Vu la requête, enregistrée le 2 août 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. François X, demeurant ..., par Me Duc ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0501800-0502224 du 21 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du
17 juin 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé la décision du 26 janvier 2005 de l'inspecteur du travail refusant d'accorder à la société Normande de Valorisation Energétique l'autorisation de le licencier pour faute et a autorisé le licenciement demandé et, d'autre part, de la décision implicite de rejet de son recours administratif formé à l'encontre de la décision ministérielle du 17 juin 2005 ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de condamner la partie perdante à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que la procédure préalable à son licenciement est entachée d'irrégularité, le délai qui s'est écoulé entre sa mise à pied et la saisine de l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement étant excessif ;
- que seul le vol peut justifier un licenciement, les faits de chiffonnage qui lui sont reprochés n'étant pas d'une gravité suffisante pour justifier une telle mesure ; que le règlement intérieur de l'entreprise fait la distinction entre le vol et le chiffonnage ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance du 9 août 2007 portant clôture de l'instruction au 9 novembre 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2007, présenté par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient :
- à titre principal, que la requête présentée par M. X est irrecevable, l'intéressé se bornant à reprendre les moyens présentés en première instance, sans critiquer le jugement attaqué ;
- à titre subsidiaire et sur le fond, que le délai entre la mise à pied conservatoire et la saisine de l'inspecteur du travail n'est pas prescrit à peine de nullité ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable au licenciement de M. X n'est pas fondé ;
- que les faits de chiffonnage qui sont reprochés à l'intéressé sont établis et sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2007, présenté pour la société Normande de Valorisation Energétique (SNVE), dont le siège est boulevard Stalingrad à Grand Quevilly (76120), par la SCP Deflers-Andrieu et associés ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient :
- que le dépassement du délai prévu à l'article R. 436-3 du code du travail entre la mise à pied à titre conservatoire et la saisine de l'inspecteur du travail n'entache pas d'irrégularité la procédure de licenciement, ce délai n'étant pas prescrit à peine de nullité de la procédure ;
- que l'intéressé a récupéré, de façon très importante, des produits destinés à la destruction dans le but, notamment de les revendre ; que ces faits de chiffonnage sont interdits par le règlement intérieur de l'entreprise et que cette interdiction a été rappelée à plusieurs reprises aux salariés par des notes de service ; que ces faits sont ainsi d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. X ; que la société ne tolérait pas de telles pratiques et a engagé, également, des procédures de licenciement à l'encontre d'autres salariés, à compter du mois de décembre 2004 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2008 à laquelle
siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Normande de Valorisation Energétique a demandé à l'inspecteur du travail, le 4 janvier 2005, l'autorisation de licencier pour faute M. X, membre suppléant du comité d'entreprise ; que, par une décision du 26 janvier 2005, l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder cette autorisation ; que, par une décision du 17 juin 2005, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, saisi par la voie du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement demandé ; que M. X relève appel du jugement du 21 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours administratif formé à l'encontre de cette décision ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité :
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, la requête présentée par M. X, qui comporte une critique du jugement attaqué, est suffisamment motivée ; que dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés par M. X :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Normande de Valorisation Energétique, qui exploite une usine d'incinération d'ordures ménagères à Grand Quevilly, a été informée, en octobre 2004, de l'existence de sorties illicites de déchets et a porté plainte, le
8 octobre 2004, en raison des risques sanitaires encourus par la diffusion de produits impropres à la consommation ; qu'à la suite d'une enquête de police, il a été constaté que plusieurs salariés de la société étaient concernés par cette pratique, dont M. X, employé en qualité d'agent qualifié ; que ces faits correspondent à une pratique dite de « chiffonnage », qui, bien qu'interdite par le règlement intérieur de l'entreprise, lui-même rappelé par des notes de service, était, ainsi que cela résulte de très nombreuses attestations, largement répandue chez des salariés sans que des sanctions importantes soient prononcées avant le licenciement en cause ; que, dans ces conditions, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en estimant que les faits reprochés, qui ne portent que sur quelques objets et alors que l'intéressé, qui a plus de trente ans d'ancienneté, n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, constituent un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. X a, en accordant l'autorisation de licencier M. X, commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le paiement à M. X d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, soit condamné à payer à la société Normande de Valorisation Energétique la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 0501800-0502224 du 21 juin 2007 du Tribunal administratif de Rouen et la décision du 17 juin 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, ensemble la décision implicite de rejet du recours administratif de M. X sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Normande de Valorisation Energétique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. François X, à la société Normande de Valorisation Energétique et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
N°07DA01206 2