Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Surik X, demeurant ..., par Me Jégu ; M. X demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602905, en date du 20 novembre 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 26 septembre 2006 du préfet de la Seine-Maritime décidant sa reconduite à la frontière et désignant l'Arménie comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
M. X soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif et alors qu'il n'est pas établi que le rejet par les autorités allemandes de la demande d'asile que l'exposant avait formée aurait un caractère définitif, il appartenait au préfet de décider sa réadmission en Allemagne ; que la notification de l'arrêté attaqué révèle d'ailleurs que le préfet estimait que l'exposant entrait dans le champ d'application de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de celui de l'article L. 511-1 du même code ; que, dans ces conditions, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué est entaché d'illégalité ; que la vie familiale de l'exposant est aujourd'hui fixée en France, ses parents, son épouse et ses quatre enfants résidant tous régulièrement sur le territoire français et étant demandeurs d'asile ; qu'il se réserve le droit de produire en cours d'instance d'appel tous éléments de nature à établir, d'une part, sa filiation, qui a été mise en doute par le Tribunal, d'autre part, la réalité de sa vie commune avec son épouse et ses enfants ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'exposant appartient à la communauté Yézide, qui souffre d'une véritable persécution en Arménie, un retour dans ce pays étant susceptible de le placer ainsi que sa famille en réel danger ; qu'il versera en cours d'instance d'appel des documents permettant de justifier de la réalité des difficultés et pressions dont il a fait l'objet ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 27 décembre 2006, par laquelle le magistrat délégué par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 27 février 2007 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 8 février 2007 et régularisé par la production de l'original le 12 février 2007, présenté par le préfet de la Seine-Maritime ; le préfet conclut au rejet de la requête ; il soutient à titre principal, que la requête présentée par
M. X, qui se borne à reproduire les termes de la demande de première instance, est insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire au fond, que dès lors que les autorités allemandes ont débouté le requérant de sa demande d'asile, prononcé à son encontre une mesure de reconduite à la frontière puis une interdiction de l'espace Schengen jusqu'au 2 février 2009 pour s'être soustrait à ladite mesure, la reconduite à la frontière de l'intéressé a pu à bon droit être décidée par l'arrêté attaqué sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en revanche, le requérant n'était pas en situation de faire l'objet d'une procédure de réadmission en Allemagne ; que la filiation alléguée avec des compatriotes en séjour régulier en France n'est pas établie et n'est, en particulier, pas corroborée par les déclarations des intéressés, qui ne font aucune mention du prénom du requérant ; qu'en outre, la personne que le requérant présente comme son épouse et qui réside d'ailleurs à une adresse différente de la sienne a déclaré, à son entrée en France, en avril 2006, ne pas savoir où se trouvait son mari ; que le prénom de ce dernier est d'ailleurs différent de celui du requérant ; qu'aucune pièce ne permet de justifier de la réalité du mariage entre ces deux personnes ; qu'à supposer même la réalité de ce mariage établie, le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'existence d'une vie commune ni de ce qu'il subviendrait à l'éducation et à l'entretien des enfants ; qu'en conséquence, la mesure de reconduite contestée n'a nullement porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnées aux buts en vue desquelles elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le seul document produit par M. X, à savoir une déclaration rédigée par celui que le requérant présente comme son père, n'est pas de nature à établir que l'intéressé serait personnellement menacé en Arménie où il a d'ailleurs été reconduit par les autorités allemandes ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui est au demeurant inopérant à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière en elle-même, ne peut qu'être écarté ;
Vu l'ordonnance en date du 16 février 2007, par laquelle le président délégué par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 février 2007, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 26 septembre 2006 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- les observations de Me Jégu, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; » ; que M. X, ressortissant arménien, n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière en France ; qu'ainsi, M. X se trouvait, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue par les dispositions précitées, qui autorisait le préfet de la Seine-Maritime à décider sa reconduite à la frontière ;
Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-5, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. » ; que s'il ressort des pièces du dossier que M. X a séjourné en Allemagne où il a formulé une demande d'asile, il est constant que cette demande a été rejetée le 30 novembre 2002 et que les autorités allemandes ont prononcé à l'encontre de l'intéressé, le 12 janvier 2006, une mesure d'éloignement du territoire allemand à destination de l'Arménie, qui a été exécutée ; que, dans ces conditions et quelles que soient les mentions figurant sur la lettre de notification de l'arrêté attaqué qui sont sans incidence sur la légalité de celui-ci, le requérant n'entrait pas, à supposer même que le rejet de sa demande d'asile n'aurait pas un caractère définitif, dans le champ d'application des dispositions précitées, qui n'imposaient, en tout état de cause, pas au préfet d'engager une procédure de réadmission de l'intéressé aux autorités allemandes ;
Considérant, en second lieu, que M. X fait état de la présence en France de compatriotes, qu'il présente comme son épouse, ses parents et son frère ; que, toutefois, les déclarations faites par ces derniers à l'administration, qui ne font aucune mention du requérant, ne permettent pas de corroborer les assertions de M. X ; que si ce dernier produit pour la première fois en appel, afin de justifier de la réalité des liens familiaux qu'il allègue, copie d'un acte de mariage et d'un acte de naissance récemment traduits en arménien, d'une part, les noms et prénoms figurant sur ces documents ne correspondent pas avec ceux indiqués par ailleurs par le requérant, d'autre part, ce dernier n'apporte aucun élément permettant d'expliquer qu'il n'aurait pas été en mesure de produire ces documents, dont les originaux ont été établis en 1967 et en 1988, à l'administration ; que, dans ces conditions et alors au surplus que les demandes d'asile formulées par les compatriotes désignés par M. X ont été rejetées et que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'une vie commune avec la personne qu'il présente comme son épouse, qui réside d'ailleurs à une adresse différente de la sienne, et les enfants de celle-ci, l'arrêté attaqué n'a pas porté aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que M. X fait état des menaces dont il aurait fait l'objet dans son pays d'origine en raison de son appartenance à l'ethnie Yézide et de sa religion ; que son moyen doit être regardé comme dirigé contre l'arrêté attaqué en tant qu'il désigne l'Arménie comme pays de destination ; que, toutefois, le seul récit écrit de la main d'un compatriote et produit par celui-ci à l'appui de sa demande d'asile, qui ne fait aucune mention du requérant, n'est pas de nature à établir que l'intéressé serait effectivement et personnellement exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, en tant qu'il désigne l'Arménie comme pays de destination, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée par le préfet, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. Surik X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Surik X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°06DA01605