Vu, I, sous le n° 06DA00328, la requête, parvenue par télécopie le 28 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 2 mars 2006, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le PREFET DE L'OISE demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement n° 0500524 du 29 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision en date du 26 octobre 2004 refusant à M. Abderrahmane X le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et de sa fille, ensemble la décision ministérielle en date du 2 février 2005 rejetant le recours hiérarchique formé par l'intéressé, et lui a enjoint de délivrer à ce dernier l'autorisation sollicitée ;
Le PREFET DE L'OISE soutient que la requête au fond qu'il a introduite par ailleurs contre ce même jugement contient au moins un moyen sérieux, de nature à justifier, outre l'annulation dudit jugement, le rejet de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 17 juin 2006 et confirmé par courrier original le 20 juin 2006, présenté pour M. X, par la
SCP Caron, Daquo, Amouel ; il conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise d'autoriser le regroupement familial sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. X soutient que le préfet n'a pris aucune mesure d'exécution du jugement entrepris ; que l'exposant, présent en France depuis plus de trente ans, ne peut envisager de poursuivre sa vie ailleurs que dans ce pays, où il a tous ses repères et ses attaches ; qu'eu égard à sa situation, le Tribunal administratif a estimé à bon droit que la décision préfectorale lui refusant le regroupement familial avait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il dispose d'un emploi stable et d'un logement suffisant pour accueillir sa famille ;
Vu le mémoire, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 26 juin 2006, présenté par le préfet de l'Oise et concluant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 27 juin 2006, le mémoire présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que son état de santé nécessite la présence de son épouse et de sa fille à ses côtés ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2006, présenté pour M. X, et concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu, II, sous le n° 06DA00329, la requête, parvenue par télécopie le 28 février 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 2 mars 2006, présentée par le PREFET DE L'OISE ; le PREFET DE L'OISE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500524 en date du 29 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision en date du 26 octobre 2004 refusant à M. Abderrahmane X le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et de sa fille, ensemble la décision ministérielle en date du 2 février 2005 rejetant le recours hiérarchique formé par l'intéressé, et lui a enjoint de délivrer à ce dernier l'autorisation sollicitée ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Le PREFET DE L'OISE soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur matérielle en son dispositif, la décision en date du 2 février 2005 rejetant le recours hiérarchique formé par
M. X ayant été prise non par le ministre de l'intérieur, mais par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; que la décision préfectorale annulée, en date du
26 octobre 2004, refusant à M. X le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et de sa fille était fondée, l'intéressé ne disposant pas de ressources stables et suffisantes et occupant un logement ne permettant pas d'héberger un couple et un enfant, l'amélioration postérieure à la date de la décision attaquée de cette situation étant sans incidence sur la légalité de celle-ci ; que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal administratif, M. X ne pouvait se prévaloir en l'espèce des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'au demeurant ladite décision n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Vu l'ordonnance en date du 9 mars 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 12 juin 2006 ;
Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie le 5 mai 2006 au greffe de la Cour et confirmé par courrier original le 10 mai 2006, présenté pour M. Abderrahmane X, demeurant 2 rue des Champs à Creil (60100), par la SCP Caron, Daquo, Amouel ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de
5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. X soutient que l'erreur purement matérielle dont est entaché le jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité ; que la décision préfectorale annulée par les premiers juges portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en effet, l'exposant, qui réside en France depuis trente quatre ans, a tous ses repères dans ce pays et y dispose d'un emploi stable, vit éloigné de son épouse et de son jeune enfant depuis plus de trois ans ; que cette séparation est vécue difficilement par lui et par sa famille ; que l'exposant justifie de ressources suffisantes lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille et occupe un logement adapté pour accueillir celle-ci ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2006, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er juin 2006, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er juin 2006, présenté pour M. X et concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 2006, présenté par le préfet de l'Oise ; il conclut aux mêmes fins que sa requête et son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, parvenu au greffe par télécopie le 17 juin 2006 et confirmé par courrier original le 20 juin 2006, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et, en outre, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Oise d'autoriser le regroupement familial sollicité au bénéfice de son épouse et de sa fille et de délivrer aux intéressées un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 26 juin 2006, présenté par le préfet de l'Oise et concluant aux mêmes fins que sa requête et ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 27 juin 2006, le mémoire, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que son état de santé nécessite la présence de son épouse et de sa fille à ses côtés ;
