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01/02/2008 | FRANCE | N°07DA00282

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 01 février 2008, 07DA00282


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Michèle , demeurant ..., par la SCP Cisterne et Cherrier ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400667 du 21 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, premièrement, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser en raison des préjudices subis à la suite d'une vaccination contre l'hépatite B, deuxièmement, à lui verser une provision de 200 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son p

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Vu la requête, enregistrée le 22 février 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Michèle , demeurant ..., par la SCP Cisterne et Cherrier ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400667 du 21 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, premièrement, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser en raison des préjudices subis à la suite d'une vaccination contre l'hépatite B, deuxièmement, à lui verser une provision de 200 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice et, troisièmement, à ordonner une expertise médicale pour déterminer son entier préjudice ;

2°) de condamner l'Etat qui est entièrement responsable des dommages résultant des vaccinations contre l'hépatite B qu'elle a subies ;

3°) de désigner un expert ayant pour mission de déterminer son entier préjudice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Elle soutient qu'elle a fait l'objet de plusieurs vaccinations contre l'hépatite B de 1990 à 1997 en raison de sa qualité de médecin du travail ; que peu de temps après sa dernière injection, elle a présenté des symptômes neurologiques qui l'ont amenée à consulter un neurologue ; que plusieurs examens, dont une IRM, ont permis de poser le diagnostic de sclérose en plaques au mois de septembre 2000 ; qu'il apparaît bel et bien en l'espèce que les désordres neurologiques dont elle était atteinte ont fait leur apparition d'une manière parfaitement concomitante avec la vaccination intervenue au mois de février 1997 ; que l'expert, désigné par l'administration, a attesté qu'il était impossible d'exclure l'hypothèse selon laquelle la vaccination avait déclenché la maladie neurologique dont elle est aujourd'hui atteinte ; qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'Etat est engagée dès lors que la vaccination subie l'a exposée à un dommage anormal et spécial d'une particulière gravité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2007, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen dont le siège est 50 avenue de Bretagne à Rouen Cedex (76039), représentée par son directeur, par Me Julia ; la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen conclut à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 213 422,22 euros au titre de ses débours engagés pour les soins dispensés à Mme ainsi que les sommes de 926 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le lien de causalité ne peut jamais être certain mais il est probable ou hautement probable et que le juge a recours à la notion de faisceau d'indices afin d'établir une présomption sérieuse ; qu'en l'espèce tout milite pour la relation causale entre la vaccination et la sclérose en plaques contractée ; que le seul argument développé par le ministère, relatif au délai entre le diagnostic et la vaccination, sera balayé très rapidement par le juge considérant que Mme a présenté une instabilité dès après la vaccination de 1997 à l'origine de chutes itératives ayant motivé une intervention chirurgicale de grande envergure en février 1999 ; que la symptomatologie est extrêmement bien décrite par l'expert et a abouti au diagnostic de sclérose en plaques ; que le caractère évolutif est confirmé par tous les praticiens qui ont eu à connaître du cas de la requérante ; que si l'expert indique que le dernier avis de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ne peut établir de lien direct et certain entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques, la Cour ne saura retenir cet avis pour écarter le lien de causalité grâce au mécanisme du faisceau d'indices ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2007, présenté par le ministre de la santé et des solidarités ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que la responsabilité de l'Etat ne saurait être mise en cause sans un faisceau d'éléments probants attestant de l'imputabilité à l'Etat des préjudices subis du fait de la vaccination obligatoire contre l'hépatite B ; qu'il ne ressort ni de l'instruction et notamment des constatations de l'expert, ni des pièces produites par l'intéressée qu'un lien de causalité direct et certain entre les vaccinations incriminées et les symptômes de la requérante puisse être établi ; qu'il existe un délai de trois ans et sept mois entre le début des troubles à caractère neurologique, médicalement constatés, de la requérante et l'injection vaccinale du 10 février 1997 ; que la communauté scientifique considère à ce jour que la preuve de la réalité d'un risque d'affection imputable à la vaccination contre l'hépatite B n'a pas été rapportée et qu'elle s'accorde sur la base d'une temporalité de deux mois maximum entre une injection du vaccin et l'apparition de troubles de santé pour rechercher un éventuel lien de causalité ; qu'il n'est pas avéré qu'en l'absence de toute vaccination, l'appelante n'aurait pas développé à la même période ces différents symptômes ; que le doute émis par l'expert est conforme aux données actuelles de la science ; que l'ensemble des différentes études menées et des comités d'experts aboutissent toutes à l'absence de lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue de la sclérose en plaques ; qu'une seule étude a trouvé une association statistiquement significative entre la vaccination et la sclérose en plaques, mais elle ne s'appuie que sur l'observation d'un très petit nombre de patients ; que c'est dès lors en conformité avec l'état actuel de la science que le directeur général de la santé a rejeté la demande d'indemnisation de Mme et c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- les observations de Me Jegu, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme Michèle tendant à déclarer l'Etat responsable des conséquences du rappel de vaccination contre l'hépatite B qu'elle a subi le 10 février 1997 alors qu'elle était médecin du travail ; que Mme soutient dans ses écritures que la sclérose en plaques dont elle souffre trouve son origine dans cette dernière injection contre l'hépatite B obligatoire, compte tenu de sa profession et qu'elle est en droit de bénéficier des dispositions du code de la santé publique qui prévoient un régime de responsabilité sans faute de l'Etat en raison des dommages directement imputables à une vaccination obligatoire ;


