Vu la requête, enregistrée le 11 août 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, ayant principal établissement
1 rue de la Fontainerie à Arras (62033) Cedex, par Me Weppe ; la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0100632 en date du 28 juin 2004 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il l'a déclarée responsable du tiers des conséquences dommageables de l'inondation, survenue le 2 juin 1999, de l'habitation de Mme X, située ... à Grenay ;
2°) à titre principal, de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de retenir le partage de responsabilités proposé par l'expert ;
4°) de condamner Mme X ou toute autre partie succombante aux entiers dépens, ainsi qu'à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
La COMPAGNIE GENERALE DES EAUX soutient :
- que le Tribunal administratif de Lille a jugé à tort qu'était engagée la seule responsabilité de l'exposante à raison des conséquences dommageables de l'inondation subie par Mme X, au motif que celle-ci aurait trouvé sa cause dans un sous-dimensionnement du réseau d'assainissement, alors que l'expert a indiqué que la responsabilité de la commune de Grenay, de l'Etat, pour avoir instruit et délivré, sans réserve particulière quant à l'assainissement, le permis de construire concernant l'habitation, de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, propriétaire du réseau d'assainissement, et de la société d'équipement du Pas-de-Calais, lotisseur et aménageur, lui apparaissait susceptible d'être engagée à parts égales dans la survenance du sinistre ; que l'expert évoquait également la responsabilité du constructeur comme susceptible d'être recherchée ;
- que la responsabilité de l'exposante ne pouvait être retenue en considération de sa seule qualité de fermier de l'ouvrage public d'assainissement et sans que l'existence d'une faute de sa part dans l'exercice de sa mission ait été démontrée ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, alors que l'exposante n'a participé ni à la conception ni à la construction du réseau d'assainissement qui lui a été confié ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2004, présenté pour Mme Odette X, demeurant ... à Grenay (62160), par Me Gayet ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué en tant, d'une part, qu'il a retenu à son encontre une faute de nature à exonérer la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX des deux tiers de sa responsabilité dans la survenance de l'inondation ayant affecté sa propriété, d'autre part, qu'il a écarté la responsabilité de la société d'équipement du Pas-de-Calais, de la commune de Grenay, de l'Etat et de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin ;
2°) par les voies de l'appel incident et provoqué, de déclarer la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, la société d'équipement du Pas-de-Calais, la commune de Grenay, l'Etat et la communauté d'agglomération de Lens-Liévin responsables, conjointement et chacun pour la même part, de l'intégralité desdites conséquences dommageables ;
3°) de condamner tout succombant aux entiers frais et dépens, y compris les frais d'expertise, ainsi qu'à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme X soutient :
- que si le tribunal administratif a retenu à bon droit la responsabilité de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, il a estimé à tort que l'exposante avait commis une faute de nature à atténuer celle-ci, qui plus est à concurrence de deux tiers ; qu'en effet, l'exposante, profane en la matière, n'était pas en situation de prendre la mesure du problème, alors que ni elle-même, ni les précédents propriétaires, qui ont édifié la maison, ne se sont vus prescrire de modifier l'implantation du regard d'égout mis en cause, qui avait d'ailleurs été imposée par la société d'équipement du
Pas-de-Calais ;
- que la responsabilité de la société d'équipement du Pas-de-Calais, qui a élaboré le cahier des charges du lotissement et en a imposé les prescriptions aux propriétaires, lesquelles concernaient notamment l'implantation des regards d'égout destinés à assurer l'évacuation des eaux pluviales, ne pouvait être écartée, alors que la société d'équipement du Pas-de-Calais a d'ailleurs assuré
elle-même l'installation, sur le terrain privé des acquéreurs, de ces dispositifs dans des conditions non conformes à la réglementation ;
- que la responsabilité de la commune de Grenay est également engagée à l'égard de l'exposante, l'expert ayant relevé que la forte convexité de la voie publique a aggravé l'écoulement des eaux dans les sous-sols de l'habitation, et la commune, en sa qualité de maître d'ouvrage de la voie en cause, n'ayant pris aucune mesure pour remédier à cette situation ; que, par ailleurs, la commune de Grenay a commis une faute en délivrant aux précédents propriétaires de l'immeuble un permis de construire sans l'assortir d'aucune réserve quant aux possibilités d'évacuation offertes par le réseau d'assainissement existant, dont l'insuffisance était pourtant connue, puis en délivrant un certificat de conformité de la construction aux prescriptions de ce permis ;
- que la responsabilité de l'Etat, dont l'un des services a assuré l'instruction du permis de construire délivré aux précédents propriétaires et n'a prévu aucune prescription en matière d'assainissement, ne pouvait davantage être écartée par le tribunal administratif ;
- que la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, maître d'ouvrage du réseau d'assainissement qui s'est avéré insuffisant pour absorber des précipitations non exceptionnelles, n'a entrepris aucun travaux pour remédier à cette situation, qu'elle connaissait pourtant de longue date ; que, par suite, sa responsabilité devra également être retenue ;
