Vu l'ordonnance du 8 février 2006 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Nantes a transmis à la Cour administrative d'appel de Douai la requête enregistrée le 6 février 2006, sous le numéro 06NT00168, présentée pour la société à responsabilité limitée LE CORSAIRE, dont le siège est 12 rue Adolphe Boissaye à Etretat (76790), par Me Perrot ;
Vu ladite requête, enregistrée le 13 février 2006 sous le n° 06DA00193 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, par laquelle la société LE CORSAIRE demande à la Cour :
11) d'annuler l'article 4 du jugement nos 9901399, 9901400, 9901401, 0002040, 0002097 du 8 décembre 2005 en tant que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête
n° 0002040 tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1995 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Elle soutient que l'administration ne pouvait émettre un avis de mise en recouvrement rectificatif sans avoir procédé à un dégrèvement préalable ; qu'à titre subsidiaire, si l'annulation de l'avis de mise en recouvrement initial vaut implicitement dégrèvement de l'imposition, l'administration ne peut établir sur les mêmes bases une nouvelle imposition sans avoir préalablement informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; que la procédure se trouve entachée d'une irrégularité substantielle liée au manque de clarté entourant l'annulation du premier avis et l'émission du second ; que l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 ne peut avoir pour effet de rendre régulier le non-respect de l'article
R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; qu'il existe une discordance entre le montant des bases d'imposition figurant dans la notification de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et celui figurant dans l'avis de mise en recouvrement ; que cette discordance l'a privé de la garantie prévue à l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible, la notification de redressements est insuffisamment motivée en raison d'une discordance entre le montant des factures internes 1994 et 1995 et celui figurant dans l'annexe récapitulative ; qu'elle n'a pas ainsi été à même d'utiliser le délai de trente jours dès lors qu'elle se trouvait obligée d'utiliser ce délai pour reconstituer les rappels ; qu'en ce qui concerne les redressements sur refacturations, l'administration ne mentionne pas les factures redressées et globalise les redressements par année ; que le montant des pénalités ayant évolué entre la notification de redressements et la mise en recouvrement, l'avis de mise en recouvrement qui ne renvoie pas au bon document n'est pas motivé au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'à titre subsidiaire, la validation législative de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1999 est contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'avis de mise en recouvrement qui se contente de renvoyer à la notification de redressements ne précise pas la nature des majorations, soit pour manoeuvres frauduleuses, soit pour mauvaise foi, en violation des dispositions du premier alinéa de l'article 256-1 du livre des procédures fiscales qui exige de préciser la nature des pénalités ; que les pénalités sont insuffisamment motivées faute d'être ventilées redressement par redressement ; qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la charge de la preuve appartient à l'administration ; que le service a reconstitué la taxe sur la valeur ajoutée déductible au lieu d'avoir écarté les factures ne correspondant pas aux conditions de déductibilité ; que le chiffrage des redressements comporte de nombreuses erreurs ; que retenir les factures comme base de déduction est incompatible avec le principe de l'encaissement applicable aux prestations de services ; que les bandes de caisse constituent un élément justificatif de la ventilation des recettes entre les différents taux de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il appartient à l'administration de reconstituer les recettes relevant du taux réduit ; que s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les refacturations, l'administration ne communique pas les factures et procède à une globalisation par année ; que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont fondées que sur une extrapolation de quelques factures ; que l'appréciation du bien-fondé des majorations pour manoeuvres frauduleuses n'est pas faite redressement par redressement ; que la sanction est incompatible avec l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'appréciation du bien-fondé des majorations pour mauvaise foi n'est pas faite redressement par redressement , que le simple non-respect d'une condition de forme et l'importance des droits rappelés ne suffisent pour justifier la sanction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 août 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'avis de notification de la commission départementale indique le chiffre d'affaires taxable retenu par l'organisme paritaire auquel le service a décidé de se conformer sans prendre en compte la taxe sur la valeur ajoutée déductible qui n'est pas de la compétence de la commission ; que le montant des droits rappelés figurant dans ce document est calculé sur la taxe sur la valeur ajoutée nette ; qu'un nouvel avis de mise en recouvrement pouvait être émis sans que l'administration ait l'obligation ni de procéder à un dégrèvement ni reprendre la procédure d'imposition ; que la base notifiée dans l'avis de la commission correspond à celui retenu par la commission départementale dans le cadre de sa compétence ; que sur le fond la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspond aux factures non présentées ; que la comptabilité ne permettait la ventilation des recettes au taux réduit ; que le service a écarté à bon droit