La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2007 | FRANCE | N°07DA01405

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 28 décembre 2007, 07DA01405


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702100, en date du 13 août 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé les arrêtés préfectoraux du 8 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Moustapha X, désignant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative et, d'autr

e part, a enjoint audit préfet de se prononcer sur la situation de M. X da...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702100, en date du 13 août 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé les arrêtés préfectoraux du 8 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Moustapha X, désignant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative et, d'autre part, a enjoint audit préfet de se prononcer sur la situation de M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X en première instance ;


Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé dès lors que celui-ci n'a pas de famille en France, ne justifie pas disposer de ressources ni de domicile stables, et n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner au Sénégal où vivent sa femme et ses enfants ; qu'en outre, son état de santé ne nécessite pas de prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que les pathologies dont est affecté M. X peuvent être soignées au Sénégal ou en Mauritanie ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance du 10 septembre 2007 fixant la clôture de l'instruction au 10 octobre 2007 ;

Vu l'ordonnance du 11 octobre 2007 reportant la clôture d'instruction au 9 novembre 2007 ;

Vu la décision du 18 octobre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME relève appel du jugement, en date du 13 août 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés préfectoraux du 8 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X, désignant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) II L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité mauritanienne, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière sur le territoire français ; qu'ainsi il entrait dans le cas prévu par les dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II précité ;

Considérant que pour annuler la mesure de reconduite en litige, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé qu'en prenant ladite mesure, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME avait, eu égard à l'état de santé de M. X et à la circonstance que l'intéressé est isolé dans son pays d'origine et qu'il est bien intégré en France, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ladite mesure sur la situation personnelle de M. X ;

Considérant que si M. X a fait valoir devant le Tribunal administratif de Rouen qu'il est atteint d'une cataracte à l'oeil droit et de troubles du sommeil dus aux mauvais traitements subis en Mauritanie, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. X nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME établit que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié en Mauritanie, son pays d'origine, ou au Sénégal, où réside sa famille ; qu'en outre, les circonstances retenues par le premier juge, selon lesquelles M. X, qui vit en France depuis 2001, est bien intégré en France où il a tissé de nombreuses relations amicales dans le cadre d'activités associatives et qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, ne suffisent pas à établir que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'ainsi, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de M. X pour annuler l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour administrative d'appel de Douai, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par
M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;


Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que par l'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2007, valablement publié au recueil des actes administratifs du même jour, M. Michel Y, sous-préfet du Havre, a reçu délégation pour signer l'arrêté litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière du 8 août 2007 aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X soutient que la motivation de l'arrêté contesté est stéréotypée et serait contraire à la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, il ressort des pièces du dossier que ledit arrêté comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, entré en France en 2001 à l'âge de 44 ans, dont l'épouse et les quatre enfants résident au Sénégal, n'établit pas posséder des attaches familiales en France ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets de la mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME, en date du 8 août 2007, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...)
10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est atteint d'une cataracte à l'oeil droit et de troubles du sommeil dus aux mauvais traitements subis en Mauritanie, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme il a été dit précédemment, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni que l'intéressé ne puisse bénéficier d'un traitement approprié en Mauritanie, son pays d'origine, ou au Sénégal, où réside sa famille ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;


Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ;

Considérant que si M. X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du
27 novembre 2007, laquelle a été confirmée par une décision de la Commission des recours des réfugiés du 9 octobre 2002, puis par une nouvelle décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 3 mars 2003, soutient qu'il serait soumis à des risques de persécutions en cas de retour en Mauritanie, pays qu'il a dû quitter en 1990 pour s'installer au Sénégal, il n'apporte pas les justifications qui permettraient d'établir que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention précitée et les dispositions de l'article
L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;


Sur la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative :

Considérant que, par l'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2007, valablement publié au recueil des actes administratifs du même jour, M. Michel Y, sous-préfet du Havre, a reçu délégation pour signer l'arrêté litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté de placement en rétention administrative du 8 août 2007 aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande présentée par
M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0702100, en date du 13 août 2007, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé et la demande de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Moustapha X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01405 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01405
Date de la décision : 28/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS POTIE- LEQUIEN-CARDON-THIEFFRY-EN-NIH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-12-28;07da01405 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award