Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2003, présentée pour M. Christian X, demeurant ..., par Me Dhalluin, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 98-2235 en date du 27 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1994 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'administration, qui n'a pas procédé à un contrôle sur pièces, ne lui a pas adressé d'avis de vérification avant de débuter l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que la notification de redressements du 28 septembre 1997 ne précisait pas le montant des droits, taxes et pénalités, en violation de l'article L. 48 du même livre ; que les dépenses engagées sur l'immeuble qu'il occupait, propriété d'une SCI dont la SA X est associée majoritaire, ont contribué à augmenter la valeur du bien, permettant à la SA, qui a ainsi agit dans son intérêt, une revalorisation de sa participation dans la SCI ; qu'il ne s'est pas enrichi personnellement ; que la SA X a déclaré un avantage en nature comptabilisé à son profit ; que les charges litigieuses ont bénéficié à la seule SCI, personne morale propriétaire du bien ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, dès lors que M. X n'a pas fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, le service n'était pas tenu de lui adresser un avis de vérification ; qu'en l'absence d'un tel examen, le service n'était pas tenu d'indiquer dans la notification de redressements le montant des droits, taxes et pénalités résultant du redressement ; que les revenus de capitaux mobiliers ne peuvent faire l'objet d'une vérification de comptabilité ; que la déduction du coût des travaux litigieux par la société X de son résultat imposable de 1994 constituait un acte anormal de gestion, dès lors qu'elle n'était ni propriétaire ni utilisatrice des locaux utilisés par M. X comme résidence principale ; qu'en l'absence de contrepartie pour la société, l'administration est réputée apporter la preuve du défaut d'intérêt pour l'entreprise de la dépense ; que la déclaration d'un avantage en nature procuré par la mise à disposition gracieuse de ce logement n'a pas d'incidence sur la normalité des dépenses supportées par la société X ; que, dès lors que M. X disposait de la maîtrise de l'affaire en tant que seul actionnaire de la SA X, dont il est président du conseil d'administration, laquelle est actionnaire majoritaire de la SCI X, le reste des parts appartenant également à l'intéressé par l'intermédiaire de la société X Développement, l'administration apporte la preuve que les sommes distribuées ont été appréhendées par le requérant ; que si les dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts ne pouvaient s'appliquer, l'imposition devrait être fondée, par voie de substitution de base légale, sur l'article 111 e dudit code, qui considère comme des revenus distribués les dépenses et charges dont la déduction est interdite en vertu de l'article 39-4 1er alinéa du même code ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er décembre 2003, présenté pour
M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que, dans la mesure où il déclare un avantage en nature au titre du logement mis à sa disposition, les travaux réalisés devaient se traduire par une augmentation de cet avantage, l'article 109-1-1° du code général des impôts ne pouvant fonder le redressement, ce qui constitue un défaut de motivation ; qu'en vertu de la documentation administrative
4 J 1121 n° 15 du 1er novembre 1995, la présomption de distribution édictée par l'article
109-1-1° du code général des impôts est opposable aux sociétés mais pas aux associés ; que l'administration n'a pas motivé l'application de cet article, faute d'apporter la preuve d'un enrichissement direct ; que cette absence de preuve de l'appréhension prive de motivation les redressements ; que la demande de substitution de base légale n'est pas suffisamment précise ; que, compte tenu de son illégalité, l'article 111 e du code général des impôts ne peut fonder l'imposition ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 15 juin 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et
M. Platillero, conseiller :
- le rapport de M. Platillero, conseiller ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu... A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre : Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ... ; qu'aux termes de l'article L. 48 dudit livre : A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57 le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements ... ; qu'aux termes dudit article L. 57, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a notifié à
M. X le 29 septembre 1997, suite à un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, le rattachement à son revenu global du coût de travaux d'entretien et de réparation effectués sur le logement qu'il occupe, pris en charge par la société anonyme X et réintégré dans les résultats de cette société suite à une vérification de comptabilité ; que le service n'a notamment procédé à aucun contrôle de cohérence entre les revenus déclarés et la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie de M. X, qui n'a ainsi pas fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ; que, par suite, l'administration n'était pas tenue d'adresser au requérant l'avis de vérification prévu par l'article L. 47 précité du livre des procédures fiscales, ni de lui indiquer dans la notification de redressements le montant des droits, taxes et pénalités résultant des redressements, en application de l'article L. 48 du même livre ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que cette notification de redressements ne serait pas motivée manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;
Considérant que la société anonyme X, dont l'unique actionnaire était
l'EURL Y, ultérieurement dénommée société X Développement,
elle-même détenue en totalité par M. X, a pris à bail auprès de la SCI X, dont la SA X était l'actionnaire majoritaire et M. X l'actionnaire minoritaire par l'intermédiaire de l'EURL Y, un immeuble à usage d'habitation que M. X occupait en tant que résidence principale ; que la SA X a déduit en 1994 de son résultat imposable le coût de travaux exécutés sur cet immeuble ; que ces dépenses ont été engagées sur un immeuble dont cette société n'était ni propriétaire ni utilisatrice et n'ont pas eu pour objet de procurer aux locaux un aménagement à des fins professionnelles au profit de la société ; que si M. X soutient qu'en tant qu'associée majoritaire de la SCI X, la SA X a revalorisé sa participation dans la SCI par la prise en charge des travaux litigieux, qui ont contribué à augmenter la valeur du bien, les dépenses correspondantes n'étaient pas déductibles par la SA X, faute de constituer pour celle-ci des charges de nature à minorer son actif ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a disposé de la totale maîtrise de l'affaire dans la mesure où, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, il contrôlait directement ou indirectement aussi bien la SA X que la SCI X ; qu'il est constant que le bien sur lequel ont été exécutés les travaux litigieux faisait l'objet d'une occupation privative par le requérant, en tant que résidence principale ; que l'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve que les dépenses réintégrées au titre des travaux susévoqués dans le résultat imposable de la SA X ont bénéficié à M. X, qui, malgré l'existence de sociétés par l'intermédiaire desquelles lui sont parvenus les revenus correspondants, a appréhendé de tels revenus, dès lors qu'il avait seul vocation à retirer un profit des travaux exécutés sur l'immeuble qu'il occupait ; que la circonstance que l'avantage en nature procuré par la mise à disposition gracieuse du logement a été déclaré est sans incidence sur la qualification de revenus distribués, au sens de l'article 109-1-1° précité du code général des impôts, des travaux pris en charge par la société au profit de M. X, la circonstance que celui-ci n'était pas propriétaire du bien et n'aurait pas enrichi son patrimoine étant sans incidence sur l'appréhension effective des sommes litigieuses ;
Considérant que M. X se prévaut de la doctrine administrative 4 J 1121
n° 15 du 1er novembre 1995, selon laquelle, dès lors que la présomption de distribution édictée par l'article 109-1-1° du code général des impôts n'est pas opposable aux associés, la charge de la preuve du bien-fondé de l'imposition et de la mise à disposition effective des sommes pèse sur l'administration ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration ne s'est pas bornée à poser une présomption de distribution mais doit être regardée comme établissant la réalité de la distribution et de l'appréhension ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à se prévaloir de la doctrine qu'il invoque ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1994 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
N°03DA00658 2