Vu les ordonnances en date du 29 juin 2006 par lesquelles le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction dans les deux procédures susvisées ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2006, présenté pour M. X, et concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu la décision en date du 29 juin 2006 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai décide le maintien de plein droit pour les deux procédures susvisées du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordé pour la procédure de première instance à
M. X ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée et le décret n° 99-566 du
6 juillet 1999 relatif au regroupement familial des étrangers, pris pour son application ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Olivier Mesmin d'Estienne et
M. Manuel Delamarre, premiers conseillers :
- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, ressortissant algérien demeurant régulièrement en France depuis 1972, a déposé le 18 avril 2003 une demande tendant à obtenir l'introduction en France, au titre du regroupement familial, de sa seconde épouse demeurant au Maroc et de leur fille, née le 19 mai 2003 ; que, par jugement en date du 29 décembre 2005, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision en date du 26 octobre 2004 par laquelle le PREFET DE L'OISE a refusé de faire droit à cette demande, ensemble la décision ministérielle rejetant le recours hiérarchique formé par l'intéressé ; que le PREFET DE L'OISE fait appel de ce jugement et demande, par une requête distincte, que la Cour décide qu'il sera sursis à son exécution jusqu'à ce qu'elle statue sur le fond du litige ;
Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y, ressortissante marocaine, que M. X a épousée au Maroc le 13 mars 2002, est demeurée depuis lors dans ce pays ; que, compte tenu du caractère récent de ce mariage et alors que M. X ne justifie pas d'une vie commune avec son épouse, le PREFET DE L'OISE est fondé à soutenir, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et malgré la durée et les conditions du séjour de l'intéressé en France, que la décision par laquelle il a refusé à M. X le bénéfice, en faveur de son épouse et de leur fille, du regroupement familial n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. X tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors applicable : « I. - Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par la présente ordonnance ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. (…) Le regroupement ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont supérieures au salaire minimum de croissance (…) » ; qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 6 juillet 1999, alors applicable, pris pour l'application de ces dispositions : «Les ressources du demandeur sont appréciées par référence à la moyenne du salaire minimum de croissance sur une durée de douze mois ; lorsque la moyenne n'est pas atteinte, une décision favorable peut être prise en tenant compte de l'évolution de la situation de l'intéressé quant à la stabilité de son emploi et à ses revenus y compris après le dépôt de la demande. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a perçu, au cours des douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial, un revenu net mensuel inférieur au niveau du SMIC mensuel ; que ce revenu, qui lui était procuré par plusieurs emplois à durée déterminée, ne saurait, en outre, être regardé comme remplissant la condition de stabilité requise par les dispositions précitées ; que, par ailleurs, M. X occupait, depuis le
1er octobre 1999, un logement de type F 2 d'une surface insuffisante pour accueillir sa famille ; que, si M. X se prévaut de ce qu'il est à présent employé au titre d'un contrat de travail à durée indéterminée et dispose désormais d'un logement de type F 3 permettant d'accueillir son épouse et leur fille, de telles circonstances, qui sont postérieures à la date à laquelle la décision préfectorale attaquée a été prise, sont sans incidence sur sa légalité ; qu'il suit de là que le PREFET DE L'OISE n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que M. X ne disposait pas de ressources suffisantes au sens des dispositions précitées de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors applicable ; que, dès lors, la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens doit être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision en date du 26 octobre 2004 refusant à M. X le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et de sa fille, ensemble la décision ministérielle en date du 2 février 2005 rejetant le recours hiérarchique formé par l'intéressé ;
Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue sur le fond de l'affaire, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête présentée par le PREFET DE L'OISE, enregistrée sous le n° 06DA00328, tendant à ce que la Cour décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'elle se prononce au fond ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du PREFET DE L'OISE enregistrée sous le n° 06DA00328.
Article 2 : Le jugement n° 0500524 en date du 29 décembre 2005 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'OISE, à M. Abderrahmane X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Nos 06DA00328, 06DA00329 2