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08/04/2008 | FRANCE | N°07DA01167

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 avril 2008, 07DA01167


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702722 du 26 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Abbas X, a, d'une part, annulé la décision du PREFET DU PAS-DE-CALAIS du 21 mars 2007 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, d'autre part, enjoint audit préfet de réexaminer

la demande de titre de séjour de M. X dans un délai de trente jours ...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702722 du 26 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Abbas X, a, d'une part, annulé la décision du PREFET DU PAS-DE-CALAIS du 21 mars 2007 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, d'autre part, enjoint audit préfet de réexaminer la demande de titre de séjour de M. X dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement, enfin condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille ;

Il soutient que le Tribunal administratif de Lille a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'arrêté du 21 mars 2007 méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, si M. X, entré en France selon ses déclarations en 2003, affirme vivre en concubinage avec une ressortissante française depuis 2003, les attestations sur l'honneur qu'il produit au soutien de cette allégation ne suffisent pas à établir sa présence en France depuis 2003 ; qu'en outre, le seul contrat de formation professionnelle attestant que l'intéressé aurait suivi de janvier à juillet 2004 une formation de 12 heures par semaine n'est pas à lui seul de nature à justifier une insertion dans la société française ; que les services du préfet n'ont pas eu connaissance, lors des échanges contradictoires, de la promesse d'embauche dont fait référence le tribunal administratif ; qu'au demeurant, cette promesse aurait dû être soumise à la direction départementale du travail pour s'assurer que le marché de l'emploi ne lui est pas opposable ; qu'enfin, M. X n'établit pas être isolé dans son pays d'origine ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 24 août 2007 fixant la clôture de l'instruction au

23 octobre 2007 à 16 h 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2007 par télécopie et confirmé par courrier original le 26 octobre 2007, présenté pour M. Abbas X, demeurant ..., par Me Lequien ; M. X demande à la Cour d'annuler les décisions du PREFET DU PAS DE CALAIS lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, sur la décision de refus de séjour, dès lors que le préfet ne peut justifier l'existence de la délégation intervenue au profit du signataire de l'arrêté attaqué, et de la publication de cette délégation, l'arrêté est entaché d'un vice de légalité externe résultant de l'incompétence du signataire de l'acte ; qu'en outre, le préfet était tenu de recueillir l'avis de la commission ; qu'en s'abstenant de saisir ladite commission au motif d'une absence de justification d'une entrée régulière, le préfet a méconnu le principe de la procédure préalable contradictoire ; qu'enfin, la décision de refus viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que

M. X, qui établit sa présence en France à compter de 2003 et parle français, vit en concubinage depuis 4 ans avec une ressortissante française devenue son épouse depuis le 2 septembre 2006, que ce mariage a fait l'objet d'une enquête diligentée par le Parquet de Boulogne-sur-Mer qui a conclu à la sincérité du projet patrimonial et au renoncement de l'opposition qu'il envisageait de signifier ; que si le préfet fonde son appel sur le fait que les attestations produites au soutien de cette allégation sont à elles seules insuffisantes à établir une présence en France, il n'apporte cependant toujours aucun élément de nature à contester sérieusement cet état de fait ; que si le préfet conteste l'insertion de l'intéressé en France au motif que la promesse d'embauche n'est pas visée par la direction départementale du travail, cette contestation est inopérante, dès lors que la promesse d'embauche, régulièrement versée au débat en première instance, démontre que M. X inspire confiance à son employeur potentiel, qu'il a les compétences pour trouver un emploi de surcroît dans un secteur d'activité, le bâtiment, où les pouvoirs publics ont reconnu l'état de pénurie de main-d'oeuvre ; que, sur la décision de reconduite à la frontière, l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'une carte de résidence entraîne ipso facto la nullité de la décision de reconduite à la frontière ; que ladite décision viole en elle-même les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale ; que, sur la décision fixant le pays de destination, l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour entraîne ipso facto la nullité de la décision de reconduite à la frontière liée à la décision au regard du droit au séjour et de la décision fixant le pays de destination ;

Vu l'ordonnance en date du 26 octobre 2007 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Antoine Mendras, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si M. X, de nationalité iranienne, qui est entré en France, selon ses propres déclarations, clandestinement en 2003, et dont la demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en 2005, soutient qu'il vit en concubinage depuis le mois d'octobre 2003 avec la ressortissante française avec laquelle il s'est marié le 2 septembre 2006, il ne produit au soutien de cette allégation, hors un courrier des Assédic qui lui a été envoyé à l'adresse de cette personne le 9 mars 2005, que diverses attestations sur l'honneur émanant de voisins et de connaissances, toutes postérieures à l'arrêté litigieux, qui ne suffisent à pas à elles seules à établir l'effectivité d'une vie commune avec l'intéressée ; qu'ainsi eu égard aux conditions de son entrée en France et au caractère très récent de son mariage, à la date de la décision attaquée, celle-ci n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X, qui n'allègue ni n'établit être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ni, par suite, méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision du 27 mars 2007 par laquelle le PREFET DU PAS-DE-CALAIS lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a enjoint de quitter le territoire ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par les parties, tant en première instance qu'en appel ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a consenti, par un arrêté du 12 juin 2006 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à M. Patrick Y, secrétaire général de la préfecture, une délégation pour signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de deux matières au nombre desquelles ne figurent pas les décisions relatives au séjour des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait comme en droit ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la commission du titre de séjour : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article

L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) » ; qu'aux termes de l'article

L. 313-11 dudit code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié à un ressortissant de nationalité française, à la condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 dudit code : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte du séjour temporaire et celui de la carte de séjour « compétence et talent » sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour une durée supérieure à trois mois » ; que si M. X a, ainsi qu'il a été dit, épousé en France, le 2 septembre 2006, une personne de nationalité française, il est entré en France démuni du visa de long séjour imposé par la loi ; que, dès lors, il ne figure pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire en vertu des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet était en droit, sans même saisir la commission du titre de séjour, de lui refuser la délivrance du titre de séjour qu'il a sollicité sur le fondement de ces dispositions ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens ;

Considérant que si la motivation de la décision prescrivant l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l'administration demeure, toutefois, tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral attaqué, s'il est suffisamment motivé en fait, se borne à viser, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans rappeler dans ses visas, ses motifs ou même son dispositif, les dispositions de ce code permettant de fonder cette mesure d'éloignement ; que, par suite, la décision par laquelle il est fait obligation à M. X de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination doivent être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du 26 juin 2007 du Tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a annulé la décision du 21 mars 2007 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour ; que, s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, le préfet n'est, en revanche, pas fondé à se plaindre de l'annulation prononcée par ce jugement et, par suite, de l'injonction prononcée à son encontre ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702722 du 26 juin 2007 du Tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il annule la décision du PREFET DU PAS-DE-CALAIS du 21 mars 2007 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : La demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du PREFET DU PAS-DE-CALAIS du 21 mars 2007 en tant qu'elle lui refuse la délivrance d'un titre de séjour est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DU PAS-DE-CALAIS est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Abbas X.

Copie sera adressée au PREFET DU PAS-DE-CALAIS.

N°07DA01167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA01167
Date de la décision : 08/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Antoine Mendras
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : LEQUIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-08;07da01167 ?
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