Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL ESCB, dont le siège est 14 A rue Edouard Depret à Avion (62210), représentée par son gérant en exercice, par la SCP Meriaux, de Foucher, Guey, Chrétien ; la SARL ESCB demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405704 du 12 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période du 23 mars 1999 au 30 juin 2001 et à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos pour les années 2000 et 2001 ;
2°) d'ordonner la restitution et la décharge demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la notification de redressements ne répond pas aux obligations légales de motivation ; que le Racing Club de Lens et l'hôtel du Golf à Arras sont des clients de l'exposante ; que celle-ci agit en tant qu'intermédiaire et a des obligations commerciales vis à vis de ses mandants, notamment d'établir tous contacts commerciaux avec tout client potentiel et entreprendre toutes démarches nécessaires à la conclusion de la vente ; que les efforts consentis vis à vis des clients ne doivent pas se mesurer à la propre rémunération de l'exposante mais au chiffre d'affaires global généré par son intervention ; que fonder un redressement sur une telle proportion relève à l'évidence d'une immixtion dans la gestion de l'entreprise ; que l'administration n'a pas à juger de l'opportunité des choix de l'entreprise ni à lui dicter sa politique commerciale ; que c'est à l'administration de prouver que les dépenses sont dénuées d'intérêt pour l'entreprise ; qu'au cas présent, l'administration n'apporte pas la preuve du caractère anormal des dépenses ni que l'exposante a poursuivi des fins étrangères à son exploitation ; que, par ailleurs, l'exposante a désigné son directeur, M. X, comme seul bénéficiaire des distributions afin d'éviter la pénalité quasi confiscatoire prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, sans que cela emporte reconnaissance du caractère personnel des dépenses concernées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que le vérificateur a énuméré dans sa notification de redressements les factures écartées, leur date et leur montant ; que la base légale du redressement a été précisée tant en matière d'impôt sur les sociétés qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que les factures non admises en déduction ont été énumérées par le vérificateur ce qui ne pouvait induire le contribuable sur le fondement du redressement ; que tout au long du débat contradictoire, la requérante a refusé de communiquer l'identité des bénéficiaires des prestations en se retranchant derrière le motif de la discrétion commerciale ; que, s'agissant de la désignation des bénéficiaires des frais de représentation, les dépenses supportées par les entreprises dans l'intérêt personnel des dirigeants sont considérées comme relevant d'une gestion anormale ; que la désignation de M. X comme bénéficiaire des dépenses est opposable à la société ; que celle-ci ne saurait alléguer désormais que la seule finalité était d'éviter l'amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ; que, s'agissant de la proportion des frais par rapport au chiffre d'affaires réalisé, le Tribunal n'a pas reproché à la requérante la proportion des dépenses mais il a relevé que la requérante ne le trouvait pas excessif ; qu'ainsi faute de justification du bien-fondé des déductions opérées, l'administration pouvait considérer que les charges en cause étaient dépourvues de contrepartie ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 octobre 2007, présenté pour la SARL ESCB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que l'insuffisante motivation d'une notification de redressements constitue une erreur substantielle selon la doctrine administrative et le contribuable doit être éclairé de manière à pouvoir prendre position en tout état de cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que selon l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation … » ;
Considérant, en premier lieu, que la notification de redressements adressée à la
SARL ESCB en date du 3 septembre 2002, qui rappelait les conditions de déductibilité des frais et des charges au regard de l'impôt sur les sociétés comme de la taxe sur la valeur ajoutée, précisait les factures qui n'étaient pas admises, leur montant, l'impôt concerné et l'année d'imposition, était suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, sans que celle-ci soit tenue de détailler facture par facture les motifs du rejet ;
Considérant, en second lieu, que la SARL ESCB ne peut utilement se prévaloir de la note DGI n° 35 du 25 mai 1965 ou de la documentation administrative 13L-1513, n° 80 du
1er juillet 2002 relative à la procédure d'imposition sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais… » ;
Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant que la SARL ESCB a déduit de ses résultats imposables les dépenses relatives à la location annuelle de quatre places « VIP » au Racing Club de Lens pour un montant de 25 171,62 euros et à celles engagées à l'occasion de l'invitation à la finale de l'Open de France de Golf de huit invités pour une somme de 6 381,52 euros au titre des années 2000 et 2001 ; que l'administration a réintégré ces sommes dans les bases d'imposition de la société en estimant qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la société, qui exerce l'activité d'agent commercial pour le démarchage ainsi que le suivi et la coordination des travaux pour des entreprises de gros oeuvre et de travaux publics, fait valoir que ces dépenses, qui seraient destinées à fidéliser et entretenir les relations commerciales avec des clients et nouer des contacts avec d'autres sociétés, seraient engagées dans l'intérêt de l'exploitation et seraient, par suite, déductibles, elle n'établit pas, comme il lui appartient de le faire, le caractère professionnel de ces charges en se bornant à indiquer que le Racing Club de Lens et la société de l'hôtel du Golf d'Arras sont clients de la société ; qu'au surplus, elle a refusé de révéler le nom des personnes bénéficiaires et a désigné M. X, directeur, comme seul bénéficiaire, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de la nécessité de discrétion commerciale ; qu'enfin, la circonstance que le montant de ces charges ne serait pas excessif est sans influence sur la justification du caractère déductible des charges ; qu'ainsi la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos pour les années 2000 et 2001 ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II du code général des impôts :
« 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation… » ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SARL ESCB ne démontre pas avoir engagé les dépenses litigieuses dans l'intérêt de son exploitation ; qu'il suit de là qu'elle n'est pas fondée à demander la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 23 mars 1999 au 30 juin 2001 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ESCB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL ESCB la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL ESCB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ESCB et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA01364