Vu la requête, enregistrée par télécopie le 24 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 26 octobre 2006 par l'original, présentée pour
M. Jean-Claude X, demeurant ... et pour M. Philippe X, demeurant ..., par le cabinet Bernfeld-Ojalvo associés ; ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300488 du 13 juillet 2006 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a limité à 2 000 euros majorés des intérêts capitalisés la somme que le centre hospitalier de Beauvais a été condamné à verser à M. Philippe X en réparation du préjudice subi lors de son hospitalisation ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser une somme de
96 087,85 euros, majorée des intérêts capitalisés, sauf à parfaire en cas de nouvelle expertise ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise et d'allouer à M. Philippe X une provision de 10 000 euros en sus des condamnations prononcées par le tribunal administratif ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Beauvais aux dépens ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Beauvais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent qu'ils entendent fonder leur demande de majoration du préjudice indemnisable sur les conclusions de l'expertise amiable du docteur Y qui, contrairement aux conclusions du docteur Z qui a réalisé l'expertise judiciaire, reconnaît l'existence de séquelles liées au retard de diagnostic de la phlébite qu'il a développée suite à une appendicectomie ; que l'indemnité doit être fixée à 19 237,48 euros au titre des frais médicaux, 164,32 euros au titre des indemnités journalières, 1 530 euros au titre de la gêne dans les actes de la vie quotidienne pendant la période d'incapacité totale temporaire de deux mois, 9 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle de 6 % dont il reste atteint, 57 557,85 euros au titre du préjudice professionnel lié à l'obligation de réorienter sa carrière professionnelle, 15 000 euros au titre du pretium doloris pendant les trois semaines au cours desquelles le diagnostic n'a pas été posé, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique en raison du port obligatoire et permanent d'un bas de contention, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; qu'à titre subsidiaire, si la Cour ne s'estimait pas assez renseignée par l'expertise du docteur Y, elle devrait ordonner une nouvelle expertise en particulier pour déterminer le lien de causalité entre le préjudice dont M. X reste atteint et le retard de diagnostic ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2007, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais, dont le siège est 1 rue de Savoie à Beauvais (60013), par
Me Mathe-Gourgues ; elle conclut à ce que la somme de 12 241,87 euros que le centre hospitalier de Beauvais a été condamné à lui verser soit portée à 19 401,80 euros, majorée des intérêts à compter du 8 décembre 2003 et à ce qu'une somme de 910 euros lui soit accordée au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la mise en demeure adressée le 12 juin 2007 au centre hospitalier de Beauvais, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2007, présenté pour le centre hospitalier de Beauvais, dont le siège est 40 avenue Léon Blum à Beauvais (60021), par Me Segard ; il conclut à titre principal, par la voie de l'appel incident, au rejet de toutes les demandes de
M. X, à titre subsidiaire à ce que seules 33 % des séquelles actuelles présentées par M. X soient susceptibles d'être mises en relation avec le retard de diagnostic, à titre encore plus subsidiaire, au rejet de la demande d'expertise et de provision, enfin à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le rapport d'expertise a conclu que la thrombose était déjà constituée lorsque M. X a été admis au centre hospitalier de Beauvais le 1er novembre 1999 et que la mise en place plus rapide d'un traitement n'aurait pas permis de réduire les séquelles qui étaient constituées et irréversibles lors de son admission ; que l'expertise amiable produite par le requérant qui n'a pas été réalisée contradictoirement, n'est pas opposable au centre hospitalier de Beauvais ; que l'évolution de l'état de santé du malade après la fin des opérations d'expertise ne peut être imputée au centre hospitalier dans la mesure où aucun lien de causalité initial n'a été mis en évidence par l'expert Z ; qu'une nouvelle expertise n'est pas utile ; que l'établissement où M. X a été hospitalisé pour l'appendicectomie et son médecin traitant sont responsables de son état ; que le centre hospitalier de Beauvais n'a commis aucune faute ; que la responsabilité du centre hospitalier de Beauvais ne pourrait excéder 33 % des préjudices évoqués par l'expert judiciaire ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais ne