La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2008 | FRANCE | N°07DA00115

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 11 juin 2008, 07DA00115


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 25 janvier 2007 et régularisée par la production de l'original le 26 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme LINEX CLOISONS, représentée par Me Lemoine, liquidateur judiciaire, dont le siège est 26 rue Camille Saint-Saëns à Rouen (76000), par Me Perrot ; la société LINEX CLOISONS demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement nos 0201626-0501443-0501839 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de ses demand

es tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 25 janvier 2007 et régularisée par la production de l'original le 26 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme LINEX CLOISONS, représentée par Me Lemoine, liquidateur judiciaire, dont le siège est 26 rue Camille Saint-Saëns à Rouen (76000), par Me Perrot ; la société LINEX CLOISONS demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement nos 0201626-0501443-0501839 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % au même impôt auxquels elle a été assujettie au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la mise en location ne constitue pas une nouvelle activité mais la valorisation de l'activité précédente ; que la modification de l'activité initiale n'a pas dépassé les besoins de la liquidation ; que la levée d'option était dans la mission du liquidateur ; que la location avait pour finalité le règlement du passif ; que le procès avec son client s'inscrit dans le prolongement de son activité antérieure ; qu'en cas de gain du procès, le rejet du déficit reportable ne permet pas l'imputation du déficit né de l'activité industrielle qui en est l'origine ; que le crédit-bail est une forme d'acquisition du bien à crédit et que l'analyse du tribunal conduit à une discrimination selon le mode de financement utilisé par l'entreprise et ne respecte pas l'objectif de neutralité économique de l'impôt ; elle invoque la documentation administrative publiée dans la documentation de base 8 M-124 N n° 9 du 1er décembre 1995 ainsi que les réponses ministérielles du 8 septembre 1979 à M. Y, député et du 16 avril 1990 à M. X, député ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le passage d'une activité industrielle à une activité de gestion d'un patrimoine immobilier constitue un changement d'activité qui excède en l'espèce les simples nécessités de la liquidation de l'entreprise ; que le contrat de crédit-bail ne peut être assimilé à un emprunt ; qu'il n'y avait d'actif à réaliser dès lors que la propriété de l'immeuble n'a été acquise que lors de la levée de l'option ; que l'activité nouvelle comportant un risque, elle est caractéristique d'une véritable activité économique ; que l'existence d'un litige avec un client ne constitue pas une prolongation de son activité antérieure ; que la doctrine administrative citée n'est pas opposable car elle concerne l'interprétation d'autres textes fiscaux et que la situation de la société requérante n'est pas conforme aux prévisions de cette doctrine ;

Vu l'ordonnance du 8 novembre 2007 portant clôture de l'instruction au 8 décembre 2007 ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 5 décembre 2007 et régularisé par la production de l'original le 7 décembre 2007, présenté pour la société LINEX CLOISONS aux mêmes fins par les mêmes moyens ; que si elle admet que la doctrine qu'elle cite n'est pas opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle dénonce une analyse différente de l'administration pour des mêmes faits ;

Vu l'ordonnance du 10 décembre 2007 portant report de la clôture de l'instruction au 10 janvier 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2008 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :

- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société LINEX CLOISONS qui exerçait une activité de fabrication et de pose de cloisons a été mise en liquidation judiciaire à compter du 1er avril 1997 ; que la société, à la suite de la levée d'option d'un contrat de crédit-bail a donné en location l'immeuble ainsi acquis ; que l'administration, à la suite d'une vérification de comptabilité effectuée en 2002, a estimé que la société avait changé d'activité et qu'elle ne pouvait imputer sur les résultats des exercices clos en 1999, 2000 et 2001 les déficits et amortissements réputés différés nés d'exercices antérieurs ; que la société LINEX CLOISONS relève appel du jugement du 7 novembre 2006 du Tribunal administratif de Rouen qui a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions de 10 % sur l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre desdits exercices ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts relatif à la détermination de la base de l'impôt sur les sociétés : « (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (...) » ; qu'aux termes de l'article 221 du même code : « (...) 5. Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise (...) » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est subordonnée notamment à la condition qu'une société n'ait pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même ;

Considérant que la société LINEX CLOISONS, postérieurement à sa mise en liquidation en 1997, a levé l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail immobilier qu'elle avait conclu avec la ville d'Yvetot ; que cette levée d'option a été autorisée par le Tribunal de commerce de Rouen, par une ordonnance du 20 avril 1998 ; que le contrat de crédit-bail portait sur une parcelle de terrain et un bâtiment industriel dans lequel la société exerçait auparavant son activité industrielle et commerciale ; que par la suite, la société LINEX CLOISONS a donné cet immeuble en location à une entreprise au cours des années en litige ;

Considérant qu'un contrat de crédit-bail immobilier revêt un caractère essentiellement financier ; que le contrat en cause était destiné au financement d'un immeuble dans lequel la société exerçait auparavant son activité ; que les redevances de crédit-bail comprenant pour partie des sommes représentatives du prix d'acquisition de l'immeuble, la circonstance que la levée d'option de la promesse unilatérale de vente soit intervenue postérieurement à la mise en liquidation de la société n'est pas à elle seule de nature à faire regarder cette acquisition comme étrangère à l'activité antérieure de la société ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que la levée d'option a pu s'effectuer moyennant le paiement d'une somme de 183 729 francs, très inférieure à la valeur de l'immeuble, compte tenu des redevances de crédit-bail antérieures qu'elle avait déjà versées ;

Considérant que la société requérante soutient sans être sérieusement contredite que l'importance du loyer qu'elle a perçu permettait un apurement progressif des dettes sociales et dans des conditions meilleures que la vente immédiate de l'immeuble après la levée d'option ; que la société n'avait pas l'obligation de vendre l'immeuble immédiatement plutôt que de le donner en location ; qu'il résulte de l'instruction que cette dernière opération permettait, sans prise de risques excessifs, de parvenir à apurer dans de meilleures conditions le passif social ; que, par ailleurs, un important litige l'opposait à un ancien client qui pouvait justifier la poursuite des opérations de liquidation ; que, par suite, que l'activité de location, poursuivie par la société LINEX CLOISONS après la mise en liquidation de l'immeuble ayant été utilisé antérieurement pour son activité industrielle et commerciale doit être regardée comme n'ayant pas excédé les besoins de la liquidation dans de bonnes conditions ; que, dès lors, la société LINEX CLOISONS n'a pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même ; qu'ainsi la société LINEX CLOISONS est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif que la location excédait les besoins de la liquidation ;

Considérant, qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, de prononcer la réduction de la base de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1999, 2000 et 2001 de la société LINEX CLOISONS du montant des déficits et amortissements différés reportables constatés au cours des exercices antérieurs et de réformer, dans cette seule mesure, le jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société LINEX CLOISONS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1999, 2000 et 2001 de la société LINEX CLOISONS est réduite du montant des déficits et amortissements différés reportables constatés au cours des exercices antérieurs.

Article 2 : La société LINEX CLOISONS est déchargée des droits et pénalités relatifs à la réduction des bases mentionnées à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du 7 novembre 2006 du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société LINEX CLOISONS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Lemoine, liquidateur de la société anonyme LINEX CLOISONS et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°07DA00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00115
Date de la décision : 11/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Stortz
Rapporteur ?: M. Alain de Pontonx
Rapporteur public ?: Le Garzic
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BERSAGOL PIRO et PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-11;07da00115 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award