Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2003 par télécopie, et le 20 mars 2003 en son original, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE, sis Tour Pascal A, 6 place des Degrés à Paris-La Défense (92045), par la SCP Ancel et Couturier-Heller ; l'établissement public demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-00467, 02-00756 et 02-00835 du 30 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions en dates du 27 janvier 2000, du 28 septembre 2000 et du 15 mars 2001, par lesquelles son conseil d'administration avait décidé de la fermeture de trois sections de ligne ferroviaire ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports devant le Tribunal administratif de Rouen ;
3°) à titre subsidiaire, de transmettre le dossier au Conseil d'État pour avis ;
Il soutient que la cessation du trafic sur une ligne ferroviaire procède d'une décision ; qu'une décision non matérialisée est susceptible de recours ; que les décisions de fermeture de ligne prises par RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE ne constituent pas des suppressions de services aux usagers ; que de telles décisions n'ont pas à être précédées d'études d'impact ; que cette question de droit nouvelle se pose dans de nombreux litiges ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2003, présenté par la Fédération nationale des associations d'usagers de transports qui conclut au rejet de la requête, à la suppression de propos diffamatoires contenus dans la requête de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE, à la condamnation de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces propos et à la condamnation de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE à lui verser la somme de 700 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; l'association soutient qu'un arrêt de trafic est par nature une suspension de service aux usagers alors que la décision de fermeture constitue bien une suppression ; que l'absence de contrat de plan ou de service public n'exonère pas RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE des obligations relatives à cette suppression ; que différentes consultations de la région, du département et de certaines communes sont viciées ; qu'une erreur manifeste d'appréciation a été commise en ce qui concerne la section Serqueux-Arques ; qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 22 du décret du 5 mai 1997, le ministre chargé de la défense n'a pas été consulté préalablement à la décision ; que les conditions de transmission pour avis au Conseil d'Etat ne sont pas réunies ; que certains propos tenus par RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE sont outranciers et grossièrement contraires à la réalité ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 novembre 2003, présenté pour RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE qui persiste dans ses conclusions ; il soutient que c'est parce que l'arrêt du trafic a été décidé par la Société nationale des chemins de fer que la décision de fermeture peut intervenir ; que l'absence de contrat avec l'État l'exonère des études d'impact ; que l'irrégularité des consultations des collectivités territoriales est sans incidence ; que RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE n'a pas l'obligation de s'assurer de la légalité de la procédure interne menée par chacune des différentes collectivités sollicitées ; qu'aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise en ce qui concerne la section Serqueux-Arques ; que la consultation des ministres citée par l'association concerne le projet de retranchement ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré le 26 décembre 2003, présenté par la Fédération nationale des associations d'usagers de transports qui persiste dans ses conclusions ; l'association soutient que l'identification de la décision d'arrêt du trafic est impossible ; qu'un établissement ne peut supprimer un service aux usagers sans étude d'impact que si un contrat de plan ou de service public le prévoit ; que les vices affectant les consultations entraînent l'irrégularité de la décision ; que RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE admet le caractère diffamatoire de sa requête ;
Vu le mémoire, reçu par fax enregistré le 11 mars 2005 et son original en date du 14 mars 2005, présenté pour RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu la lettre en date du 3 mars 2005 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
Vu le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2005 à laquelle siégeaient M. Daël, président de la Cour, M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur, Mme X..., premier conseille et M. Le Garzic, conseiller :
- le rapport de M. Le Garzic, conseiller ;
- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité des décisions prises par le conseil d'administration de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE :
Considérant que, par les décisions en dates du 27 janvier 2000, du 28 septembre 2000 et du 15 mars 2001, le conseil d'administration de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE a fermé respectivement les sections de ligne, situées en Haute-Normandie, Dieppe-Saint-Pierre-le-Viger, Saint-Vaast-Bosville-Fécamp et Serqueux-Arques la Bataille ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 4 février 1995 dans sa rédaction alors en vigueur : « L'État établit (…) les objectifs d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers que doivent prendre en compte les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placés sous sa tutelle et chargés d'un service public. Les objectifs sont fixés dans les contrats de plan ou les cahiers des charges lorsqu'ils sont approuvés par décret de ces établissements ou organismes publics et entreprises nationales ou dans des