Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Rita X, demeurant ..., par Me Paraiso ; Mlle X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0602880 en date du 17 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 octobre 2006 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé qu'elle serait reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté du 27 octobre 2006 ;
Elle soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière du 27 octobre 2006 et le jugement du
17 novembre 2006 méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est persécutée dans son pays d'origine du fait de sa religion ; qu'elle a participé à des affrontements inter-religieux dans la ville de Kano avant d'être appréhendée et d'être détenue en vue d'être jugée par un tribunal islamique mais qu'elle a réussi à s'évader ; qu'un mandat d'arrêt a été émis à son encontre ; qu'elle craint pour sa vie en cas de retour au Nigéria ; qu'elle est entrée en France le 26 décembre 2001 et qu'elle a, depuis cette date, tissé des liens affectifs et personnels sur le territoire national ; qu'en prononçant une mesure d'éloignement à son encontre, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 22 décembre 2006 portant clôture de l'instruction au
22 février 2007 à 12 h 00 ;
Vu la décision en date du 2 janvier 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à Mlle X l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2007, présenté par le préfet de la
Seine-Maritime, qui conclut au rejet de la requête ; le préfet fait valoir que Mlle X n'apporte aucun élément probant pour justifier qu'elle bénéficie de la protection instituée par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ses demandes d'asile ont été rejetées à deux reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés ; que, dans la présente instance, elle ne fait pas état de craintes nouvelles et ne verse au dossier aucun élément supplémentaire par rapport à ceux présentés précédemment devant les deux instances précitées ; qu'elle est âgée de 36 ans, célibataire et sans charge de famille ; que cette situation suffit à elle seule pour considérer qu'elle n'apporte pas la preuve qu'elle est dépourvue de toute attache dans son pays d'origine ; que, lors du dépôt de sa demande d'asile, elle a précisé être la mère d'un enfant, né le 3 décembre 1999, et résidant au Nigéria ; que les nombreuses relations tissées par la requérante sur le territoire français, à supposer qu'elles soient établies, ne permettent pas de caractériser l'existence d'une vie privée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la mesure incriminée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à sa vie familiale ; qu'aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise en prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressée ;
Vu l'ordonnance en date du 22 mars 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 2006 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;
Vu la délégation du Président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique 3 mai 2007 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…)
3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mlle X s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 août 2006, de l'arrêté du 24 juillet 2006 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière ;
Considérant que Mlle X, née le 26 octobre 1970, de nationalité nigériane, soutient qu'elle est entrée en France le 26 décembre 2001 et que, depuis cette date, elle y a tissé des liens affectifs et personnels ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, que l'intéressée, entrée sur le territoire français à l'âge de 31 ans, est célibataire et a un enfant, né le 3 décembre 1999 au Nigéria et y résidant, qu'elle se trouve en situation irrégulière depuis presque 5 ans à la date de la décision attaquée ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances, et notamment des conditions et de la durée de séjour de l'intéressée en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de
Mlle X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant que si Mlle X invoque les risques que comporterait pour elle son retour au Nigéria, ce moyen, tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière qui n'indique pas le pays de destination, lequel est déterminé par une décision distincte ;
Sur la légalité de l'arrêté fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « / (…) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et qu'aux termes de cet article 3 : « Nul ne peut être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ;
Considérant que si Mlle X a entendu soulever l'illégalité de la décision du
27 octobre 2006 fixant le pays de renvoi, et si, à l'appui des conclusions dirigées contre cet arrêté, elle fait valoir qu'elle est persécutée dans son pays d'origine du fait de sa religion, qu'elle a participé à des affrontements inter-religieux avant d'être appréhendée et détenue en vue d'être jugée, mais qu'elle a réussi à s'évader, qu'un mandat d'arrêt a été émis à son encontre, et qu'elle craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte à l'appui de ses allégations aucun document probant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, à qui la qualité de réfugiée a d'ailleurs été refusée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 18 avril 2002, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 6 janvier 2005, ainsi que par une nouvelle décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 13 mai 2005, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 8 juin 2006, courrait des risques personnels en cas de retour au Nigéria ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en méconnaissant les risques qui pèsent sur Mlle X en cas de retour dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Rita X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°06DA01686 2