Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
28 septembre 2005, présentée pour M. Surajudeen X, demeurant chez Auda Y, ..., par la SCP Kreizel, Debleds, Virelizier ; M. X demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-2069, en date du 5 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 août 2005 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des entiers dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière est signé par une autorité incompétente ; qu'ayant formé un recours contre la décision, en date du 29 avril 2005, de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de la Commission des recours des réfugiés ; que l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu de son état de santé qui nécessite son maintien en France, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ; qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que l'arrêté attaqué a violé, par suite, les stipulations de l'article 3 de la convention précitée ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu la décision du président de la Cour en date du 11 octobre 2005 prononçant l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. X ainsi que les mentions attestant de sa notification ;
Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 2005 fixant la clôture de l'instruction au
5 novembre 2005 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2005 :
- le rapport de M. Yeznikian, président délégué ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être
entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de
validité ( … ) » ;
Considérant que M. X, de nationalité nigériane, est entré irrégulièrement en France le 22 novembre 2003 et ne possède aucun titre de séjour en cours de validité ; qu'ainsi M. X se trouvait, à la date de l'arrêté attaqué, dans la situation prévue par les dispositions précitées, qui autorisait le préfet de la Seine-Maritime à décider sa reconduite à la frontière ;
Considérant que M. Michel Z, sous-préfet du Havre, étant titulaire d'une délégation de signature régulièrement publiée, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du
26 août 2005 doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « ( … ) l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si : ( ... ) 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ( … ) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° et 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office ( … ) » ;
Considérant que la première demande d'asile de M. X a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2004 confirmée en appel par la Commission des recours des réfugiés le 17 décembre 2004 ; que, par une décision du préfet de la Seine-Maritime, en date du 20 avril 2005, notifiée le 28 avril 2005, l'intéressé s'est vu refuser une autorisation provisoire de séjour en vue de présenter une nouvelle demande d'asile au motif que celle-ci constituait un recours abusif aux procédures d'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté, le 29 avril 2005, la seconde demande d'asile de M. X, précisant notamment qu'elle avait, par rapport à la précédente, le même objet et n'avait pas de cause juridique distincte ; qu'il résulte des dispositions précitées que M. X ne bénéficiait plus, depuis la notification de la dernière décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, du droit de se maintenir en France ; que, par suite, et alors même que la Commission des recours des réfugiés n'avait pas encore statué sur l'appel formé par M. X contre cette décision, le préfet de la Seine-Maritime pouvait, par arrêté du 26 août 2005 et sans commettre d'erreur de droit, décider la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que si M. X soutient qu'il entretient une relation maritale certaine et durable, que sa concubine attendait un enfant issu de leur union qu'elle a malheureusement perdu en cours de grossesse et qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine, toute sa famille au Nigeria étant soit en fuite soit emprisonnée, les éléments qu'il fournit à l'appui de ses allégations sont insuffisants pour en établir le bien-fondé ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée et des conditions de séjour de M. X en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que M. X fait valoir qu'il souffre de palpitations cardiaques et que son état de santé nécessite qu'il bénéficie de soins réguliers en France dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences graves ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, que M. X ne pourrait faire l'objet d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Considérant que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de renvoi ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant que si M. X fait valoir que sa sécurité serait menacée en cas de retour au Nigeria, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, à qui la qualité de réfugié a d'ailleurs été refusée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du
24 février 2004, confirmée par la Commission de recours des réfugiés le 17 décembre 2004, ainsi que, par une nouvelle décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du
29 avril 2005, courrait des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ; que, par suite, les conclusions de M. X présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Surajudeen X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
N°05DA01257 2