Vu la requête, enregistrée le 2 août 2004, présentée pour le GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE (GIE) DE SANTIN, dont le siège est 7 rue d'Enfer à
Estrées-Mons (80200), par Me Rouet, avocat ; le GIE DE SANTIN demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement nos 0201665, 0300619, 0301387 en date du 11 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre des années 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement est irrégulier, faute de se prononcer sur sa demande relative à l'année 2000 et de viser la décision de rejet de sa réclamation du 6 juin 2002 ; qu'en application de l'article 1447 du code général des impôts, dès lors qu'il ne constitue qu'une modalité d'exercice de l'activité agricole de ses membres sans activité propre et ne se comporte pas comme un prestataire de services, il ne peut être assujetti à la taxe professionnelle ; qu'en ce qui concerne ses activités de commercialisation, il doit être exonéré de taxe professionnelle en tant qu'exploitant agricole, en application de l'article 1450 du code général des impôts ; que l'article L. 311-1 du code rural considère comme agricoles les activités qui se situent dans le prolongement de l'acte de production, notamment la vente des produits de l'exploitation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le jugement est régulier ; que, dès lors que l'activité du GIE DE SANTIN, outre l'achat de la récolte auprès de ses membres et sa vente, consiste en la mise en commun de l'ensemble du matériel agricole et de ses salariés en fonction des besoins de ses membres et en la réalisation de travaux agricoles et de prestations visant à améliorer les conditions commerciales des achats et des ventes, le groupement, doté d'une personnalité juridique propre, a pour but de faciliter et de développer l'activité économique de ses membres, notamment par la réduction des coûts d'exploitation, et a une activité propre qui ne peut être assimilée à celle d'exploitant agricole exercée par ses membres ; que le groupement est ainsi passible de la taxe professionnelle ; que, sur le terrain de la doctrine, dès lors que le GIE DE SANTIN réalise des prestations commerciales et souscrit des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux, il est imposable à la taxe professionnelle ; que le requérant ne peut bénéficier de l'exonération en faveur des exploitants agricoles prévue à l'article 1450 du code général des impôts, dès lors qu'il ne commercialise pas lui-même la production, n'assume pas personnellement les risques de l'exploitation et ainsi n'exerce pas une activité d'exploitant agricole ; que la qualification d'activité agricole au regard du code rural est sans incidence sur la qualification fiscale d'exploitant agricole retenue à l'article 1450 du code général des impôts ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 avril 2005, présenté pour le
GIE DE SANTIN, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, qu'au regard de ses conditions de fonctionnement, il doit être exonéré de taxe professionnelle au titre de son rôle de mise à disposition de moyens au profit de ses membres, pour lequel il n'exerce aucune activité professionnelle au sens de l'article 1447 du code général des impôts, alors que l'administration ne procède à aucune distinction ; que son activité de fourniture d'intrants et de vente de la production de ses membres, qui met en oeuvre des moyens spécifiques, se situe dans le prolongement de l'activité agricole et doit être exonérée de taxe professionnelle en application de l'article 1450 du code général des impôts ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 novembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 novembre 2005, présenté pour le GIE DE SANTIN, après clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et M. Platillero, conseiller :
- le rapport de M. Platillero, conseiller ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les demandes dont le tribunal était saisi par le GIE DE SANTIN tendaient à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre des années 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002 ; que les visas du jugement indiquent que les demandes concernent les années 1998, 1999, 2000 et 2001 ; que le premiers juges s'étant ainsi mépris sur l'objet du litige qui leur était soumis, ledit jugement doit être annulé, sans qu'il y soit besoin de statuer sur le second moyen d'annulation invoqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par le GIE DE SANTIN devant le Tribunal administratif d'Amiens ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant, d'une part, que la demande du GIE DE SANTIN, enregistrée sous le
n° 0201665, tendant à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre des années 1998, 1999, 2000 et 2001 n'a pas été précédée d'une réclamation préalable en ce qui concerne ces trois dernières années ; que l'administration est ainsi fondée à soutenir que les conclusions de ladite demande tendant à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle le
GIE DE SANTIN a été assujetti au titre des années 1999, 2000 et 2001 ne sont pas recevables ;
Considérant, d'autre part, que, dans ses écritures d'appel, le requérant limite sa demande tendant à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2002 à une somme de 10 067 euros, qui faisait l'objet de sa réclamation préalable ; que la fin de non-recevoir opposée par l'administration en première instance ne peut ainsi qu'être écartée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : « La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée » ;
Considérant que le GIE DE SANTIN a pour objet, ainsi qu'il résulte de ses statuts, « d'acquérir le matériel et tous les moyens nécessaires au fonctionnement de l'exploitation agricole de ses membres, fournir à ses membres toutes prestations de matériel et de personnel ou de créations de services communs à l'exception toutefois de l'activité d'exploitation agricole proprement dite…, organiser et promouvoir par tous moyens le transport, la vente de produits récoltés, élevés, transformés, conditionnés, fabriqués par les membres ou leur famille notamment en regroupant les contrats de fournitures ou de livraisons auprès de coopératives d'industriels et commerçants et la recherche de débouchés, apporter les meilleures conditions commerciales pour les achats de biens nécessaires à l'exploitation de ses membres et généralement toute opération directe ou indirecte pouvant favoriser le développement de l'objet social » ; que le groupement, qui centralise les achats nécessaires aux exploitations et les ventes des produits de ces exploitations, réalise des prestations qui ont pour but d'améliorer les conditions commerciales de ces achats et ventes ; qu'ainsi, il exerce une activité qui lui est propre en permettant à ses membres de réduire leurs coûts d'exploitation et de faciliter et développer leur activité économique ; que les opérations susmentionnées caractérisent l'exercice d'une activité professionnelle non salariée au sens de l'article 1447 du code général des impôts, rendant le
