Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme ELBEUF DISTRIBUTION, dont le siège est Z.I. des Grands Prés, route de Pont de l'Arche à Saint-Pierre-lès-Elbeuf (76320), par Me Farcy ; la société ELBEUF DISTRIBUTION demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201003 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure est irrégulière car le vérificateur n'a adressé une lettre portant le redressement à la connaissance du contribuable qu'à titre d'information ; qu'il devait l'informer d'un délai de réponse et de la possibilité de se faire assister par le conseil de son choix ; que les équipements en chambre froide, les rayonnages de la « réserve » et les accessoires de l'entrepôt sont passibles de taxe foncière et qu'elle invoque les dispositions de la documentation de base 6 C-112 n° 1, 2, 3 et 6 du 15 décembre 1988 ; que l'auvent et le kiosque font partie de la station d'essence pour laquelle un permis de construire a été obtenu ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la mention de la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix n'est pas au nombre des obligations découlant du principe général des droits à la défense ; que les équipements en litige, qui peuvent être dissociés des bâtiments, doivent être pris en compte en calculant leur valeur locative conformément au 3° de l'article 1469 du code général des impôts ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 octobre 2007, présenté pour la société ELBEUF DISTRIBUTION qui déclare abandonner sa contestation en ce qui concerne les dépenses d'équipement de l'entrepôt ; elle ajoute que l'exclusion de la procédure contradictoire n'est pas applicable à la taxe professionnelle dès lors qu'elle n'est pas perçue exclusivement au profit des collectivités locales ; qu'il n'a pas été précisé au contribuable qu'il avait la possibilité de présenter des observations ;
Vu l'ordonnance du 15 octobre 2007 portant clôture de l'instruction au
15 novembre 2007 ;
Vu l'ordonnance du 14 novembre 2007 portant report de la clôture de l'instruction au
17 décembre 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2008 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, qu'aux termes de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales : « La notification d'une proposition de redressement doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de redressement ou pour y répondre » ; qu'aux termes de l'article L. 56 du même livre : « La procédure de redressement contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers (...) » ;
Considérant que, lorsqu'une imposition est, telle la taxe professionnelle, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations ; que les dispositions de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 de ce livre n'est pas applicable en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales, ont pour seul effet d'écarter cette procédure de redressement contradictoire mais ne dispensent pas du respect, en ce qui concerne la taxe professionnelle, des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une lettre du 24 novembre 1998, l'administration a informé la société de son intention de rectifier les bases de la taxe professionnelle des années en litige et a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que les équipements en cause devaient être évalués selon la méthode prévue au 3° de l'article 1469 du code général des impôts ; qu'elle a précisé les biens concernés et leur prix de revient ; que, dans ces conditions, l'administration a, conformément au principe général des droits de la défense, mis la société requérante à même de présenter ses observations sur les redressements envisagés, dans un délai raisonnable, les mises en recouvrement des impositions en résultant étant intervenues le 31 décembre 1999 et le 30 avril 2000 ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure est entachée d'irrégularité au motif qu'elle n'aurait pas été expressément invitée à répondre à cette lettre dans un délai déterminé ni informée de la possibilité de se faire assister par le conseil de son choix ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : « La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code » ; qu'aux termes de l'article 1467 du même code : « La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que les titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d'affaires et les intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés : la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) » ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code : « La valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe, (...) 3° Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient » ;
Considérant que pour procéder au rehaussement des bases de la taxe professionnelle au titre des années 1996, 1997 et 1998, l'administration a estimé que la valeur locative de certains équipements de l'hypermarché exploité par la requérante devait être calculée en retenant 16 % de leur prix de revient, conformément au 3° de l'article 1469 précité du code général des impôts ; que la société ELBEUF DISTRIBUTION soutient que la valeur locative des équipements en litige doit être fixée selon les règles prévues au 1° dudit article 1469, dès lors qu'ils sont incorporés à des biens soumis à cette taxe ;
Considérant, en premier lieu, que les équipements frigorifiques dont le service a modifié le mode d'évaluation de la valeur locative concerne des chambres froides en rayonnage d'une capacité suffisante à l'activité de l'hypermarché ; qu'eu égard à leur nature essentiellement démontable et mobile, ces équipements ne peuvent être considérés comme indissociables des constructions qui les abritent ; que dès lors ils ne peuvent être regardés comme des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu de l'article 1380 du code précité ; que, par suite, pour le calcul des bases de la taxe professionnelle, la valeur locative de ces équipements doit être déterminée dans les conditions prévues au 3° de l'article 1469 du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société a réalisé des aménagements dans une réserve consistant en deux plates-formes métalliques ainsi qu'en matériels utilisés pour l'équiper en rayonnages à palettes ; qu'il résulte de l'instruction que ces aménagements sont essentiellement mobiles et démontables ; que, dans ces conditions, ces équipements ne constituent pas des éléments de propriété bâtie soumis à la taxe foncière en vertu de l'article 1380 du code général des impôts ; que, par suite, pour le calcul des bases de la taxe professionnelle, la valeur locative de ces équipements doit être déterminée dans les conditions prévues au 3° de l'article 1469 du code général des impôts ;
Considérant, en troisième lieu, que la société ELBEUF DISTRIBUTION n'est pas fondée à demander, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des commentaires de la documentation de base 6 C-112 n° 1, 2, 3 et 6 du 15 décembre 1988 qui ne contiennent pas une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle qui résulte de cette loi ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante a fait édifier une station-service pour laquelle elle a obtenu un permis de construire ; que l'administration a procédé à un redressement de la base de la taxe professionnelle en retenant la valeur locative de l'auvent et du kiosque de cette station-service selon les dispositions du 3° de l'article 1469 du code général des impôts ; qu'il ressort de l'instruction que le kiosque est scellé dans le sol et que l'auvent est intégré dans la structure métallique de la station-service qui est supportée par des poteaux métalliques pour partie enfouis et bétonnés dans le sol ; que si l'administration soutient que le kiosque et l'auvent sont aisément démontables, elle n'apporte pas d'éléments dans ce sens ; que, dans ces conditions, l'auvent et le kiosque de la station-service doivent être regardés comme n'étant pas normalement destinés à être déplacés et s'incorporent ainsi à une propriété bâtie ; que, par suite, pour le calcul de la taxe professionnelle, ces éléments doivent être évalués conformément au 1° de l'article 1469 précité du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ELBEUF DISTRIBUTION est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998, en ce qui concerne l'auvent et le kiosque de la station-service ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société ELBEUF DISTRIBUTION une somme de 750 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Pour la détermination de la taxe professionnelle due par la société ELBEUF DISTRIBUTION au titre des années 1996, 1997 et 1998, la valeur locative des immobilisations constituées par l'auvent et le kiosque de la station-service est calculée conformément au 1° de l'article 1469 précité du code général des impôts.
Article 2 : La société ELBEUF DISTRIBUTION est déchargée de la différence entre la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie et celle qui résulte de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 0201003 du 7 novembre 2006 du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la société ELBEUF DISTRIBUTION une somme de
750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme ELBEUF DISTRIBUTION et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise à la direction des vérifications nationales et internationales.
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N°07DA00117