Vu la requête, enregistrée par télécopie le 13 août 2008 et régularisée par la production de l'original le 14 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, dont le siège est Pertuis de la Marine, BP 5.530 à Dunkerque cedex 1 (59386), représentée par son président en exercice, par la SCP Cattoir, Joly et associés ; la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703724 du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la restitution des crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2001 à 2003 ;
2°) de lui accorder la restitution desdits crédits de taxe sur la valeur ajoutée assortie des intérêts moratoires à compter de la date de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'en matière de droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée, la doctrine administrative française a posé jusqu'en 2006, le principe de limitation du droit à déduction (application d'un prorata) dès lors qu'une partie des recettes de l'activité taxable n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (subventions non directement liées au prix) ; qu'une décision interministérielle du 9 mars 1983 a prévu que les collectivités exploitant leur service de transport de voyageurs pouvaient conserver le bénéfice d'une déduction totale de la taxe sur la valeur ajoutée gravant leurs dépenses à la condition expresse de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée l'ensemble des sommes qui concourent à l'équilibre global du compte transport, c'est à dire non seulement les recettes tarifaires et les subventions mais également le versement de transport perçu directement et les virements financiers provenant du budget général de la collectivité exploitante ; que l'instruction 3 D-J-85 du 21 janvier 1985 a consacré ce régime spécial selon lequel l'autorité organisatrice doit obligatoirement soumettre volontairement à la taxe sur la valeur ajoutée ses subventions non taxables pour bénéficier d'un droit à déduction de 100 % ; qu'en réalité, le droit à déduction était de plein droit de 100 % ; que sa demande de crédit de taxe sur la valeur ajoutée payée à tort au titre des années 2001, 2002 et 2003 a fait l'objet d'une décision de rejet au motif que l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 6 octobre 2005 ne révélerait pas une conformité du droit fiscal français à la 6ème directive du 17 mai 1977, de sorte que le délai de réclamation serait celui du droit commun fixé à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que le jugement de première instance qui a considéré que les instructions 3 D-1-85 du 21 janvier 1985 et 3 CA-94 du 8 septembre 1994 étaient dénuées de caractère impératif et ne constituaient pas des règles de droit et que, par suite, il ne pouvait y avoir de révélation de la non-conformité d'une règle de droit avec une règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190 alinéas 3 et 4 du livre des procédures fiscales, est entaché d'erreur de droit ; qu'au cas d'espèce, les instructions fiscales constituaient bel et bien un acte réglementaire, et partant une règle de droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que dans l'arrêt C-243/03 du 6 octobre 2005 rendu contre la République Française, la Cour de justice des communautés européennes qualifie l'instruction fiscale du 8 septembre 1994 de mesure nationale ; que les deux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes en date du 6 octobre 2005 ont bel et bien relevé la non conformité au droit communautaire de règles de droit qui avaient été illégalement fixées par les instructions fiscales françaises tant pour la règle de condition financière dans son ensemble que la limitation des droits de déduction (application d'un prorata) dès lors qu'une partie des recettes de l'activité taxable n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les instructions fiscales ont aussitôt été modifiées du fait de ces deux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes ; que l'instruction 3 D-1-06 du 27 janvier 2006 prévoit expressément l'abandon du principe de la condition financière ou de condition de répercussion du droit à déduction selon lequel un assujetti ne pouvait déduire la taxe afférente à une dépense qu'à la condition que son coût fasse partie des éléments constitutifs du prix de ses opérations ouvrant droit à déduction ; que l'administration fiscale a également tiré toutes les conséquences de droit en supprimant tout prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et incidemment l'obligation de taxer les subventions non taxables pour bénéficier d'un droit à déduction intégrale en adoptant l'instruction 3 A-7-06 du 16 juin 2006 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que conformément aux dispositions de l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai légal de réclamation concernant la taxe sur la valeur ajoutée des années 2001, 2002 et 2003 expirait le 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée, soit respectivement les 31 décembre 2003, 2004 et 2005 ; que l'arrêt Commission c/Royaume d'Espagne rendu par la Cour de justice des communautés européennes ne saurait être assimilé à une décision révélant la non-conformité d'une règle de droit français au sens et pour l'application des dispositions combinées des articles R* 196-1 et R* 196-3 et des alinéas 3 et 4 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que cette décision ne concerne que la réglementation espagnole et ne constitue dès lors pas une décision juridictionnelle révélant la non-conformité de la réglementation française à la règle de droit supérieure au sens de l'article L. 190, alinéa 3, du livre des procédures fiscales ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE ne saurait par ailleurs se prévaloir de l'arrêt Commission c/ République française rendu à la même date par lequel la Cour de justice des communautés européennes a considéré qu'était incompatible avec la sixième directive, la doctrine administrative française en ce qu'elle prévoyait que la taxe afférente à la quote-part du montant des biens financés par les subventions d'équipement ne pouvait être déduite qu'à la condition que le redevable répercute les amortissements de ces biens dans le prix de ces opérations ; que les dispositions ainsi invalidées par la Cour de justice des communautés européennes sont étrangères au présent litige qui porte sur la prise en compte erronée, au dénominateur du prorata de déduction, des subventions non directement liées au prix des opérations imposables ; que les litiges visés par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales concernent uniquement des actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition établie en France ou à l'exercice des droits à déduction en France, en application de la réglementation française, la référence expresse à la règle de droit dont il a été fait application ne pouvant s'identifier qu'à une règle de droit