Vu la requête, enregistrée sous le n°08DA01769 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 24 octobre 2008, présentée par le PREFET DE LA REGION NORD PAS DE CALAIS ; le PREFET demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0806016 du 8 octobre 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Lille, d'une part, a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision implicite, survenue le 29 avril 2008, du maire de Rexpoede délivrant à M. Arezki X un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation et d'un garage sur un ancien corps de ferme situé ..., jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution du permis de construire n° 059 499 08 A 0001 délivré tacitement le 29 avril 2008 par le maire de Rexpoede ;
Le PREFET soutient :
- que le permis de construire accordé à M. X par le maire de Rexpoede est illégal dès lors que le projet de M. X n'a pas de caractère agricole alors qu'il est situé en zone NC; que les dispositions de l'article NC 1 du règlement du P.O.S. de Rexpoede sont illégales dès lors qu'elles ne respectent pas les dispositions de l'article R.123-7 du code de l'urbanisme et qu'elles permettent le changement de destination des constructions ; que cette même illégalité affecte les dispositions des plans d'occupation des sols précédents ; qu'ainsi sont applicables les dispositions du règlement national d'urbanisme qui n'autorisent pas de constructions en dehors des parties urbanisées de la commune ;
- que le projet consiste en réalité à démolir entièrement un bâtiment pour reconstruire une nouvelle habitation ; qu'ainsi l'autorisation délivrée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du plan d'occupation des sols ;
Vu, enregistré les 14 novembre 2008 (télécopie) et 18 novembre 2009 (original), le mémoire en défense présenté pour la commune de Rexpoede par la SCP d'avocats Manuel Gros, David Deharbe et associés. La commune conclut au rejet du déféré et à la condamnation de l'Etat à payer une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
La commune soutient :
- que le déféré est tardif, les services de la préfecture ayant proposé au maire de retirer le permis tacite par courrier du 19 juin 2008 et ayant en tout état de cause été destinataires de la demande de permis de construire le 5 mars 2008 ;
- que la reconstruction de l'habitation respecte les dispositions de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, la destination du bâtiment n'étant pas modifiée ;
- que les dispositions du plan d'occupation des sols visent à conserver le caractère des constructions existantes par la réhabilitation des anciens corps de ferme et excluent toute construction nouvelle non affectée à l'agriculture ; qu'elles ne sont entachées d'aucune illégalité, se retrouvent au demeurant dans de nombreux plans d'occupation des sols des communes avoisinantes et ont été validées par le contrôle de légalité après participation active des services de l'Etat ;
Vu, enregistré le 14 novembre 2008, le mémoire présenté pour M. X Areski demeurant ... par la SCP d'avocats Mougel-Btouwer ;
M. X demande le rejet du déféré du préfet et la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient :
- que le déféré est tardif ; qu'en effet, un permis tacite a été acquis à la date du 29 avril 2008 et affiché sur le terrain ; que le préfet ne peut se prévaloir de la communication du dossier le 19 juin 2008, les services de l'Etat étant en possession du dossier complet depuis le mois de mars ;
- que le permis est conforme à l'exigence du plan local d'urbanisme et prévoit la reconstruction d'un bâtiment ayant conservé son caractère d'habitation ; que le maire n'a fait aucune erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du plan local d'urbanisme ;
- que les plans locaux d'urbanisme peuvent légalement prévoir des dérogations à la règle générale d'affectation des zones créées au sein de la commune ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience ;
A l'audience publique qui s'est ouverte le 18 novembre 2008 à 11 heures sont entendus :
- M. Schilte, président de la Cour en son rapport ;
- M. Loir, attaché à la sous-préfecture de Dunkerque ;
- Me Hicter, représentant la commune de Rexpoede ;
- Me Mougel, représentant M. X ;
Vu l'ordonnance en date du 18 novembre 2008 par laquelle la clôture de l'instruction a été différée au 20 novembre à 16h30 ;
Vu, enregistrés le 19 novembre 2008, le mémoire et les pièces produites pour M. X ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : « Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit :
- article L. 2131-6 alinéa 3 : « Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois. » ;
Considérant que le PREFET DE LA REGION NORD PAS DE CALAIS fait appel de l'ordonnance en date du 8 octobre 2008 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Rexpoede a délivré un permis de construire à M. X ;
Considérant qu'aux termes de l'article NC1 du plan local d'urbanisme de la commune de Rexpoede : « sont admis dans l'ensemble de la zone :
- Les constructions, extensions et reconstructions à usage agricole ainsi que les maisons d'habitation directement liées à l'exploitation agricole.
