Vu le recours, enregistré le 6 décembre 2000, présenté pour l'Etat, par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :
1') d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 961499 en date du 11 juillet 2000 du Tribunal administratif de Lille par lesquels ce Tribunal a réduit les bases de l'impôt supplémentaire sur le revenu assignées à M. et Mme X au titre des années 1989 et 1990 respectivement des sommes de 37 745,50 francs et de 7 646,73 francs et a déchargé les intéressés des droits et pénalités correspondant à cette réduction ;
2°) de décider que M. et Mme X seront rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1989 et 1990 à concurrence d'un montant de 21 442 francs en droits au titre de l'année 1989 et d'un montant de 4 214 francs et de 632 francs d'intérêts au titre de l'année 1990 ;
Il soutient qu'il résulte de la combinaison des textes applicables, et notamment des articles
41 F à 41 J de l'annexe II au code général des impôts, que le régime spécial prévu à l'article
156-II-1° ter du même code, qui est d'application stricte, autorise les propriétaires d'immeubles historiques, dont ils se réservent la jouissance, à déduire de leur revenu global tout ou partie des charges foncières qu'ils supportent, la déduction de la totalité de ces charges n'étant autorisée que lorsque le public est admis à visiter les lieux ou lorsqu'il s'agit de participations aux travaux de réparations ou d'entretien exécutés ou subventionnés par l'administration des affaires culturelles ; qu'en l'espèce, les travaux réalisés par les époux X sur le château Y, dont seules les façades et toitures, à l'exception du bâtiment accolé à la façade sud, ont été inscrites à l'Inventaire des monuments historiques par arrêté du 20 janvier 1983, n'entrent dans aucune de ces deux hypothèses ; qu'en effet, les travaux ont été effectués sur les douves situées au pourtour du château et sur le pont, qui ne sont pas inscrits à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, et n'étaient pas nécessaires à la conservation des parties inscrites, les douves étant éloignées des façades et le pont, qui ne jouxte pas l'immeuble, n'en constituant pas un chemin d'accès ; qu'il suit de là que les travaux ont visé des éléments distincts et dissociables et n'étaient pas nécessaires à la protection de l'ensemble architectural ; que, d'ailleurs, l'attestation de l'architecte du 6 décembre 1999 retenue par le Tribunal n'est pas probante pour être largement postérieure aux faits et ne pas émaner d'un architecte des bâtiments de France ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2001, présenté pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Durand ; M. et Mme X concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour, par la voie du recours incident, d'annuler l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Lille et d'ordonner la décharge des impositions contestées ;
Ils soutiennent :
- en premier lieu, que les travaux effectués sur les douves du château, y compris la stabilisation des berges par des plantations, étaient indispensables à la préservation des parties classées ; qu'en effet, et alors que le domaine est ouvert au public, il existe un lien évident entre l'entretien des douves et celui des parties classées, l'administration n'ayant pas pris la peine de visiter les locaux ; que l'attestation a été établie par un architecte après concertation avec son confrère des bâtiments de France ; que si le ministre se prévaut de ce que l'attestation est postérieure aux faits, cette attestation n'est que la transcription de constatations faites en 1988 ; qu'une expertise technique pourrait confirmer ces faits ;
- en second lieu, que c'est à tort que l'administration a prétendu que la propriété n'était pas ouverte au public, cette ouverture résultant d'une attestation du maire et des extraits du livre d'or servi par les visiteurs ; que toutes les pièces justifiant la déductibilité des dépenses ont été fournies ;
Vu, enregistré le 12 février 2004, le mémoire présenté pour l'Etat, par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, concluant aux mêmes fins que sa requête et au rejet de l'appel incident formé par les époux X ; le ministre soutient en outre :
- que s'agissant du lien entre les douves et les parties classées, celui-ci est seulement affirmé et nullement démontré ; qu'alors que l'architecte indiquait qu'il avait été convenu de pas commencer les travaux de réparation du château avant la réparation des abords, ces derniers ont néanmoins été exécutés en dernier ;
- que le libre accès au château n'équivaut pas à l'ouverture au public du château lui-même, la législation fiscale, définie aux articles 17 ter et 17 quater de l'annexe IV au code général des impôts, exigeant le récépissé de la déclaration faite par le propriétaire des conditions d'ouverture de son immeuble au délégué régional du tourisme ; que les époux X ne produisent pas les récépissés des déclarations tant au titre des années en cause qu'au titre des années suivantes ; que l'attestation produite et les mentions du livre d'or ne sauraient se substituer à ces documents ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et
M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 1º ter. Dans les conditions fixées par décret, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire (...) ; qu'aux termes de l'article 41 E de l'annexe III au code général des impôts : Dans la mesure où elles ne sont pas déduites des revenus visés à l'article 29, deuxième alinéa, du code général des impôts, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire et dont le propriétaire se réserve la jouissance peuvent être admises en déduction du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu dans les conditions et limites définies aux articles 41 F à 41 I ; qu'aux termes de l'article
