminée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés et au rejet du surplus de la requête ; il soutient que les requérants, qui n'ont pas contesté le redressement notifié au titre des revenus mobiliers non déclarés, et qui n'ont pas répondu aux mises en demeure qui leur étaient faites de justifier de revenus d'origine indéterminée, supportent la charge de la preuve ; que les redressements relatifs aux fonds provenant de Turquie sont abandonnés et qu'ainsi, un dégrèvement d'un montant total de 102 168 euros est accordé aux requérants au titre des impositions de l'année 2001 ; que les prêts dont M. A auraient bénéficié en Turquie n'ont pas fait l'objet des formalités prévues aux articles 242 ter 3 du code général des impôts et 49-B-1 de l'annexe III audit code ; que leur réalité n'est attestée que par des documents établis postérieurement au contrôle ; qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi que les sommes qui auraient été prêtées en espèce à M. A en Turquie auraient été rapatriées en France et portées au crédit de ses comptes bancaires ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les pièces présentées à titre de justification des ventes de machines à coudre comportent des incohérences et des discordances qui leur ôtent toute valeur probante ; que les sommes qui auraient été perçues en espèce ne peuvent expliquer les crédits bancaires injustifiés, pas plus que les ventes encaissées par chèque ne peuvent justifier le solde des balances espèces inexpliqué ; que les requérants, qui soutiennent avoir acquis les machines à l'aide de paiements en espèces, doivent justifier de l'origine de ces espèces qui, à défaut de justification probante, pourront être ajoutées aux montants des balances espèces non justifiées ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2009, présenté pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, qu'ils prennent acte du dégrèvement partiel résultant de l'abandon du redressement afférent à la vente d'une maison en Turquie ; que les prêts accordés par les frères de M. A l'ont été en Turquie, sous l'empire de la législation turque ; que l'administration ne peut, dès lors, opposer le non-respect des formalités prévues par la loi française ; que la réalité des prêts est ainsi suffisamment établie ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui reprend les conclusions de son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que les requérants ne démontrent pas que les prêts qui leur auraient été accordés en Turquie seraient conformes à la loi turque ; que la réalité des prêts concernés est, en tout état de cause, insuffisamment établie ; qu'il n'est pas davantage établi que les sommes concernées ont été rapatriées en France ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2010, présenté pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête et leur précédent mémoire par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que la réalité des prêts accordés à M. A par ses frères est suffisamment établie par les pièces du dossier, au sein desquelles l'administration a confondu celles qui se rapportent aux prêts et celles qui se rapportent à la vente d'une maison en Turquie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Vladan Marjanovic, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Fasseu, substituant Me Delerue, pour M. et Mme A ;
Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A, portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, l'administration fiscale a notifié aux intéressés, qui avaient déclaré des revenus annuels d'un montant de 13 354 euros pour les années 2001 et 2002, une proposition de rectification datée du 26 août 2004, les informant de l'imposition, au titre de l'année 2001, de revenus mobiliers non déclarés d'un montant de 15 537 euros, ainsi que de la somme de 111 780 euros, qualifiée d'avoir détenu à l'étranger et correspondant au produit de la vente d'une maison située en Turquie ; qu'ayant, en outre, constaté que les crédits bancaires des contribuables présentaient des soldes inexpliqués, à hauteur de 66 378 euros pour 2001 et 43 740 euros pour 2002, et que la balance des disponibilités et des dépenses en espèces présentait également des soldes injustifiés, s'élevant à 65 116 euros en 2001 et 10 704 euros en 2002, l'administration les a informés, par le même document, de l'imposition en tant que revenus d'origine indéterminée des sommes de 131 494 euros et 54 444 euros au titre, respectivement, des années 2001 et 2002 ; que, dans leur réponse en date du 27 septembre 2004 à cette proposition de rectification,
M. et Mme A ont accepté l'imposition des revenus mobiliers non déclarés au titre de 2001 mais ont contesté l'ensemble des autres redressements ; qu'ils relèvent appel du jugement, en date du 19 février 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été, par suite des rectifications rappelées ci-dessus, assujettis au titre des années 2001 et 2002 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 27 juillet 2009, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur régional des finances publiques du Nord/Pas-de-Calais, abandonnant l'imposition de l'avoir détenu à l'étranger évoqué ci-dessus d'un montant de 111 780 euros, a accordé à M. et Mme A un dégrèvement de 84 880 euros de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 et un dégrèvement de 17 288 euros de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de la même année ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur l'imposition des revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le requérant peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ; qu'aux termes de l'article L. 69 de ce livre : Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ;
