Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2005, présentée pour Mme Françoise X et M. Georges X, demeurant ..., par la
SCP Pourchez ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0104200 du 19 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etablissement français du sang à verser, premièrement, la somme de 8 300 euros à Mme X avec intérêts au taux légal à compter du
18 juillet 2002, deuxièmement, la somme de 4 656,21 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil et, troisièmement, la somme de 750 euros à Mme X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner l'Etablissement français du sang à verser une somme de
103 226,28 euros à Mme X et une somme de 6 097,96 euros à M. X, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jour de dépôt de la requête initiale ;
3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent qu'il a été justifié devant l'expert d'un traitement phytothérapique d'un coût de 9 000 euros ; que ce traitement représente au titre des frais futurs une somme de
40 772,44 euros ; que le pretium doloris devra être plus justement indemnisé par une somme de
7 622,45 euros compte tenu de l'extrême fatigue ressentie par l'exposante ; que le préjudice moral et d'agrément devra être plus justement indemnisé par une somme de 45 734,70 euros compte tenu de la souffrance psychologique et de la modification des conditions d'existence de l'exposante ; que c'est à tort que le Tribunal a rejeté les demandes de M. X ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2005, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, dont le siège est rue Ribot à Creil (60113), par la SCP Lardon-Galeote, Even et Kramer ; la caisse conclut à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 5 120,92 euros correspondant aux prestations qu'elle a versées à Mme X et la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle formule des réserves quant aux frais médicaux relatifs au traitement phytothérapique subi par Mme X ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2005, présenté pour l'Etablissement français du sang par Me Prouvost ; l'Etablissement français du Sang conclut :
- d'une part, à titre principal, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement et au rejet de toutes les demandes de Mme X, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 1 524,99 euros au titre des frais irrépétibles ; à cette fin, il soutient que les produits sanguins transfusés à Mme X ont été fournis par le poste de transfusion sanguine de Creil et par celui de Pontoise ; que les données médicales produites permettent de mettre en évidence une véritable guérison ; que la requérante ne produit aucun justificatif concernant son traitement phytothérapique qui ne fait pas partie des traitements de référence de l'hépatite C ; que l'angoisse de Mme X n'est pas indemnisée par le pretium doloris ; que le préjudice moral et d'agrément qu'elle subit est plus en rapport avec les séquelles de son accident de février 1983 qu'avec son hépatite C ; que les raisons invoquées pour la réévaluation du montant accordé par le Tribunal ne sont pas pertinentes ; que M. X ne justifie ni l'existence, ni le quantum du préjudice qu'il allègue ;
- d'autre part, par la voie de l'appel incident, au rejet de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ; à cette fin, il soutient que le relevé des débours produit par la caisse n'est pas suffisamment précis, tant pour les frais d'hospitalisation que sur les frais médicaux et pharmaceutiques ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 septembre 2005, présenté pour
M. et Mme X, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 décembre 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les éléments versés aux débats permettent sans ambiguïté d'établir un lien de causalité entre l'affection de la requérante et la faute commise par l'Etablissement français du sang ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 mars 2006, présenté pour l'Etablissement français du sang, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que l'attestation d'imputabilité produite par la caisse n'a qu'une valeur probante limitée ; que la kinésithérapie n'est pas requise pour soigner l'hépatite C ; que les documents concernant les remboursements effectués par la mutuelle générale de l'Education nationale sont parfaitement inexploitables ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 22 mai 2006, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et
M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;
- les observations de Me Wattraint, pour Mme et M. X ;
- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a déclaré l'Etablissement français du sang, venant au droit des postes de transfusion de Creil et de Pontoise, responsable des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme X imputable aux transfusions de sang en provenance de ces postes qu'elle a reçues au cours de son hospitalisation au centre hospitalier de Senlis en 1983 et a fixé le préjudice indemnisable à la somme de 12 956,21 euros dont 8 300 euros au titre de ses droits ; que M. et Mme X font appel de ce jugement en ce qu'ils estiment insuffisantes les condamnations prononcées à leur bénéfice ; que l'Etablissement français du sang forme un appel incident en contestant le montant des dommages-intérêts versés aux requérants ainsi que les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;
Sur l'évaluation du préjudice de Mme X :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que
Mme X, qui n'a subi aucune incapacité temporaire totale ni d'incapacité permanente partielle reste atteinte à la suite de sa contamination d'une hépatite chronique modérément active entraînant une asthénie permanente ; que son état n'est ni stabilisé ni consolidé et doit faire l'objet d'une surveillance biologique trimestrielle du bilan hépatique ; que les frais médicaux, pharmaceutiques résultant directement des conséquences dommageables de la contamination y compris l'hospitalisation du 17 au 20 janvier 2000 ainsi que l'établit l'attestation circonstanciée du médecin-conseil du service médical de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, qu'aucun élément fourni par l'Etablissement français du sang ne contredit, s'élèvent à un montant justifié de 5 120,92 euros ; que les frais liés au suivi d'un traitement phytothérapique par
Mme X bien que le coût soit établi par un certain nombre de factures produites en appel ne sont pas justifiés en l'absence de tout élément médical indiquant la portée de ce traitement qui ne fait pas partie du cadre thérapeutique connu comme l'a relevé l'expert ; qu'ainsi, le préjudice corporel subi par Mme X s'élève à 5 120,92 euros ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature notamment dus à l'asthénie et aux souffrances psychologiques que Mme X subit dans ses conditions d'existence en lui allouant une somme de 10 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des souffrances physiques évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7 en le fixant à 4 000 euros ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme X en le fixant à 5 120,92 euros au titre du préjudice relatif à l'atteinte à l'intégrité physique et à 14 000 euros au titre des autres dommages ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « Si la responsabilité d'un tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique et d'agrément » ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil qui justifie à la date du
16 février 2005 d'une somme de 5 120,92 euros au titre des débours résultant des suites dommageables pour son assurée des transfusions a droit au remboursement des frais ainsi exposés ; que, dès lors, il y a lieu de condamner l'Etablissement français du sang à verser à ladite caisse la somme de 5 120,92 euros ;
Sur les droits de Mme X :
Considérant que Mme X a droit à la somme de 14 000 euros calculée ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;
Sur le préjudice de M. X :
Considérant que M. X a subi, en raison de l'état de santé de son épouse, des troubles dans ses conditions d'existence ; que ces troubles doivent être évalués à la somme de
2 000 euros ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etablissement français du sang à verser à
M. X la somme de 2 000 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X a droit aux intérêts de la somme de 14 000 euros à compter du 4 décembre 2001, date de la demande devant le Tribunal administratif ; que
M. X a droit aux intérêts de la somme de 2 000 euros à compter de la même date ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que le Tribunal administratif d'Amiens a fait une évaluation insuffisante de leur préjudice et à demander la réformation du jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative il y a lieu de condamner l'Etablissement Français du Sang à verser, d'une part, à M. et Mme X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens et, d'autre part, à verser la somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil ;
Considérant que les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de
M. et Mme X qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Etablissement français du sang demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à Mme X est portée à 14 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du
4 décembre 2001.
Article 2 : L'Etablissement français du sang est condamné à verser à M. X la somme de 2 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2001.
Article 3 : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil est portée à 5 120,92 euros.
Article 4 : Le jugement n° 0104200 du Tribunal administratif d'Amiens du
19 octobre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etablissement Français du sang versera à M. et Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : L'Etablissement Français du sang versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X et le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil sont rejetés.
Article 8 : Les conclusions d'appel incident de l'Etablissement Français du Sang ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Françoise X, à M. Georges X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil et à l'Etablissement Français du sang.
N°05DA00051 2