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20/01/2009 | FRANCE | N°07DA02021

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 janvier 2009, 07DA02021


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 31 décembre 2007 et confirmée par la réception de l'original le 7 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Muriel X, Mlle Elen X, M. Yan X, demeurant ... et pour M. Raymond X et Mme Maryse X, demeurant ..., par Me Lemiegre ; les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501513 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Oissel, en réparation du préjudice résultant du décès de

M. Jean-Luc X, à verser à Mme Muriel X, sa veuve, les sommes de 19 000 ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 31 décembre 2007 et confirmée par la réception de l'original le 7 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Muriel X, Mlle Elen X, M. Yan X, demeurant ... et pour M. Raymond X et Mme Maryse X, demeurant ..., par Me Lemiegre ; les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501513 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Oissel, en réparation du préjudice résultant du décès de M. Jean-Luc X, à verser à Mme Muriel X, sa veuve, les sommes de 19 000 euros au titre du préjudice moral et de 199 030 euros au titre du préjudice économique, à Mlle Elen X, sa fille, les sommes de 37 800 euros au titre du préjudice moral et de 36 752 euros au titre du préjudice économique, à M. Yan X, son fils, les sommes de 18 900 euros au titre du préjudice moral et de 58 760 euros au titre du préjudice économique, à M. et Mme Raymond X, ses parents, chacun une somme de 13 800 euros au titre du préjudice moral, avec intérêts à compter du 27 avril 2005 ;

2°) de condamner la commune d'Oissel à verser à Mme Muriel X les sommes de 19 100 euros et 199 030 euros au titre des préjudices moral et économique, à Mlle Elen X les sommes de 37 800 euros et 36 752 euros au titre des préjudices moral et économique, à M. Yan X les sommes de 18 900 euros et 58 760 euros au titre des préjudices moral et économique et à M. et Mme Raymond X, chacun une somme de 13 800 euros au titre du préjudice moral, ces sommes portant intérêts légaux à compter du 27 avril 2005 ;

3°) de condamner la commune d'Oissel à leur verser, chacun, la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'aucun défaut d'entretien normal ne pouvait être retenu à l'encontre de la commune d'Oissel alors que l'accident ayant entraîné le décès de M. Jean-Luc X est dû à la configuration particulièrement dangereuse des lieux ; qu'ainsi que l'a constaté l'huissier de justice le 1er juillet 2003, l'accès à la passerelle n'était pas interdit aux vélos ; qu'une importante quantité de gravier a été déposée en contrebas de la passerelle, rendant le chemin particulièrement dangereux pour les cyclistes qui ne pouvaient dès lors pas freiner en toute sécurité ; qu'il était difficile d'éviter la butte située en contrebas dès lors que celle-ci a une hauteur de 60 à 80 cm ; que la pente importante de la rampe d'accès au débouché de la passerelle, proche de 20 %, ne pouvait qu'accélérer la vitesse des cyclistes l'empruntant ; que la circonstance que la passerelle était fermée par une chicane à ses deux extrémités est sans incidence sur la responsabilité de la commune dès lors que l'accident a eu lieu 30 mètres plus loin sur un chemin pour lequel aucune restriction d'usage n'avait été mise en place ; que ce chemin, dont la pente est de 20 %, aboutit à la butte dont la dangerosité a été démontrée par l'expert ; que la commune ne démontre pas avoir mis en place de signalisation adéquate de ce danger ; que M. X, cycliste chevronné maîtrisant les règles de prudence, n'a pas commis de faute ; que son vélo, et notamment le système de freinage, était en bon état ; qu'il ne pouvait pas remarquer l'obstacle constitué par les buttes ; qu'il n'était donc pas en mesure de prendre conscience du danger lorsqu'il a dépassé une accompagnatrice du groupe d'élèves ; que le préjudice moral doit être fixé à la somme de 19 100 euros pour Mme Muriel X, 37 800 euros pour Mlle Elen X qui a été témoin de l'accident de son père et a subi un important traumatisme psychologique, 18 900 euros pour M. Yan X et 13 800 euros pour M. Raymond X et Mme Maryse X, chacun ; que le préjudice économique des requérants doit être évalué en fonction des revenus liés à la fonction d'agent de maîtrise en maintenance de matériel, poste pour lequel M. X suivait une formation professionnelle ; que le préjudice économique doit être fixé à la somme de 199 030 euros pour l'épouse de M. X, 36 752 euros pour sa fille et 58 760 euros pour son fils ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 29 janvier 2008 fixant la clôture de l'instruction au 25 juillet 2008 ;

