Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2005, présentée pour Mme X... , demeurant ..., par Me Y..., avocat ; Mme demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0000584 en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
26 janvier 2000 par laquelle le maire de Rouen a prononcé son licenciement, à ce qu'il soit enjoint à la ville de Rouen, sous astreinte, de la réintégrer dans ses fonctions et à la condamnation de la ville de Rouen à lui verser une indemnité de 304,90 euros par mois à compter du mois de février 2000 jusqu'à sa réintégration ;
2°) d'annuler la décision du maire de Rouen en date du 26 janvier 2000 ;
3°) d'ordonner sa réintégration sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la ville de Rouen à lui verser une somme de 1 219,59 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de communication de son dossier ; que son dossier ne lui a pas été communiqué, aucun délai ne lui ayant été accordé pour en prendre connaissance ; que la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle a été écartée de son poste dès novembre 1999, que les parents d'élèves ne se sont jamais plaints de son attitude, que la majeure partie de son travail consiste à effectuer des tâches ménagères, qu'il aurait été possible de maintenir ces fonctions et qu'elle n'a pas été informée de sa nouvelle affectation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2005, présenté par la ville de Rouen, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que Mme a été informée de son droit à obtenir la communication de son dossier et de la possibilité de se faire assister ; que le comportement de Mme envers les enfants et ses collègues de travail est établi et présente un caractère fautif ; que seules les heures de ménage réalisées hors de la présence des enfants pouvaient être maintenues, ce dont la requérante a été informée ; que Mme ne s'est pas présentée sur son nouveau poste et n'a pas fourni de justificatif de ses absences ; qu'aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 à laquelle siégeaient M. Philippe Couzinet, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et
M. Fabien Platillero, conseiller :
- le rapport de M. Fabien Platillero, conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le dossier de Mme ne lui avait pas été communiqué avant que ne soit prise à son encontre la sanction disciplinaire du licenciement ; que Mme est ainsi fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
Considérant que, dans son mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Rouen le 5 juin 2000, Mme a déclaré se désister des conclusions indemnitaires de sa demande ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Rouen :
Considérant que la demande de Mme tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du maire de Rouen en date du 26 janvier 2000 par laquelle a été prononcé son licenciement, par des moyens de légalité externe et de légalité interne ; que la ville de Rouen n'est ainsi pas fondée à soutenir que cette demande constituerait un recours en déclaration d'inexistence irrecevable ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant que Mme a été employée, en vertu d'arrêtés successifs du maire de Rouen à compter de l'année scolaire 1995-1996, en qualité d'agent d'entretien des écoles municipales, en dernier lieu par arrêté du 7 septembre 1999 ; que, par décision du
26 janvier 2000, le maire de Rouen a prononcé le licenciement de Mme pour des motifs disciplinaires, en cours d'engagement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 susvisé : « Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont :
1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d'un mois ; 4° Le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement » ;
Considérant, d'une part, que la décision du maire de Rouen du 26 janvier 2000 est fondée sur l'absence injustifiée de Mme de son poste de travail à compter du
12 novembre 1999 ; que si un courrier du 10 novembre 1999 visait à informer l'intéressée d'un nouveau lieu d'affectation à compter du 12 novembre 1999, aucune pièce du dossier n'établit que Mme , ainsi qu'elle le soutient sans être contestée, aurait reçu ce courrier ou aurait été informée par d'autres moyens de cette affectation, notamment par la lettre du
18 novembre 1999 dûment notifiée dont se prévaut la ville de Rouen, qui ne contient aucune information relative à ladite affectation ; que la requérante soutient par ailleurs sans être contestée qu'elle s'est présentée sur son ancien lieu de travail auquel l'accès lui a été refusé, sans qu'il soit fait état d'une nouvelle affectation ; que, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme aurait été informée de sa nouvelle affectation, le maire de Rouen ne pouvait légalement retenir l'absence de l'intéressée de son dernier poste de travail à compter du 12 novembre 1999 pour prononcer à son encontre la sanction disciplinaire du licenciement ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que, lors des surveillances de cantine qui constituaient une partie de son activité, Mme n'accomplissait pas les tâches dont elle était chargée, en méconnaissance des directives qui lui étaient données et au préjudice de ses collègues de travail, préférait jouer et faire chanter les enfants, les encourageant ainsi à délaisser leurs repas, dansait dans le réfectoire et manifestait des débordements affectifs envers les enfants ; que si ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire, il ressort des pièces du dossier qu'un médecin de la ville de Rouen et un médecin assermenté ont émis l'avis, les 9 et 19 novembre 1999, que Mme était inapte à exercer des fonctions au contact d'enfants, du fait de son état de santé tout en étant apte à exercer ses fonctions d'agent de service ; que le maire de Rouen a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant le licenciement sans préavis ni indemnité de Mme en raison des faits sus-décrits, seuls susceptibles de justifier une sanction disciplinaire en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors qu'aucun des motifs retenus pour fonder la décision contestée n'était de nature à la justifier, Mme est fondée à demander l'annulation de la décision du 26 janvier 2000 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public … prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant que si l'annulation d'une mesure d'éviction d'un agent non-titulaire implique nécessairement à titre de mesure d'exécution la réintégration de ce dernier dans ses précédentes fonctions, elle ne permet cependant pas au juge administratif d'ordonner que soit prolongée la validité dudit engagement au-delà de celle qui était convenue ; que, dès lors que l'engagement de Mme ne la liait à la ville de Rouen que pour l'année scolaire 1999/2000, les conclusions de la demande tendant à ce que soit ordonnée, sous astreinte, la réintégration de Mme dans ses fonctions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la ville de Rouen la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la ville de Rouen à verser à Mme une somme de 2 400 euros au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0000584 en date du 8 mars 2005 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Il est donné acte à Mme du désistement des conclusions indemnitaires de sa demande.
Article 3 : La décision du maire de Rouen en date du 26 janvier 2000 est annulée.
Article 4 : La ville de Rouen versera à Mme une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de
Mme est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la ville de Rouen tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... , à la ville de Rouen et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
2
N°05DA00509