française ; que, dans ces conditions, la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE fait une erreur d'interprétation en soutenant que l'arrêt de la CJCE du 6 octobre 2005 Commission c/Royaume d'Espagne a révélé la non conformité d'une règle de droit français constituée par les instructions 3 D-1-85 et 3 C A-94 du 8 septembre 1994 ; qu'en réalité, l'arrêt précité se borne à révéler la non-conformité de la législation espagnole à une norme supérieure et, comme tel, n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que la demande de remboursement de frais irrépétibles ne peut être que rejetée ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré par télécopie le 19 février 2009 et régularisé par la production de l'original le 20 février 2009, présenté pour la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; qu'à titre liminaire, elle relève que l'administration fiscale ne conteste aucunement que les instructions 3 D-1-85 du 21 janvier 1985 et 3 CA-94 du 8 septembre 1994 présentent contrairement à ce qu'a pu juger le tribunal administratif, un caractère réglementaire et, partant, constituent une règle de droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; elle souligne que les arrêts rendus par la Cour de justice des communautés européennes sont revêtus de la force obligatoire et ont une portée générale pour tous les Etats membres, y compris ceux qui ne sont pas partis à la procédure ; que la règle de droit litigieuse, à savoir le principe dégagé par l'administration fiscale française d'une limitation des droits à déduction (application d'un prorata) dès lors qu'une partie des recettes de l'activité taxable n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, était bien identique tant en Espagne qu'en France ; que, par suite l'arrêt Commission c/ Royaume d'Espagne a sans ambiguïté révélé la non-conformité de la doctrine administrative française aux dispositions de la sixième directive ; que la doctrine française n'a été rapportée qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 6 octobre 2005 ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Mendras, président de chambre, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Cattoir, pour la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE ;
Considérant que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE qui exploite en régie le service public de transports urbains de voyageurs de l'agglomération dunkerquoise et a bénéficié à ce titre, en 2001, 2002 et 2003, du versement de transport prévu par l'article 2333-64 du code général des collectivités territoriales ainsi que de virements internes en provenance du budget général destinés à garantir l'équilibre de ce service public, a soumis volontairement les sommes qui lui ont été ainsi versées à la taxe sur la valeur ajoutée, alors pourtant qu'elles sont en dehors de son champ, afin de conserver, conformément aux énonciations de la doctrine administrative, l'intégralité de ses droits à déduction ; qu'elle s'est ainsi conformée à l'instruction 3 CA-94 du 8 septembre 1994 et à l'instruction 3 D-1-85 du 21 janvier 1985, depuis lors abrogées, qui énonçaient que les virements financiers internes et le versement de transport devaient être inscrits au dénominateur du prorata prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, mais donnaient néanmoins aux collectivités locales la possibilité de les soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée afin de conserver un prorata de 100 % ; que cette doctrine en tant qu'elle soumettait le droit des collectivités locales exploitant un service de transport urbain de voyageurs à obtenir la déduction intégrale de la taxe acquittée à la condition qu'elles soumettent les subventions à l'imposition a été invalidée par deux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 6 octobre 2005 statuant sur des actions en manquement dirigées par la Commission contre l'Espagne et contre la France ; que la Cour a estimé que la France avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 17 et 19 de la 6ème directive du 16 mai 1977 en instaurant par l'instruction du 8 septembre 1994 une règle particulière limitant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de biens d'équipement en raison du fait qu'ils ont été financés par des subventions ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE a en conséquence présenté le 14 mars 2007 une réclamation tendant à obtenir le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée payés à tort de 2001 à 2003 ; que par une décision en date du 20 avril 2007, le directeur des services fiscaux a rejeté cette réclamation comme étant tardive ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE fait appel du jugement du Tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à la restitution des crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2001 à 2003 ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas (...) a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. ; qu'aux termes de l'article L. 190 dans sa rédaction alors en vigueur du livre des procédures fiscales : Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux (...) les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle. ; qu'aux termes du 1 de l'article 212 de l'annexe II du code général des impôts : Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l'article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre : a) Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b) Au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations. ;
Considérant que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, qui ne conteste pas que la réclamation qu'elle a présentée le 14 mars 2007, était tardive au regard des dispositions du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, se prévaut sur le fondement du c) du même article ainsi que des dispositions précitées de l'article L. 190 du même livre, des arrêts susmentionnés de la Cour de justice des communautés européennes du 6 octobre 2005 ; que, toutefois, ces arrêts s'ils ont invalidé l'interprétation que donnait à l'époque l'administration des dispositions de l'article 212 de l'annexe II du code général des impôts, dont le prorata qu'il prévoit ne s'applique qu'aux redevables partiels de taxe sur la valeur ajoutée au nombre desquels ne figure pas la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, dès lors que l'ensemble des opérations qu'elle réalise dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée lui ouvrent droit à déduction, ne comportent pas, en revanche la révélation de ce que les dispositions législatives ou réglementaires dont il a été fait application, conformément aux énonciations erronées de la doctrine administrative, seraient non conformes au droit communautaire ; que par suite la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme de 2 500 euros que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°08DA01314