Vu le recours, enregistré le 6 février 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmé le 8 février 2008 par la production de l'original, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE
L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701203 du 4 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Langley X, a annulé l'arrêté ministériel du 20 décembre 2006 refusant d'autoriser l'entrée sur le territoire français à M. X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X en première instance ;
Il soutient que les premiers juges, en considérant que sa décision était insuffisamment motivée, ont commis une erreur de droit ; que le Tribunal a inexactement apprécié les faits ; qu'il pouvait, à juste titre, refuser l'entrée sur le territoire de M. X sans qu'il soit nécessaire de produire les éléments de la procédure judiciaire ; qu'enfin, la décision contestée en première instance est suffisamment motivée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2008, présenté pour
M. Langley X, demeurant ..., par Me Prevost ; il conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Lille ; à cette fin, il fait valoir que le ministre a commis une erreur de droit ; qu'il n'a pas coché la rubrique visant le danger pour l'ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales ; que la décision du 20 décembre 2006 n'est pas suffisamment motivée ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 avril 2008, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; il conclut à l'annulation du jugement du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lille et au rejet de la requête de M. X ; à cette fin, il fait valoir que la circonstance que le refus d'entrée ne mentionne pas le motif tiré de ce que M. X constituerait un danger pour l'ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales d'un ou de plusieurs Etats membres de l'Union Européenne, est sans incidence sur le refus opposé ; que l'inscription au système Schengen, notamment dans le fichier national, constitue une donnée objective qui s'impose à l'administration, dont la mention se suffit à elle-même et qui constitue tant un élément de fait par son existence que de droit ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2008 par télécopie et confirmé le 1er septembre 2008 par la production de l'original, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE
L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; il conclut à l'annulation du jugement du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lille et au rejet de la requête de
M. X ; à cette fin, il fait valoir que les dispositions de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont complémentaires et subsidiaires de celles prévues par la convention de Schengen, lesquelles ont valeur supra législative et s'appliquent en droit interne ; que, par conséquent, dans le cas d'espèce, les dispositions nationales ne trouvent pas à s'appliquer et ne sauraient être utilement invoquées ; que le seul cadre juridique applicable est celui de l'article 5 du code frontières concernant les entrées sur le territoire Schengen ; qu'en application des dispositions du paragraphe I dudit article, une décision de refus d'entrée motivée formellement par un signalement de non-admission, condition expressément prévue par le code frontières pour l'entrée sur le territoire, est suffisamment motivée ; qu'aucune disposition ne prévoit de mentionner dans le refus d'entrée pour quels motifs la personne a été inscrite sur le fichier Schengen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de Schengen, signée le 14 juin 1985, et complétée le 19 juin 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 96-417 du 15 mai 1996 ;
Vu le décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, et notamment son article 11 ;
Vu l'arrêté du 15 mai 1996 relatif au fichier des personnes recherchées géré par le ministère de l'intérieur et le ministère de la défense ;
Vu le code de justice administrative et notamment l'article R. 312-2 in fine ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Albert Lequien, président-assesseur et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :
- le rapport de M. Marc Estève, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : « Tout refus d'entrée en France fait l'objet d'une décision écrite motivée prise, sauf en cas de demande d'asile, par un agent relevant d'une catégorie fixée par voie réglementaire (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 213-1 du même code : « La décision écrite et motivée refusant l'entrée en France à un étranger prévue à l'article L. 213-2 est prise (...) par le chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et d'agent de constatation principal pour le second » ;
Considérant que le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du
20 décembre 2006 au double motif, d'une part, que la décision n'était pas motivée dès lors que les indications portées sur le formulaire de refus d'entrée ne permettaient pas de déterminer de façon certaine le cas de refus dans les prévisions duquel rentrait M. X, et que les explications orales fournies à l'intéressé ne valaient pas motivation au sens des dispositions susvisées, d'autre part, que l'existence et la notification d'un jugement du Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer prononçant l'interdiction du territoire à l'encontre du requérant, n'étaient pas établies ;
Considérant, sans qu'il soit besoin de statuer sur le premier point, qu'il ressort de l'instruction que, par jugement du 3 mars 1993, M. X, comparant détenu, a été condamné par le Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer à une peine d'emprisonnement de 18 mois fermes et maintenu en détention ; que le Tribunal a également ordonné, à titre définitif, son interdiction du territoire français ; que le 13 septembre 2006, le requérant a déposé, auprès de la Cour d'appel de Douai, une demande de relèvement de l'interdiction du territoire français sur laquelle, à la date de la décision attaquée, il n'avait pas été statué ; que, sauf à méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal, l'autorité administrative, qui a pris soin de vérifier auprès du substitut du procureur de la République que la mesure n'était pas caduque, ne pouvait, dans ces conditions, que refuser l'accès de l'intéressé au territoire national ; que cette situation de compétence liée, qui ressort des pièces versées au dossier d'appel par le ministère de l'intérieur, rend inopérants tous les moyens que la Cour pourrait examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lille et de rejeter la demande de M. X ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0701203 du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lille est annulé et la demande de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à M. Langley X.
N°08DA00229 5