- que l'exposante a subi un important préjudice, qui a été évalué par l'expert, et qui doit être intégralement réparé, en tenant compte toutefois de l'indemnisation partiellement perçue de son assureur ; que le montant total des préjudices s'élèvent à 38 203,72 euros ; que l'exposante a reçu la somme de 22 654,99 euros de son assureur ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2004, présenté pour la commune de Grenay (62160), représentée par son maire en exercice, par Me Dutat ; la commune de Grenay conclut au rejet des conclusions de Mme X dirigées à son encontre et à la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune de Grenay soutient :
- que l'expert, qui a cru pouvoir se prononcer sur les responsabilités encourues, a outrepassé les limites de sa mission ;
- que le permis de construire délivré au nom de la commune le 21 juin 1990 concernant l'habitation appartenant à Mme X faisait obligation au pétitionnaire de rejeter directement ses eaux vannes et usées dans le réseau d'assainissement public existant et de se conformer aux prescriptions de l'arrêté de lotissement du 1er août 1998 et des documents annexés à celui-ci ; qu'il ne saurait, dès lors, être soutenu que toutes précautions n'auraient pas été prises par les autorités compétentes pour instruire et délivrer les autorisations d'urbanisme requises ;
- que la délivrance du certificat de conformité prévu aux articles L. 460-2 et R. 460-3 et suivants du code de l'urbanisme ne pouvait être refusée pour des motifs tirés de la méconnaissance des règles de construction ;
- que le constructeur de l'habitation a méconnu les prescriptions du règlement sanitaire départemental et a mis en oeuvre un aménagement défectueux du dispositif de recueil des eaux vannes et usées qui a rendu possible les dommages subis par Mme X ;
- que la convexité de la voie communale n'a joué aucun rôle causal dans la survenance des désordres ;
- que l'exposante n'est pas le maître de l'ouvrage du réseau d'assainissement en cause et ne saurait être tenue de répondre de son insuffisance ;
- que Mme X n'établit pas avoir subi un préjudice excédant l'indemnisation perçue de son assureur ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2005, présenté pour Mme X ; elle conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; Mme X soutient, en outre :
- que contrairement à ce que soutient la commune, le dispositif de recueil des eaux vannes et usées mis en place par le constructeur de l'habitation n'a révélé en lui-même aucune défectuosité ;
- qu'elle a acquis cette habitation peu de temps avant l'inondation en cause, n'en avait subi aucune autre auparavant et n'avait pas été informée de ce que l'immeuble avait déjà subi un événement de cette nature antérieurement ;
- que le préjudice est établi par le rapport d'expertise, dont la commune de Grenay n'a pas remis en cause la pertinence des conclusions lors de son dépôt ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 janvier 2005, présenté pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, concluant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX soutient, en outre, que le sinistre trouve son origine dans les aménagements réalisés, notamment sur des parties privatives, dans le lotissement où se situe l'immeuble de Mme X, par la SEPAC et qui n'existaient pas à la date du traité d'affermage ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2005, présenté pour Mme X, concluant aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, qui a accepté de prendre en charge la surveillance et l'entretien du réseau, ne saurait utilement se prévaloir qu'elle n'a pas participé à la conception dudit réseau ou invoquer l'augmentation du nombre d'habitations raccordées à celui-ci depuis son entrée en fonction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2005, présenté pour la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, dont le siège est 21 rue Marcel Sembat, BP 65, à Lens (62302) Cedex, par Me Teboul ; la communauté d'agglomération de Lens-Liévin demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête et les conclusions que Mme X dirige à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de ramener les sommes demandées par Mme X à de plus justes proportions ;
4°) de condamner la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX et Mme X à lui verser, chacun, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La communauté d'agglomération de Lens-Liévin soutient :
- que seule la responsabilité de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, en sa qualité de fermier du réseau d'assainissement, est susceptible d'être engagée à l'égard de Mme X ; que cela résulte en particulier des stipulations de l'article 42 du traité d'affermage ;
- que l'implantation d'un regard d'égout en partie haute de la rampe d'accès au garage aménagé au sous-sol de l'habitation de Mme X et la configuration du branchement particulier de la propriété, non équipé d'un clapet anti-retour, qui ont été réalisées en méconnaissance du règlement sanitaire départemental, ont joué un rôle dans la survenance de l'inondation ;
- que Mme X n'établit pas la réalité de l'ensemble des chefs de préjudice dont elle demande réparation ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juin 2005, présenté pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu les lettres en date du 6 juin 2006 par lesquelles le président de la formation de jugement a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2006, présenté pour la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2006, présenté pour Mme X en réponse au moyen d'ordre public communiqué par la Cour ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2006, présenté pour la société d'équipement du Pas-de-Calais (SEPAC), dont le siège est situé Hôtel du département à Arras (62000), par
Me Minet ; la SEPAC conclut, à titre principal, au rejet de la requête et des conclusions de