Sur la responsabilité :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise du professeur Bernard Proust que Mme , qui n'avait manifesté aucun symptôme de sclérose en plaques antérieurement aux injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre de son activité professionnelle de médecin du travail, a fait l'objet de deux injections de rappel de vaccination les 3 octobre 1991 et 10 février 1997 ; qu'environ deux mois après cette dernière injection, elle a développé une paraparésie spastique prédominant au membre inférieur droit associée à des troubles, relevant de la symptomatologie de la sclérose en plaques mais dont le diagnostic n'a été confirmé par IRM qu'en septembre 2000 ; que, par lettre du 9 février 2004, le directeur général de la santé a rejeté la demande d'indemnisation de Mme au titre des accidents vaccinaux ; qu'il résulte toutefois du rapport d'expertise ordonnée par l'administration que, s'il ne l'a pas affirmé, l'expert n'a pas exclu l'existence d'un lien de causalité entre la sclérose en plaques dont souffre Mme et la vaccination dont elle a fait l'objet ; que, dès lors, l'imputabilité à la vaccination de la maladie dont souffre la requérante doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de février 1997 de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination ; que, par suite, Mme est fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée et que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;

Sur la demande d'expertise :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pièces produites tant en appel qu'en première instance ne permettent pas de se prononcer sur le préjudice de Mme ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner, avant dire-droit sur la requête en appel, une expertise médicale afin de déterminer l'entier préjudice résultant de la sclérose en plaques de Mme consécutive à sa vaccination contre l'hépatite B ;


DÉCIDE :


Article1er : Le jugement n° 0400667 du Tribunal administratif de Rouen en date du
21 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : L'Etat est déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de la vaccination contre l'hépatite B subies par Mme Michèle .

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions en indemnité de Mme Michèle , procédé à une expertise en vue de déterminer l'étendue des préjudices subis. L'expert sera chargé de :
- procéder à l'examen médical de Mme ;
- prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical de Mme ;
- de décrire et d'évaluer tous les éléments permettant d'apprécier les préjudices de toute nature subis par Mme du fait des séquelles de sa vaccination ;
- fournir toute indication de nature à éclairer la Cour, entendre tout intéressé et formuler toute observation utile pour son information ;

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Michèle , à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

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N°07DA00282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00282
Date de la décision : 01/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS JEAN-BENOIT JULIA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-01;07da00282 ?
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