Vu la mise en demeure adressée le 10 juillet 2008 à Me Israël, avocat de la commune d'Oissel, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 23 juillet 2008 et régularisé par la production de l'original le 24 juillet 2008, présenté pour la commune d'Oissel, dont le siège est Hôtel de Ville, Place du 8 mai 1945 à Oissel (76350), représentée par son maire en exercice, par Me Israël ; la commune conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'ouvrage public n'est pas exceptionnellement dangereux dès lors que la configuration des lieux est adaptée à sa nature et à son affectation ; que la pente de la rampe d'accès et la présence d'une butte en contrebas constituent des éléments propres à la nature de cet ouvrage qui est adapté à son environnement ; que la passerelle est fermée à ses deux extrémités par des chicanes qui autorisent le passage des piétons et des cyclistes vélo à la main ; que la passerelle ne fait l'objet d'aucun défaut d'entretien normal ; que la signalisation est conforme à la réglementation en vigueur et informe l'usager que la passerelle n'est pas adaptée aux deux-roues ; que les buttes en contrebas ont pour fonction d'éviter que les véhicules à moteur puissent emprunter la passerelle dont l'entrée est étroite ; que le passage est clairement tracé au sol ; que les chicanes contraignent les usagers à passer vélo à la main, ce que confirment les témoins de l'accident ; que la victime, qui a descendu la passerelle à vélo, a commis une faute en n'utilisant pas l'ouvrage conformément à sa destination ; que la chaussée, qui est empruntée par des piétons et non par des véhicules à moteur, ne présente aucune défectuosité constituant un défaut d'entretien normal ; que les dangers potentiels étaient prévisibles par la victime qui habitait la commune d'Oissel et pratiquait fréquemment le vélo tous-terrains en forêt du Rouvray, ce qui le conduisait à emprunter la passerelle litigieuse, ce qu'il avait notamment fait à l'aller ; que la nécessité de surmonter la voie routière a obligé les concepteurs de la passerelle à lui donner une inclinaison forte ; que la faute de la victime est dès lors exclusivement à l'origine de l'accident ; que M. X a délibérément pris le risque de dépasser une accompagnatrice en franchissant la butte de droite ; que le montant des préjudices allégués par les requérants est surévalué ; que le préjudice économique ne doit pas être évalué en fonction de la rémunération future éventuelle de la victime mais des revenus perçus au moment de l'accident ; qu'il n'est pas établi que la victime avait des chances sérieuses de réussir l'examen qu'il préparait ; que la part de revenu affecté au conjoint survivant est de 35 % et non de 50 %, quelque soit le nombre d'enfants mineurs restant au foyer ; que le préjudice économique des enfants doit être limité à l'âge de 20 ans, âge moyen jusqu'auquel les enfants restent à la charge des parents ;

Vu l'ordonnance du 25 juillet 2008 reportant la clôture de l'instruction au 15 septembre 2008 ;

Vu l'ordonnance du 3 octobre 2008 reportant la clôture de l'instruction au 30 octobre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2009 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- les observations de Me Israël, pour la commune d'Oissel ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que le vendredi 20 juin 2003 vers 15h30, M. Jean-Luc X, âgé de 39 ans, a fait une chute mortelle de vélo dans la forêt du Rouvray, située sur la commune d'Oissel (Seine-Maritime), alors qu'il accompagnait bénévolement une sortie à bicyclette organisée par l'école pour les enfants de la classe de CM 1 de sa fille ; qu'après que l'ensemble des élèves et des accompagnateurs eurent franchi à pied la passerelle enjambant la route départementale 18 E et reliant la commune d'Oissel à la forêt du Rouvray, il a voulu rejoindre en vélo le groupe qui attendait les derniers arrivants, dont il était, en contrebas de cette passerelle, et contraint de dépasser l'accompagnatrice qui le précédait dans la descente, a basculé sur l'une des deux buttes de terre situées au bas de la rampe d'accès à la passerelle, destinées à fermer le passage aux véhicules à moteur ; que Mme Muriel X, M. Yan X, Melle Elen X, et M. et Mme Raymond X, respectivement veuve, enfants et parents de la victime, relèvent appel du jugement du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Oissel à leur verser des indemnités réparant le préjudice résultant de ce décès ; qu'ils soutiennent que la passerelle aurait dû être formellement interdite aux vélos ; que la descente de la passerelle vers le chemin forestier était dangereuse du fait de sa déclivité prononcée et de la présence de graviers empêchant les cyclistes de freiner efficacement ; qu'ils soutiennent en outre que la dimension excessive des buttes de terre aménagées de part et d'autre du chemin d'accès à la passerelle pour interdire son accès aux véhicules à moteur rendait leur franchissement très dangereux ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que si les panneaux de signalisation en place interdisaient la circulation sur la passerelle et ses rampes d'accès aux seuls véhicules à moteur mais non aux cyclistes, les chicanes situées aux extrémités du tablier de la passerelle en limitaient l'accès et obligeaient les cyclistes à mettre pied à terre pour l'emprunter ; que ces éléments étaient suffisants pour alerter les promeneurs sur les conditions d'usage de l'ouvrage ; que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la signalisation des lieux était insuffisante et inadaptée ; que si par ailleurs le chemin d'accès à la passerelle était en pente prononcée et la présence de graviers en rendait la descente à vélo glissante, le rétrécissement de ce chemin lié à la présence en contrebas de deux buttes de terre, ne constituait cependant pas un obstacle excédant par sa difficulté ceux que les promeneurs ou les amateurs de vélo tous-terrains doivent s'attendre à rencontrer en milieu forestier ; que, par suite, la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public étant apportée, les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune d'Oissel, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser aux consorts X, la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Oissel présentées au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Oissel tendant à ce que les consorts X soient condamnés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Muriel X, M. Yan X, Melle Elen X, M. Raymond X, Mme Maryse X et à la commune d'Oissel.

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N°07DA02021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA02021
Date de la décision : 20/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne (AC) Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SELARL LEMIEGRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-01-20;07da02021 ?
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