Considérant que, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales précité, des demandes de justifications ont été adressées à M. et Mme A le 12 mars 2004 en vue de déterminer l'origine et la nature des soldes injustifiés affectant, en 2001 et 2002, leurs crédits bancaires et la balance de leurs espèces ; que les intéressés n'ont pas répondu aux mises en demeure qui leur ont été faites le 4 juin 2004 de justifier des points sur lesquels leurs réponses étaient insuffisantes ; que, dès lors, l'administration était fondée à taxer les soldes demeurés non justifiés en tant que revenus d'origine indéterminée, et ce, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales précité ; que, par suite, en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge de la preuve de l'exagération de cette taxation d'office incombe à M. et Mme A ;
Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que deux des frères de M. A résidant en Turquie lui ont accordé, lors de ses séjours sur place, des prêts s'élevant à 145 000 dollars US, en ce qui concerne M. Omer B, et 45 000 dollars US, en ce qui concerne M. Mehmet B ; que cette allégation est appuyée par la production de certificats établis respectivement les 7 octobre et 8 novembre 2005 par les autorités turques, sur la base des déclarations des prêteurs, et par celle de relevés d'opérations bancaires faisant état du retrait, le 20 décembre 2000, de la somme de 145 000 dollars sur le compte de M. Omer B et du prélèvement, les 28 janvier et 13 décembre 2001, des sommes respectives de 20 000 dollars US et 25 000 dollars US sur le compte de M. Mehmet B ; que, toutefois, en admettant même que ces sommes aient été effectivement remises en Turquie à M. A, les requérants ne fournissent aucun élément de nature à établir qu'elles ont été rapatriées en France et qu'elles ont ainsi contribué à l'excès de liquidités constaté par les services des finances publiques ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A soutiennent avoir également tiré profit de la revente de machines à coudre ; qu'il ressort, à cet égard, de la proposition de rectification précitée, en date du 26 août 2004, que l'administration avait déjà, à ce stade de la procédure d'imposition, admis comme justifiés des crédits bancaires portant sur une somme de 108 000 francs, soit 16 464,49 euros, et correspondant à la vente d'un lot de machines ; que, si les requérants, qui supportent la charge de la preuve, produisent pour la première fois en appel une attestation du gérant de la société MC Mabchour en date du 23 octobre 2001 certifiant de l'achat d'un lot de machines auprès de M. A pour la somme de 108 000 francs, ils n'appuient cette production d'aucun autre élément de nature à distinguer cette transaction de celle qui a déjà été admise par le service des finances publiques en cours de contrôle et ne peuvent, dès lors, utilement s'en prévaloir pour expliquer les crédits demeurant injustifiés ; que M. et Mme A se prévalent également de la vente, le 4 octobre 2001, de 3 machines à coudre, acquises en mars et juin 2001 pour un montant total de 394 680 francs et revendues à la société Speed Mode pour le prix de 380 000 francs, soit 57 930,63 euros ; que, pour justifier de la réalité de cette transaction, les requérants se sont prévalus d'une reconnaissance de dette, qui aurait été émise par le dirigeant de la société concernée, et de l'émission par cette même société de huit chèques entre le 19 juin et le 12 décembre 2001 pour un montant total de 60 730,39 euros, ne concordant pas avec le montant allégué de la transaction ; que, devant la Cour, M. et Mme A produisent en outre copie de neuf autres chèques qui auraient été émis par la société Speed Mode entre le 7 novembre et le 12 décembre 2001, pour un montant total de 235 000 francs, soit 35 825,51 euros, inférieur au prétendu prix de vente des marchandises cédées ; qu'outre ces incohérences, M. et Mme A ne produisent aucune pièce justifiant de l'objet réel des chèques concernés, ni même de leur encaissement effectif et n'établissent, ainsi, aucune corrélation entre l'opération dont ils se prévalent, au demeurant déficitaire, et le volume de leurs crédits bancaires injustifiés ; que, pour justifier de l'origine desdits crédits, M. et Mme A ne peuvent davantage se prévaloir de l'acquisition, le 15 février 2002, de 20 machines à coudre auprès de M. Thongdy C pour un montant de 15 000 euros, dès lors qu'ils n'établissent aucunement avoir revendu lesdites machines et en avoir tiré profit au cours de l'année 2002 ;
Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A ne peuvent utilement soutenir que les profits qu'ils tireraient de la revente de machines à coudre ne seraient pas imposables, en ce qu'ils ne procèderaient pas de l'exercice d'une activité commerciale, dès lors que les impositions demeurant en litige ne résultent que de leur carence à justifier de l'origine d'une partie des sommes qu'ils ont appréhendées en 2001 et 2002 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. et Mme A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de 84 880 euros, en ce qui concerne le supplément d'impôt sur le revenu de l'année 2001, et de 17 288 euros, en ce qui concerne le supplément de contributions sociales de la même année, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de
M. et Mme A.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Ali A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Copie sera transmise au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°09DA00742