Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. M'Barek X demeurant chez Mme Jocelyne Y ..., par
Me Falacho ; M. X demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0402825 en date du 23 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 décembre 2004 par lequel le préfet de la
Seine-Maritime a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le préfet a insuffisamment motivé son arrêté de reconduite à la frontière ; que, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de la manière d'agir de l'administration, la mesure de reconduite à la frontière a eu pour motif déterminant de faire obstacle à la célébration prochaine de son mariage et se trouve, par suite, entachée d'un détournement de procédure ; que la décision attaquée contrevient également aux dispositions de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté de reconduite à la frontière porte enfin une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date 27 janvier 2005 portant clôture de l'instruction au 5 mars 2005 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la délégation du président de la Cour en date du 3 janvier 2005 prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2005 à laquelle siégeait
M. Yeznikian, président délégué :
- les observations de Me Falacho pour M. X ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, né le 2 septembre 1976 à Tiznit (Maroc), de nationalité marocaine, est entré en France le 20 octobre 2000 muni de son passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'il s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 2° du I de l'article 22 de l'ordonnance du
2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'au cours de l'enquête diligentée le 8 décembre 2004 par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dieppe pour vérifier, en application de l'article 175-2 du code civil, la sincérité du projet de mariage de M. X avec une ressortissante française, l'intéressé s'est rendu le 20 décembre 2004 à la brigade de la sûreté urbaine de Dieppe où il avait été convoqué ; que parallèlement à la procédure d'enquête relative au projet de mariage, une enquête en flagrant délit pour séjour illégal a été engagée par la brigade de la sûreté urbaine de Dieppe ; que, sur instruction du substitut au procureur, la procédure pour séjour irrégulier a été poursuivie par les services de la police de l'air et des frontières de Rouen auxquels M. X a été également remis ; qu'il a alors été placé en garde à vue et s'est vu notifier, le 21 décembre 2004, à l'issue de sa garde à vue, un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière pris par le préfet de la Seine-Maritime et un arrêté le plaçant en rétention administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier que les services préfectoraux n'ignoraient pas l'existence du projet de mariage de M. X et qu'il pouvait revêtir un caractère frauduleux ; qu'en égard aux circonstances de l'espèce, notamment à la précipitation avec laquelle l'administration a agi, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant eu pour motif déterminant de prévenir le mariage de M. X avec Mme Y ; qu'il est, pour ce motif, entaché de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0402825 du 23 décembre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 21 décembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'Barek X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Lu en audience publique, le 17 mars 2005.
Le président délégué,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Guillaume VANDENBERGHE
N°05DA00086 2