41 F de l'annexe III au même code : I. Les charges visées à l'article 41 E comprennent tout ou partie des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à d du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts. Ces charges sont déductibles pour leur montant total si le public est admis à visiter l'immeuble et pour 50 % de leur montant dans le cas contraire. ; qu'aux termes de l'article 17 ter de l'annexe IV du même code : Sont réputés ouverts à la visite au sens de l'article 41 I de l'annexe III au code général des impôts les immeubles que le public est admis à visiter au moins : soit cinquante jours par an dont vingt-cinq jours fériés au cours des mois d'avril à septembre inclus ; soit quarante jours pendant les mois de juillet août et septembre. ; qu'enfin, aux termes de l'article 17 quater : Le propriétaire est tenu de déclarer avant le 1er février de chaque année les conditions d'ouverture de son immeuble au délégué régional du tourisme. Il en assurera la diffusion au public par tous moyens appropriés. ;
Sur l'appel principal du ministre :
Considérant que le ministre demande l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Lille réduisant les bases d'imposition de M. et Mme X, propriétaires du château Y, à l'impôt sur le revenu au titre des années 1988 et 1989 des sommes de 37 745,50 francs et de 7 646,73 francs et déchargeant les intéressés des droits et pénalités correspondant à cette réduction, en soutenant que c'est à tort que le Tribunal a considéré que les dépenses relatives aux travaux de réfection des douves et du pont qui les enjambe, qui ne portent pas sur les parties de l'immeuble inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, étaient déductibles en application des dispositions précitées ;
Considérant que n'ont été inscrits, par arrêté du ministre de la culture du 20 janvier 1983, à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques que les façades et les toitures du château, à l'exception du bâtiment accolé à la façade sud ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de réfection du pont qui enjambe les douves entourant le château, qui portent ainsi sur une partie non inscrite, étaient nécessaires à la conservation des parties inscrites ; qu'ils ne pouvaient donc bénéficier du régime de déduction fiscale prévu aux articles susmentionnés ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a réduit les bases d'imposition de
M. et Mme X au titre de l'année 1989 de la somme de 3 165 francs, somme qui correspond à 50 % du coût des travaux effectués sur le pont ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'une attestation établie par M. Z, architecte, dont les premiers juges ont pu à bon droit retenir les mentions alors même qu'elle avait été rédigée postérieurement aux années d'imposition en litige, que si les travaux effectués sur les douves situées au pourtour du château ont affecté des parties de l'édifice non inscrites, ces travaux étaient, dans les circonstances de l'espèce, nécessaires à la conservation des parties inscrites dès lors que l'affaissement des berges sur les douves rendaient le château, dont l'une des façades n'est, selon les mentions mêmes de la requête d'appel du ministre, distante des douves qu'à raison de 8 mètres, vulnérable aux crues de l'Yser ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a considéré que les dépenses relatives à ces travaux pouvaient bénéficier du régime de déduction fiscale prévu aux articles susmentionnés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est fondé dans son appel que dans la mesure où la base de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1989 de M. et Mme X a été réduite de plus de 4 481,73 francs, soit 683,24 euros ;
Sur l'appel incident de M. et Mme X :
Considérant, en premier lieu, qu'en produisant une attestation du maire de la commune de A selon laquelle le château Y serait ouvert au public depuis le 1er janvier 1988 365 jours par an et des extraits du livre d'or du château servi par ses visiteurs, M. et Mme X, qui, d'ailleurs, n'établissent pas, ni même n'allèguent, avoir déclaré les conditions d'ouverture de leur immeuble au délégué régional du tourisme en application de l'article 17 quater précité de l'annexe IV du code général des impôts, n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, que l'immeuble a été, en 1988 et 1989, ouvert au public dans les conditions prévues par l'article 17 ter de l'annexe IV au même code ;
Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à faire valoir qu'ils ont justifié de la réalité et de la déductibilité de l'ensemble des dépenses dont ils demandaient la déduction,
M. et Mme X n'établissent pas qu'en rejetant, d'une part, les charges relatives à un emprunt, au motif que leur paiement n'était pas justifié, d'autre part, les frais de main-d'oeuvre, au motif qu'il n'était pas établi que ces frais avaient été engagés pour la conservation des parties inscrites de l'immeuble, le Tribunal aurait commis une erreur de fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés dans leur appel incident, lequel doit par suite être rejeté ;
DÉCIDE :
Article 1er : La réduction de la base de l'impôt supplémentaire sur le revenu assignée à
M. et Mme X au titre de l'année 1989, prononcée par l'article 1er du jugement n° 961499 lu le 11 juillet 2000 du Tribunal administratif de Lille, est ramenée à la somme de 4 481,73 francs, soit 683,24 euros.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 961499 lu le 11 juillet 2000 du Tribunal administratif de Lille sont réformés à en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et le recours incident de M. et Mme X sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme X.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er février 2005.
Le rapporteur,
Signé : C. SIGNERIN-ICRE
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
G. VANDENBERGHE
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N°00DA01345