verse aucun justificatif de ses débours ; que subsidiairement, seuls les débours engagés pour la période du 23 octobre au 4 novembre 1999 sont susceptibles d'être pris en charge et à hauteur de 33 % ; qu'aucune indemnisation n'est due au titre de l'incapacité permanente partielle ; que la somme de 1 530 euros demandée au titre des troubles dans les conditions d'existence est excessive compte tenu de la période de 13 jours d'incapacité totale temporaire ; que le préjudice professionnel n'a pas à être indemnisé dès lors que l'expert n'a pas retenu de lien de causalité avec le retard de diagnostic, et s'il devait l'être ce ne pourrait être que symboliquement ; que le montant accordé par les premiers juges au titre du pretium doloris sera confirmé ; qu'il n'existe ni préjudice esthétique ni préjudice d'agrément ;
Vu l'ordonnance en date du 11 juillet 2007 fixant la clôture d'instruction au
7 septembre 2007, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2007, présenté pour M. Jean-Claude X et M. Philippe X tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les moyens que le Tribunal de grande instance de Nanterre a retenu une faute du médecin traitant à hauteur de 30 % et a indemnisé M. X selon les bases de l'expertise en accordant une indemnisation complémentaire à celle du tribunal administratif de 1 940 euros ; que ce jugement, qui n'est pas définitif, ne remet pas en cause le présent appel ; que lors du premier séjour au centre hospitalier de Beauvais le 23 octobre 1999, on ne peut dire que la thrombose était constituée ; que la responsabilité de la clinique où M. X a été opéré n'est pas en cause ; que l'indemnité demandée doit être fixée à 57 557,85 euros pour les postes économiques et à 38 530 euros pour les postes personnels, compte tenu de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2007, présenté pour le centre hospitalier de Beauvais, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- les observations de M. Jean-Claude X et de Me Segard, pour le centre hospitalier de Beauvais ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Beauvais :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Philippe X, qui avait été opéré d'une appendicectomie à la polyclinique du Beauvaisis le 18 octobre 1999, a présenté le 23 octobre, jour de sa sortie de cet établissement, des symptômes de fièvre et de vomissements ; qu'après avoir été examiné une nouvelle fois à la polyclinique, qui a prescrit un anti-pyrétique, puis par son médecin traitant, qui a prescrit un anti-spasmodique, il a été adressé par ce dernier au service des urgences du centre hospitalier de Beauvais où il a été admis le 23 octobre au soir ; qu'il lui a été prescrit un anti-spasmodique pour calmer les douleurs abdominales dont il se plaignait au niveau de la cicatrice et une douleur au niveau du pli inguinal gauche et qu'il a été renvoyé à son domicile ; que les symptômes ont persisté et se sont aggravés pendant environ une semaine ; qu'il a été admis une nouvelle fois au centre hospitalier de Beauvais le 1er novembre 1999 où un traitement antalgique lui a été administré et des hémocultures réalisées qui ont donné un résultat négatif le 4 novembre ; qu'à la demande de son père, il a été transféré au centre hospitalier universitaire d'Amiens où il a été admis le 4 novembre et où un diagnostic de thrombose veineuse profonde a été posé ; qu'il a suivi un traitement dans cet hôpital jusqu'au 25 novembre 1999 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par le Tribunal administratif d'Amiens, qu'en ne faisant pas pratiquer d'examen complémentaire pour déceler la cause des douleurs dont M. Philippe X se plaignait au pli inguinal gauche lors de son admission au centre hospitalier de Beauvais le 1er novembre 1999, douleurs dont l'existence était établie depuis plus d'une semaine, celui-ci a commis, indépendamment des faits qui pourraient être imputés à la polyclinique du Beauvaisis ou au médecin traitant de M. Philippe X, une faute médicale pour défaut d'établissement du diagnostic clinique ; que par suite, le centre hospitalier de Beauvais n'est pas fondé à soutenir que sa responsabilité ne serait pas engagée ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute puisse être retenue à l'encontre du centre hospitalier lors de la première admission de M. Philippe X ;
Sur le préjudice de M. Philippe X :