- Les bâtiments liés à l'activité agricole ressortissant ou non la législation sur les installations classées dans la mesure où ils ne portent pas atteinte à l'intérêt agricole des lieux et ne compromettent pas le caractère de la zone.
- Les travaux visant à améliorer le confort ou la solidité ainsi que l'extension des constructions à usage d'habitations existantes dans la limite de 250 m² de superficie hors oeuvre nette totale.
- Les reconstructions après sinistre ou de bâtiments ayant conservé leur caractère d'habitabilité dans la limite de 250 m² de superficie hors oeuvre nette totale, sous réserve :
. que la reconstruction soit édifiée sur la même parcelle et qu'il n'en résulte pas une augmentation du nombre de logements.
. que l'unité foncière concernée soit desservie au minimum par les réseaux d'eau et d'électricité ; la nouvelle destination ne doit pas entraîner de renforcement des réseaux existants (voirie - eau - électricité).
Toutefois, après sinistre, la reconstruction à l'identique pour les bâtiments dont la superficie hors oeuvre nette initiale est supérieure à 250 m² est autorisée.
- Les bâtiments annexes (de faible volume) et les garages liés à l'habitation existante... » ;
Sur la conformité du projet aux dispositions du plan local d'urbanisme :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le projet consiste d'une part à démolir et reconstruire un bâtiment principal à usage d'habitation et d'autre part de transformer un bâtiment à usage de chenil en garage ;
Considérant que s'agissant du bâtiment principal, il résulte des pièces du dossier et il n'est pas contesté qu'avant la vente à M. X il était à usage d'habitation et qu'il a conservé son caractère d'habitabilité même si certaines parties du bâtiment sont susceptibles de présenter certains dangers à termes non définis ; que, s'il est vrai que pour des raisons techniques et économiques, le projet prévoit de le démolir et de le remplacer, avec des matériaux traditionnels, par un nouveau bâtiment situé sur les mêmes fondations, cette circonstance ne saurait disqualifier le caractère d'habitabilité du bâtiment ; que le projet entre ainsi dans les prévisions du plan local d'urbanisme qui autorisent, sous certaines conditions, de telles reconstructions en dérogation à l'affectation principale de la zone à vocation agricole ; que s'agissant du bâtiment transformé en garage, dont il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'il avait connu une affectation agricole, une telle affectation est explicitement prévue par les dispositions sus-rappelées du plan local d'urbanisme ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA REGION NORD PAS-DE-CALAIS n'est pas fondé à soutenir que le projet ne respecte pas les dispositions du plan local d'urbanisme ;
Sur l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme :
Considérant qu'il est loisible aux communes qui ont institué des zones NC à vocation agricole de prévoir au sein du règlement de la zone, par dérogation à la vocation générale de celle-ci, la possibilité de changer l'affectation de bâtiments ou leur reconstruction sous certaines conditions notamment de respect du caractère général de la zone, de desserte par les réseaux et de constructibilité limitée s'appliquant à des parcelles supportant déjà des constructions dévolues à l'habitation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les dérogations figurant au sein du plan local d'urbanisme de la commune de Rexpoede au sein de la zone NC seraient entachées d'illégalité au regard des critères sus-énoncés ; que si le PREFET allègue par ailleurs que les dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme applicables aux zones agricole dites « zones A » rendraient illégales les dérogations figurant dans le document d'urbanisme de la commune de Rexpoede , il n'invoque aucune circonstance de droit ou de fait qui rendraient opposables de telles dispositions au document d'urbanisme de la commune alors que celle-ci a conservé une zone NC ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens articulés par le PREFET DE LA REGION NORD PAS-DE-CALAIS n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire implicite délivré par le maire de Rexpoede à M. X ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande devant le Tribunal administratif de Lille, le PREFET DE LA REGION NORD PAS-DE-CALAIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de condamner l'Etat à payer une somme de 1 500 euros à la commune de Rexpoede ainsi qu'à M. X ;
ORDONNE :
Article 1er: La requête présentée par le PREFET DE LA REGION NORD PAS-DE-CALAIS est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la commune de Rexpoede ainsi qu'à M. X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à la commune de Rexpoede, ainsi qu'à M. Arezki X.
Copie sera également transmise au PREFET DE LA REGION NORD PAS-DE-CALAIS.
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N°08DA01769 2