Mme X dirigées à son encontre et à la condamnation de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX et de Mme X à lui verser, chacune, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Grenay à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, ainsi qu'à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SEPAC soutient :
- que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable, les opérations d'expertise n'ayant pas été contradictoires à son égard ;
- qu'au fond, les énonciations du cahier de limite des prestations techniques, qui se bornent à répartir les tâches entre la SEPAC, le constructeur et l'acquéreur, ne peuvent en aucune manière conduire à retenir la responsabilité de l'exposante ; qu'elle n'a été chargée que de la partie de l'ouvrage d'assainissement situé au-delà du regard ou de la boîte de branchement, les travaux de conduite dans le logement jusqu'à la boîte étant à la charge du constructeur de la maison ;
- que Mme X n'a pas soumis son projet à l'agrément de l'exposante, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure d'émettre les réserves utiles s'agissant notamment de l'implantation du regard à un niveau inférieur à celui du trottoir et de la chaussée ;
- que, subsidiairement, les stipulations du protocole de liquidation conclu avec la commune de Grenay font obstacle à ce que la responsabilité de l'exposante soit recherchée, seule la responsabilité de la commune étant susceptible d'être engagée ;
Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie au greffe de la Cour le 20 juin 2006 et confirmé par courrier original le 22 juin 2006, présenté au nom de l'Etat par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête et des conclusions dirigées à son encontre par Mme X ;
Le ministre soutient :
- que les conclusions dirigées à son encontre par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX sont irrecevables comme insuffisamment motivées et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
- que les conclusions formées par Mme X à son encontre ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence de l'irrecevabilité des conclusions d'appel principal de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ; qu'elles sont, en tout état de cause, irrecevables comme insuffisamment motivées ; qu'elles ne sont d'ailleurs pas fondées, la responsabilité de l'Etat ne pouvant être engagée, lorsque ses services instruisent les demandes de permis de construire pour le compte d'une commune qu'en cas de refus ou de mauvaise exécution d'une instruction du maire ; qu'en outre, l'existence d'une quelconque faute du service instructeur n'est pas établie ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2006, présenté pour Mme X ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Mme X soutient, en outre :
- que les conclusions qu'elle dirige contre l'Etat sont recevables, contrairement à ce que prétend le ministre ;
- que la SEPAC a participé volontairement aux opérations d'expertise et a été en mesure d'y faire valoir ses arguments ; que, dès lors, les conclusions de l'expert lui sont opposables, contrairement à ce qu'elle soutient ;
- qu'au fond, la cause prépondérante des désordres réside dans le débordement du réseau d'assainissement situé sous la voie publique et non dans l'implantation du regard d'égout sur sa propriété, qui peut tout au plus être regardé comme un facteur aggravant des dommages ;
- qu'il appartenait à la SEPAC de donner son agrément au projet de construction de l'habitation dans le cadre de l'examen du permis de construire, ce qu'elle n'a pas fait, se désintéressant du sort des terrains après leur livraison ;
Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 16 août 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2006, présenté pour la SEPAC ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, MM Olivier Mesmin d'Estienne et Christian Bauzerand, premiers conseillers :
- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;
- les observations de Me Weppe, pour la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, de
Me Dutat, pour la commune de Grenay et de Me Minet, pour la société d'équipement du
Pas-de-Calais ;
- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Odette X, propriétaire, depuis le mois de mai 1998, d'une maison d'habitation, située ... à Grenay (Pas-de-Calais), a subi, le 2 juin 1999, une inondation affectant le sous-sol de cet immeuble, où est aménagé un garage, et occasionnant d'importants dégâts matériels ; qu'elle a saisi le Tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Grenay, de l'Etat, de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, de la société d'équipement du Pas-de-Calais (SEPAC) et de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à réparer les préjudices résultant de cette inondation ; que, par jugement du 28 juin 2004, le Tribunal administratif de Lille a déclaré la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX responsable d'un tiers des conséquences dommageables de ladite inondation, imputant à la victime les deux tiers de la responsabilité, a ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur la réparation à allouer à Mme X, et a rejeté les conclusions dirigées contre la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, la commune de Grenay, l'Etat et la SEPAC ; que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande à la Cour, à titre principal, d'annuler ce jugement et de la mettre hors de cause, et, à titre subsidiaire, de réduire la part de sa responsabilité ; que Mme X demande, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, la SEPAC, la commune de Grenay, l'Etat et la communauté d'agglomération de Lens-Liévin soient déclarés responsables, chacun pour la même part, de l'intégralité des conséquences dommageables de l'inondation ;