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert commis par le tribunal administratif, d'une part, qu'aucun signe ne permet de supposer que M. Philippe X présentait initialement une thrombose distale dont l'absence de traitement aurait pu provoquer l'extension et des séquelles, d'autre part, qu'en l'espèce, compte tenu de la nature de son affection, les séquelles de thrombose existaient dès le début de son hospitalisation le 1er novembre 1999 et que l'institution plus précoce d'un traitement anticoagulant aurait été sans effet sur les séquelles déjà constituées, enfin, que la découverte ultérieure d'un déficit en protéine S explique la localisation proximale et étendue de la thrombose veineuse malgré le jeune âge du patient ; que l'expert en a conclu que l'incapacité permanente partielle, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément dont se prévaut M. Philippe X n'étaient pas en lien avec le retard de diagnostic ; que si les requérants demandent à la Cour de fonder son appréciation sur le rapport du docteur Y, il résulte de ce document, réalisé à leur demande, qui se borne à formuler des affirmations générales sur les conséquences habituelles d'un retard de prise en charge d'une thrombose et précise les séquelles dont reste atteint M. Philippe X, ne comporte pas d'élément de nature à contredire l'appréciation portée par l'expert commis par le Tribunal sur le lien de causalité entre la faute commise par le centre hospitalier de Beauvais et les séquelles dont reste atteint M. Philippe X ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, les requérants ne sont pas fondés à demander que les préjudices sus-évoqués soient reconnus imputables au retard de diagnostic ;
Considérant que les premiers juges ont accordé une somme de 2 000 euros au titre du pretium doloris et des troubles dans les conditions d'existence au cours de la période d'incapacité temporaire totale ; que si les requérants, qui n'allèguent pas que
M. Philippe X aurait subi des pertes de revenus au cours de cette période, demandent à ce que le pretium doloris soit porté à 15 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait, compte tenu de la période de responsabilité en cause et alors même que le Tribunal de grande instance de Nanterre a reconnu une part de responsabilité au médecin traitant, une appréciation erronée des sommes allouées à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a limité l'indemnisation accordée à M. Philippe X à la somme de 2 000 euros majorée des intérêts à compter du 27 février 2003, capitalisés à compter du 16 juin 2006 et, d'autre part, que le centre hospitalier de Beauvais n'est pas fondé par la voie de l'appel incident à demander le rejet de la demande présentée par M. Jean-Claude X et M. Philippe X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais :
Considérant qu'en ne produisant aux débats qu'un document qui se borne à indiquer une liste de débours auxquels sont associées des dates, sans aucune autre explication alors au demeurant qu'il résulte du rapport d'expertise que seule une partie des conséquences de la thrombose dont a souffert M. Philippe X est imputable au retard de diagnostic commis par le centre hospitalier de Beauvais, la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais ne justifie pas la part des prestations qu'elle a servies à M. Philippe X qui serait directement liée à la faute commise par le centre hospitalier de Beauvais ; qu'il suit de là que ledit centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à rembourser les débours invoqués par ladite caisse et que les conclusions présentées en appel par la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais tendant à la majoration de cette indemnité ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant que le présent arrêt rejetant la demande de remboursement de ses débours présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais, il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, la demande que cette même caisse a formulé sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et tendant à la condamnation du centre hospitalier de Beauvais à lui verser une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant
de 910 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Beauvais, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, les sommes que M. Jean-Claude X et M. Philippe X ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. Jean-Claude X et M. Philippe X, la somme que le centre hospitalier de Beauvais demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Jean-Claude X et de M. Philippe X est rejetée.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 0300488 du 13 juillet 2006 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais devant le Tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions complémentaires présentées devant la Cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel incident du centre hospitalier de Beauvais est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude X, à M. Philippe X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais et au centre hospitalier de Beauvais.
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N°06DA01426