GIE DE SANTIN passible de la taxe professionnelle, sans qu'y fassent obstacle les circonstances que le fonctionnement du groupement est conforme à l'ordonnance du 23 septembre 1967 et qu'il facture les prestations rendues à ses adhérents à prix coûtant ;
Considérant, toutefois, que, dans l'hypothèse où un groupement exerce à la fois des activités taxables et non taxables à la taxe professionnelle, il n'est redevable de cette taxe qu'à raison des bases d'imposition relatives à ses activités professionnelles taxables ; que l'objet du GIE DE SANTIN prévoit la mise en commun des matériels et des salariés utiles aux membres du groupement, dont celui-ci est respectivement propriétaire et employeur ; que le ministre ne conteste pas que l'utilisation du matériel, conservé chez les membres du groupement qui continuent d'exploiter leurs propres domaines, n'est pas systématiquement liée à l'intervention de salariés du groupement et fait l'objet d'une simple concertation verbale ; que la facturation des coûts d'utilisation des matériels et du personnel est faite au moyen d'appels de fonds effectués auprès des membres, calculés au prorata de la superficie de leurs terres ; qu'en se bornant à se référer au statut du requérant, le ministre ne conteste pas sérieusement les affirmations de celui-ci selon lesquelles le matériel et le personnel sont seulement mis en commun et ne sont pas concrètement utilisés en vue de la réalisation de prestations de services déterminées qu'il effectuerait au profit de ses membres ; qu'ainsi, la mise en commun du matériel et du personnel ne peut pas être regardée comme une activité au sens des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts ; que, par suite, le GIE DE SANTIN n'est pas passible de la taxe professionnelle sur les immobilisations dont il a disposé et les salaires qu'il a versés au titre de la mise en commun du matériel et du personnel ; que le ministre ne peut utilement se prévaloir de la réponse ministérielle à M. X, député, du 3 avril 1995 pour fonder l'imposition du groupement sur la totalité de ses immobilisations et de son personnel ;
En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1450 du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1450 du code général des impôts : « Les exploitants agricoles, y compris les propriétaires ou fermiers de marais salants sont exonérés de la taxe professionnelle. En sont également exonérés les groupements d'employeurs constitués exclusivement d'exploitants individuels agricoles ou de sociétés civiles agricoles bénéficiant de l'exonération, et fonctionnant dans les conditions fixées au chapitre VII du livre Ier du code du travail » ;
Considérant que le statut du GIE DE SANTIN exclut expressément l'activité d'exploitation agricole ; que ce groupement ne réalise pas la mise en valeur d'un domaine agricole, ne commercialise pas sa propre production et n'assume pas personnellement les risques de l'exploitation ; qu'ainsi, le requérant ne peut pas être regardé comme un exploitant agricole au sens de l'article 1450 du code général des impôts et bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue par cet article, en ce qui concerne son activité d'achat des fournitures nécessaires aux exploitations de ses membres et de vente de leur production, la qualification de ses activités au regard des dispositions de l'article L. 311-1 du code rural étant sans influence sur la qualité d'exploitant agricole nécessaire pour bénéficier de l'exonération susmentionnée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GIE DE SANTIN est seulement fondé à demander à être taxé à la taxe professionnelle à raison des bases d'imposition relatives à ses activités professionnelles taxables telles que définies ci-dessus ; que les pièces du dossier ne permettent pas d'évaluer, pour chacune des années en litige, une base d'imposition rattachable aux activités taxables ; qu'il y a, ainsi, lieu d'ordonner qu'il soit procédé à un supplément d'instruction contradictoire entre le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le GIE DE SANTIN aux fins de réunir les éléments permettant de déterminer cette base d'imposition ; que, dans l'hypothèse où les différentes activités exercées par le groupement sont effectuées par le même personnel et utilisent les mêmes immobilisations, il y aura lieu de prendre en compte les salaires versés au prorata du temps passé par le personnel à des activités taxables et la valeur des immobilisations au prorata de leur temps d'utilisation pour ces mêmes activités ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 0201665, 0300619, 0301387 en date du 11 juin 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande n° 0201665 du GIE DE SANTIN en tant qu'elles tendent à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre des années 1999, 2000 et 2001 sont rejetées.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur les conclusions des demandes n° 0201665 en tant qu'elle concerne l'année 1998 et nos 0300619 et 0301387 concernant les années 1999, 2000, 2001 et 2002 présentées par le GIE DE SANTIN devant le Tribunal administratif d'Amiens et sur le surplus des conclusions de sa requête jusqu'à ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ait, contradictoirement avec le GIE DE SANTIN, déterminé les bases d'imposition relatives aux activités de ce dernier imposables à la taxe professionnelle au titre des années 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002, dans les conditions prescrites par le présent arrêt.
Article 4 : Il est accordé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir à la Cour les résultats de la mesure d'instruction définie à l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT D'INTÉRÊT ÉCONOMIQUE DE SANTIN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
N°04DA00656 2