Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 15 décembre 2005 et régularisée par courrier original le 16 décembre 2005, présentée pour
M. Hocine X, demeurant ..., par Me Berthe ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0203709 et 0203710 du 31 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du
29 avril 2002 du ministre de l'intérieur refusant de l'admettre à l'asile territorial et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de procéder à un nouvel examen de sa demande d'asile territorial, d'autre part, à l'annulation de la décision du 5 août 2002 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un certificat de résidence et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer le titre sollicité ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence ;
Il soutient :
- que la décision ministérielle attaquée, refusant de l'admettre à l'asile territorial, est intervenue sur une procédure irrégulière, l'exposant ayant été auditionné par les services de la préfecture le jour même du dépôt de son dossier de demande ;
- que la décision préfectorale de refus de séjour attaquée est entachée d'irrégularité, le préfet ayant omis de soumettre son cas à la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de celle-ci, en méconnaissance des dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du
2 novembre 1945 qui étaient applicables aux ressortissants algériens ; que le tribunal administratif a rejeté à tort ce moyen en posant une condition à la saisine de la commission, non prévue par le texte et non conforme à l'intention du législateur ; qu'en tout état de cause, l'exposant remplissait effectivement la condition posée par les premiers juges, l'absence de saisine de la commission entachant dès lors la décision attaquée ;
- que cette même décision préfectorale porte une atteinte disproportionnée au droit de l'exposant au respect de sa vie privée et familiale et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, il entretient depuis de nombreux mois une relation avec une ressortissante française, avec laquelle il demeure ; qu'il veille sur le fils de sa compagne, à l'égard duquel il joue le rôle d'un père ; que, par ailleurs, deux des soeurs de l'exposant résident régulièrement en France avec leur famille, l'une sous couvert d'un certificat de résidence, l'autre ayant acquis la nationalité française ; qu'en outre, de nombreux oncles, tantes, cousins et cousines sont régulièrement établis en France ; qu'enfin, l'exposant a noué de nombreuses relations amicales et sociales en France ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la décision en date du 20 octobre 2005 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accorde à M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;
Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 2006, par laquelle le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 31 mars 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2006, présenté par le préfet du Nord ; le préfet conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- qu'il n'était pas tenu, préalablement à l'édiction de la décision contestée, de soumettre le cas de M. X à la commission du titre de séjour, dès lors qu'il est établi que l'intéressé ne remplissait aucune des conditions lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour et n'était pas fondé, eu égard à sa situation, à se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que si M. X était regardé comme entendant exciper de l'illégalité de la décision ministérielle lui refusant l'asile territorial, ce moyen ne serait pas fondé dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a déposé sa demande d'asile territorial le 11 juin 2001 et non le 17 octobre 2001, jour de son audition par les services préfectoraux, comme il le soutient ; qu'ainsi et nonobstant l'erreur matérielle concernant la date d'enregistrement de la demande affectant le bordereau d'envoi du dossier au ministre, la décision de refus d'asile territorial est intervenue sur une procédure régulière, la demande de l'intéressé ayant été présentée par lui antérieurement au jour de son audition ;
- qu'à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, la présence du requérant en France ne datait que de quinze mois et la relation dont il se prévaut ne datait au plus que de sept mois ; que l'intéressé n'a d'ailleurs jamais informé les services préfectoraux de l'existence de cette relation avec une ressortissante française ; que, dès lors, cette relation présentait un caractère trop récent pour être invoquée au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, si le requérant invoque la présence régulière de deux soeurs, d'oncles et de cousins sur le territoire français, celui-ci n'est pas isolé dans son pays d'origine où demeurent sa mère et ses dix autres frères et soeurs ; qu'enfin, compte tenu de son entrée récente et des conditions de son séjour en France,
M. X n'est pas fondé à invoquer les liens sociaux et amicaux qu'il a noués dans ce pays ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. X ;
Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 5 février 2007, après la clôture de l'instruction, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile et le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 pris pour son application ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du 29 avril 2002 du ministre de l'intérieur refusant d'admettre M. Hocine X à l'asile territorial :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi susvisée du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : « (…) l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; qu'aux termes de l'article 1er, alors applicable, du décret susvisé du 23 juin 1998 pris pour l'application de ladite loi : « L'étranger qui demande l'asile territorial est tenu de se présenter à la préfecture de sa résidence (…). Il y dépose son dossier, qui est enregistré. Une convocation lui est remise, afin qu'il soit procédé à son audition » ; qu'aux termes de l'article 2, alors applicable, du même décret : « L'étranger est entendu en préfecture au jour que lui a fixé la convocation. Il peut demander au préalable l'assistance d'un interprète et peut être accompagné d'une personne de son choix. (…) L'audition donne lieu à un compte rendu écrit » ;
Considérant que si M. X soutient, pour demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 29 avril 2002 refusant de l'admettre à l'asile territorial, qu'il aurait, en méconnaissance des dispositions précitées du décret du 23 juin 1998, été entendu par les services préfectoraux le jour même du dépôt de son dossier de demande, il ressort des pièces du dossier et notamment des documents produits par le préfet le 18 janvier 2006 à l'appui de son mémoire, que l'intéressé a déposé sa demande tendant à l'admission à l'asile territorial le 11 juin 2001 et l'a complétée par une lettre explicative datée du 16 octobre 2001 ; qu'il ressort de ces mêmes éléments et notamment de l'avis émis par le préfet sur cette demande que l'intéressé a été entendu par les services préfectoraux le 17 octobre 2001 ; que, dans ces conditions et nonobstant l'erreur purement matérielle de date affectant le bordereau d'envoi du dossier de demande de l'intéressé au ministre, qui est sans incidence, la décision ministérielle attaquée n'a pas été prise sur une procédure irrégulière ;
Sur la légalité de la décision du 5 août 2002 du préfet du Nord refusant de délivrer à
M. X un certificat de résidence :
Considérant, en premier lieu, que M. X, ressortissant algérien entré en France le
21 mai 2001, fait valoir qu'il entretient une relation avec une ressortissante française et qu'il veille sur le fils de celle-ci ; que toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une lettre rédigée par sa compagne, que cette relation présentait, à la date de la décision préfectorale, un caractère récent, puisque ne datant que de sept mois, et d'autre part, M. X n'apporte, par ailleurs, aucun élément de nature à établir qu'il contribuerait d'une manière ou d'une autre à l'éducation du fils de sa compagne ; que si le requérant se prévaut, en outre, de la présence régulière en France de deux de ses soeurs, ainsi que d'oncles, de tantes et de cousins, ainsi que des relations amicales et sociales qu'il aurait tissées en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine, où résident sa mère et ses dix autres frères et soeurs ; que, dans ces conditions et eu égard au caractère récent de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ni, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette même décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la vie privée et familiale de M. X ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du
2 novembre 1945 modifiée, applicable à la situation des ressortissants algériens dès lors qu'il n'est pas incompatible avec une stipulation expresse de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...). La commission est saisie par le préfet (…) lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions, qui ne révèlent aucune obscurité justifiant qu'il soit recouru, pour apprécier leur portée, aux travaux préparatoires de la loi du 11 mai 1998 dont elles sont issues, que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. X n'était, contrairement à ce qu'il soutient, pas au nombre des ressortissants algériens visés à l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dont les liens personnels et familiaux sont tels qu'un refus de séjour porterait à leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que, par suite ainsi que l'a estimé à bon droit le Tribunal, le préfet du Nord n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de M. Hocine X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hocine X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
2
N°05DA01490