la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures internes à l'entreprise ; que l'avis de mise en recouvrement du 23 octobre 1999 est motivé car il vise les documents de la procédure de redressement et s'approprie la motivation des sanctions ; que cet avis n'a pas à préciser si la majoration sanctionne la mauvaise foi ; que la notification de redressement du 23 octobre 1996 est motivée pour chaque chef de redressement ; que les modalités de comptabilisation qui ont généré des crédits fictifs constituent des manoeuvres frauduleuses ; que les constatations qui ont conduit à cette majoration sont exposées de façon circonstanciée dans la notification de redressement ; que le requérant ne précise pas à quelles fins il invoque l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la mauvaise foi est établie par la persistance de la société à exonérer les pourboires de taxe sur la valeur ajoutée sans en respecter les conditions alors qu'elle a déjà fait l'objet de redressements de même nature et par l'opacité du système de facturation mis en place ;
Vu l'ordonnance du 17 juillet 2007 portant clôture de l'instruction au 4 septembre 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 août 2007, présenté pour la société LE CORSAIRE qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle ajoute que la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est tenue de manière non contradictoire car le gérant de la société n'a pu y assister ; que la société LE CORSAIRE ayant des charges propres, elle ne pouvait refacturer la totalité des charges aux autres sociétés soeurs ; que seule la notification de redressement doit être prise en compte pour motiver les pénalités et que celle-ci ne fait état que de l'importance des redressements, ce qui est insuffisant pour caractériser la mauvaise foi ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 31 août 2007 et régularisé par la production de l'original le 3 septembre 2007, présenté pour la société LE CORSAIRE qui confirme ses moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'établissement des pénalités ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; il ajoute que l'avis de mise en recouvrement du 23 décembre 1999 mentionnant la créance inclut les pénalités et respecte ainsi les dispositions du 1er alinéa de l'article 256 du livre des procédures fiscales ; que la requérante ne démontre pas que l'application des majorations a porté atteinte à la garantie prévue à l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance du 15 octobre 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 31 janvier 2008 et régularisé par la production de l'original le 4 février 2008, présenté pour la société LE CORSAIRE qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2008 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société LE CORSAIRE, qui exploitait un hôtel-restaurant à Etretat et dont M. Poret était le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1995 à l'issue de laquelle des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés ; que la société LE CORSAIRE relève appel du jugement du
8 décembre 2005 du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande
n° 0002040 tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie pour ladite période ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales : « (...) L'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition » ; qu'aux termes de l'article
R. 60-1 du même livre : « Lorsque le litige est soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 A, le contribuable est convoqué trente jours au moins avant la date de la réunion (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 60-3 du même livre : « L'avis ou la décision de la commission départementale doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts. » ;
Considérant que la société LE CORSAIRE, à la suite des redressements qui lui ont été notifiés par lettre du 23 octobre 1996 a demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que lors de la séance du 26 septembre 1997, cette commission a rendu un avis partiellement favorable à l'administration ; que cette dernière s'est conformée à cet avis et a notifié le 9 janvier 1998 les bases d'imposition qu'elle entendait retenir et le montant des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui seraient mis en recouvrement ; que la société fait valoir l'existence d'une discordance entre le montant des bases ainsi notifiées et le montant des droits qui lui sont réclamés ; qu'il résulte de l'instruction que les bases ainsi notifiées correspondent à celles retenues par la commission dans le cadre de sa compétence et non à celles qui résultent du total des redressements qui ont servi au calcul des droits supplémentaires ; que, dans ces conditions, l'administration n'a pas informé le contribuable, en même temps que l'avis de la commission, du chiffre qu'elle se proposait de retenir comme base d'imposition ; que seule cette base pouvait servir de fondement au supplément d'imposition mis à la charge de la contribuable ; que, dès lors, les impositions supplémentaires mises à la charge de la société LE CORSAIRE l'ont été à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Considérant que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société LE CORSAIRE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du
1er avril 1993 au 31 décembre 1995 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 4 du jugement nos 9901399, 9901400, 9901401, 0002040, 0002097 du 8 décembre 2005 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La société LE CORSAIRE est déchargée du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1995 ainsi que des pénalités dont il a été assorti.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée LE CORSAIRE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA00193