contrats de service public conclus à cet effet. Ceux-ci précisent les conditions dans lesquelles l'État compense aux établissements, organismes et entreprises publics les charges qui résultent du présent article. / Toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers par les établissements, organismes et entreprises mentionnés à l'alinéa précédent doit, si elle n'est pas conforme aux objectifs fixés dans les contrats de plan ou de service public, être précédée d'une étude d'impact. (…) Les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placées sous la tutelle de l'État ou celles dont il est actionnaire et chargés d'un service public, et disposant d'un réseau en contact avec le public, dont la liste est fixée par le décret mentionné au dernier alinéa, qui n'ont pas conclu de contrat de plan, de contrat de service public ou qui ne disposent pas de cahier des charges approuvé par décret, établissent un plan au moins triennal global et intercommunal d'organisation de leurs services dans chaque département. (…) Toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers non conforme aux objectifs fixés dans le plan global, intercommunal et pluriannuel d'organisation mentionné à l'alinéa précédent fait l'objet d'une étude d'impact (…) » ;
Considérant qu'il est constant que RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE n'a conclu aucun contrat de plan ou contrat de service public et ne dispose davantage de cahier des charges approuvé par décret, lequel fixerait les objectifs d'aménagement du territoire et de services qu'il rend aux usagers et préciserait les conditions dans lesquelles l'État lui compense les charges en résultant ; qu'en outre, aucune liste établie par décret ne mentionne RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE parmi les établissements publics devant établir un plan au moins triennal global et intercommunal d'organisation de leurs services dans chaque département ; qu'il suit de là que les décisions de suppression de services aux usagers prises par RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE n'ont pas à être précédées d'une étude d'impact ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le conseil d'administration de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE n'avait pas procédé à une étude d'impact préalable aux décisions susmentionnées des 27 janvier 2000, 28 septembre 2000 et 15 mars 2001 pour annuler celles-ci ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la Fédération nationale des associations d'usagers de transports tant devant le tribunal administratif que devant elle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 du décret susvisé du 5 mai 1997 dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsque le trafic a cessé sur une ligne ou section de ligne du réseau, RFF peut, après consultation des régions concernées et de la SNCF, décider de fermer la ligne à tout trafic et procéder à la dépose de la voie sur cette ligne ou section de ligne. (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 4131-2 du code général des collectivité territoriales : « Le conseil régional par ses délibérations, le président du conseil régional par l'instruction des affaires et l'exécution des délibérations (…) concourent à l'administration de la région » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les avis de la région Haute-Normandie, transmis à RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE selon les décisions par ou pour le président de son conseil régional, n'ont pas fait l'objet de délibérations de son conseil régional ; qu'ainsi, les décisions de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE, prises au vu de ces avis, sont intervenues à l'issue de procédures irrégulières ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions susmentionnées prises par son conseil d'administration ;
Sur les conclusions tendant à ce que le dossier soit transmis au Conseil d'État pour avis :
Considérant que la faculté de transmettre un dossier pour avis au Conseil d'État constitue un pouvoir propre du juge administratif ; qu'ainsi les conclusions de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE tendant à ce que la Cour mette en oeuvre cette procédure ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions relatives à la suppression de passages de la requête de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les passages de la requête de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE incriminés par la Fédération nationale des associations d'usagers de transports ne peuvent être regardés comme injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que dès lors, les conclusions tendant à leur suppression et à la réparation du préjudice qui en découlerait doivent être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de condamner RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE à verser à la Fédération nationale des associations d'usagers de transports une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Fédération nationale des associations d'usagers relatives à la suppression de passages de la requête de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE et à la réparation du préjudice qui en découlerait et aux frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE, à la Fédération nationale des associations d'usagers de transports et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Daël, président de la Cour,
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- Mme X..., première conseillère,
- M. Le Garzic, conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mars 2005.
Le rapporteur,
Signé : P. LE GARZIC
Le président de la Cour,
Signé : S. DAËL
Le greffier,
Signé : B. Y...
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. Y...
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N°03DA00283