Sur l'appel principal :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Lille, que l'inondation dont a été victime Mme X a pour origine l'incapacité du réseau d'assainissement à absorber, en cas de fortes précipitations, les eaux pluviales ruisselant sur la ... et à recueillir dans le même temps les eaux vannes et usées provenant des habitations du lotissement ; que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, à laquelle a été affermé ledit réseau et dont il n'est pas allégué qu'elle se trouverait en état d'insolvabilité, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'elle n'a participé ni à la conception, ni à la construction du réseau dont les vices seraient antérieurs au traité d'affermage, dès lors qu'elle était tenue par ses engagements contractuels, d'une part, de prendre en charge l'ensemble des installations concernées dans l'état dans lequel elles se trouvaient, sans pouvoir se prévaloir de cet état pour se soustraire à ses obligations, d'autre part, de procéder à tous travaux qui se révèleraient nécessaires, en accord avec les maîtres d'ouvrage concernés, et alors, enfin, qu'elle ne soutient pas avoir soumis à ces derniers des projets de travaux nécessaires qu'ils auraient refusés ; que Mme X ayant la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public dont il s'agit, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX alors même que cette dernière n'aurait commis aucune faute ; qu'il suit de là que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX n'est pas fondée à demander sa mise hors de cause ; que ses conclusions tendant à ce que les frais de l'expertise décidée par le juge des référés soient mis à la charge de Mme X doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions de Mme X :
Considérant, en premier lieu, que si Mme X, pour demander la réduction de la part de responsabilité laissée à sa charge par le jugement attaqué, soutient que la configuration des dispositifs de recueil des eaux de pluie équipant sa propriété, que le tribunal administratif a regardée comme ayant concouru à la survenance de l'inondation qu'elle a subie, lui aurait été imposée par le lotisseur, la SEPAC, les conclusions qu'elle dirige contre cette société, qui sont relatives à l'aménagement d'ouvrages privés, sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'elles doivent, par suite, être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que l'inondation subie par Mme X a été aggravée, d'une part, par la circonstance que le regard d'égout recueillant les eaux vannes et usées de l'habitation a été implanté en partie haute de la rampe d'accès au garage à un niveau inférieur à celui du trottoir et de la chaussée, une telle configuration, réalisée en méconnaissance des prescriptions de l'article 15 du règlement sanitaire départemental, ayant pour effet, en cas de fortes précipitations, de diriger directement dans le
sous-sol de l'habitation l'ensemble des eaux non absorbées par le réseau public d'assainissement en surpression et débordant par ledit regard, d'autre part, par l'absence de tout dispositif anti-retour malgré les prescriptions susmentionnées du règlement sanitaire départemental ; qu'il suit de là que c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que le Tribunal administratif de Lille a laissé à la charge de Mme X les deux tiers des préjudices résultant de l'inondation qu'elle a subie ; que, dès lors, les conclusions d'appel incident présentées par Mme X doivent être rejetées ;
Considérant, enfin, que le rejet des conclusions d'appel principal de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX n'aggrave pas la situation de Mme X ; que, dès lors, les conclusions d'appel provoqué que Mme X dirige contre la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, la commune de Grenay et l'Etat, qui sont irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille l'a déclarée partiellement responsable des conséquences dommageables des inondations subies par Mme X et que, d'autre part, les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par Mme X doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grenay, la société d'équipement du Pas-de-Calais, l'Etat et la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, qui ne sont pas parties perdantes, la somme que Mme X et la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant, en deuxième lieu, que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX doit être regardée, au regard de l'ensemble des circonstances de l'affaire, comme étant partie perdante à l'égard de Mme X ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X la somme que la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX la somme de 1 500 euros que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX les sommes de 1 500 euros et de 1 000 euros au titre des frais respectivement exposés par la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la SEPAC et non compris dans les dépens ;
Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X les sommes que la commune de Grenay, la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et la SEPAC demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de Mme Odette X dirigées contre la société d'équipement du Pas-de-Calais sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : La requête de la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX est rejetée.
Article 3 : La COMPAGNIE GENERALE DES EAUX versera, à Mme Odette X et à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, chacune, la somme de 1 500 euros et, à la société d'équipement du Pas-de-Calais, la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme Odette X, de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin et de la société d'équipement du Pas-de-Calais et les conclusions de la commune de Grenay tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, à
Mme Odette X, à la commune de Grenay, à la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, à la société d'équipement du Pas-de-Calais et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°04DA00701