Vu la requête, enregistrée par télécopie le 30 juin 2008 et régularisée le 1er juillet 2008 par la production de l'original au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Hicham X, ..., par Me Righi ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702796 du 22 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui restituer son titre de séjour ;
2°) d'annuler ladite décision du préfet de l'Eure ;
Il soutient que sa présence en France ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public ; que la moitié de ses condamnations sont relatives à son statut d'étranger en situation irrégulière ; qu'il a su mettre en place durant son incarcération de réelles perspectives de réinsertion en tant que boxeur professionnel ; qu'il ne saurait y avoir de menace à l'ordre public lorsque la libération de l'étranger incarcéré est lointaine ; que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il entend mener une vie familiale normale avec sa concubine et son fils ; que sa présence est également indispensable auprès de sa mère qui souffre d'une pathologie lourde ; qu'il n'a plus d'attache au Maroc ; qu'il vit en France depuis plus de quinze ans ; que sa soeur et son frère résident régulièrement en France ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'ancienneté de son séjour en France et à ses attaches familiales ; que l'arrêté est contraire à l'article 3-1° de la convention de New-York dès lors que M. X est père d'un enfant français dont il s'occupe depuis sa naissance ; qu'on ne peut lui reprocher d'avoir envoyé peu d'argent à son fils pour considérer qu'il n'entretient pas de liens avec son enfant ; que l'arrêté est donc également de ce fait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 août 2008, présenté par le préfet de l'Eure, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant n'établit pas résider en France depuis 1990 et y avoir suivi toute sa scolarité ; qu'il n'a jamais résidé en France régulièrement et a passé la moitié de sa vie en France en prison ; que le requérant a commis des infractions graves de manière répétée ; que l'insertion professionnelle du requérant en tant que boxeur professionnel est sujette à caution ; que la commission d'expulsion a rendu un avis sur de fausses informations ; que le délai de 18 mois entre l'arrêté d'expulsion et la sortie de prison prévisible n'est pas exagéré ; que la violence dont a fait preuve le requérant à l'encontre de sa concubine ne peut pas être banalisée ; que la nécessité d'être présent auprès de sa mère ne peut pas justifier l'absence de vie commune avec sa concubine ; que M. X n'apporte pas la preuve qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant en produisant un unique mandat de 15 euros, alors qu'il reçoit régulièrement des mandats d'une amie ; que sa concubine n'est jamais venue le voir en prison ; que l'arrêté attaqué n'est donc contraire ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles de l'article 3-1° de la convention des droits de l'enfant ; que le préfet de l'Eure est compétent pour signer les arrêtés d'expulsions ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 22 août 2008 et régularisé par la production de l'original le 26 août 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, qu'il a pris la mesure de la gravité des faits qu'il a commis et notamment des violences exercées contre sa concubine ; que, toutefois, celle-ci attend la libération du requérant pour reprendre une vie familiale et pour se marier avec lui ; que c'est sur les conseils du juge d'application des peines que le requérant s'est investi dans un projet professionnel autour de la boxe, ce qui lui a permis de signer un contrat professionnel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Righi, pour M. X ;
Considérant que M. X, ressortissant marocain, né le 9 mai 1976, est entré en France au début des années 1990 dans le but de rejoindre sa mère et sa famille maternelle et s'y est maintenu irrégulièrement ; qu'ayant été condamné à plusieurs reprises pour des délits, le préfet de l'Eure a pris à son encontre, le 18 octobre 2007, un arrêté d'expulsion ; que M. X relève appel du jugement du 22 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; que si M. X est père d'un enfant français né en 2002, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribue effectivement à l'entretien ou à l'éducation de cet enfant avec lequel il n'a jamais vécu ; qu'il relève ainsi des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est rendu coupable entre 1995 et 2004 de divers délits, notamment de vol, vol aggravé, vol en réunion, vol avec violence ayant entraîné des incapacités totales de travail supérieures à 8 jours, et arrestation, séquestration et détention arbitraire, pour lesquels il a été condamné à des peines d'emprisonnement d'un total de sept années et trois mois ; que s'il fait état de sa conduite en prison et de son suivi par un psychiatre, et forme, par ailleurs, le projet d'embrasser une carrière professionnelle dans la boxe, ces éléments ne suffisent pas à établir, eu égard à la gravité croissante des faits ayant donné lieu à ces condamnations, et à leur récidive, que le préfet de l'Eure aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'à la date de sa décision, la présence de M. X en France constituait une menace grave pour l'ordre public et en prenant, en conséquence, la mesure attaquée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que M. X fait valoir qu'il est entré en France au début des années 1990, que sa mère, sa soeur et son frère résident régulièrement en France et qu'il est le père d'un enfant de nationalité française qu'il a reconnu le 13 mars 2002, issu de son concubinage avec une ressortissante française ; que, toutefois, M. X, qui a toujours séjourné en France en situation irrégulière, n'a jamais vécu avec son fils et sa concubine ; qu'il a été condamné, en dernier lieu, à une peine de neuf mois d'emprisonnement pour avoir exercé sur celle-ci des violences avec menace de mort et violation de domicile ; que s'il soutient que sa présence est indispensable auprès de sa mère malade, il n'établit pas être le seul membre de la famille étant en mesure de la prendre en charge ; que, dans les circonstances de l'espèce et alors même que l'intéressé ne semble plus avoir d'attaches au Maroc, l'arrêté d'expulsion du 18 octobre 2007 du préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que, comme il vient d'être dit, M. X n'établit pas subvenir aux besoins et à l'éducaétion de son fils avec lequel il n'a jamais vécu ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral d'expulsion du 18 octobre 2007 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hicham X et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
''
''
''
''
N°08DA01000 2