Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Marc X, demeurant ..., par Me Chaillet ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 0101435 du 23 septembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable des conséquences dommageables de la suppression de l'accès à un terrain leur appartenant à Loison-sous-Lens (Pas-de-Calais), suite à des modifications dans le profil de la route nationale 17 et à l'implantation d'un carrefour giratoire et condamné, en conséquence, à leur verser une somme de
26 008,92 euros à titre de réparation de l'ensemble des préjudices subis, ainsi qu'une somme de
1 524,49 euros au titre des frais exposés et non-compris dans les dépens ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme demandée à titre de réparation de leurs préjudices ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que le Tribunal administratif de Lille s'est livré à une interprétation erronée des faits de l'espèce ; qu'ils ne sont, en effet, absolument pas restés inactifs pendant les deux années qui ont suivi l'achèvement des travaux ; que le lien de causalité entre les dommages subis et les travaux de voirie réalisés sur l'ouvrage public routier est établi ; que ce dommage présente, en outre, un caractère anormal et spécial ; qu'il est justifié de la réalité du préjudice en résultant ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2004, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable comme tardive ; à titre subsidiaire au fond, que l'invocation des courriers adressés par les requérants notamment à la direction départementale de l'équipement est inopérante dès lors qu'il n'est pas contesté que ce service avait fait connaître son accord pour remédier à la situation par la mise en place d'un nouvel accès ; que le motif du jugement attaqué devra donc être confirmé ; que les prétentions indemnitaires des requérants reposent sur des faits inexacts et non imputables à l'Etat ; qu'à supposer établi le dommage allégué, il ne serait d'ailleurs ni anormal ni spécial ; que, s'il en était besoin, la preuve de l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct et caractérisé entre ledit dommage et l'ouvrage public n'est pas rapportée ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 décembre 2004, présenté pour M. et
Mme X ; ils concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que leur requête est recevable ; que la proposition faite par la direction départementale de l'équipement pour remédier à la situation était tardive et incomplète, celle-ci, d'une part, n'ayant été formulée qu'après la date à laquelle la société locataire du terrain leur avait signifié son congé et, d'autre part, n'englobant pas l'intégralité des travaux à réaliser pour mettre en oeuvre une solution de réfection satisfaisante, de sorte qu'elle était sans portée et ne pouvait être raisonnablement acceptée par eux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;
- les observations de Me Tricot, pour M. et Mme X et de Mme Y, représentant le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant qu'il ressort des éléments de l'instruction et notamment des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié à M. et Mme X le
4 octobre 2003 ; que la requête des intéressés, enregistrée au greffe de la Cour le 4 décembre 2003, a, par suite, été présentée dans le délai imparti pour faire appel dudit jugement, lequel expirait le
5 décembre 2003 à minuit ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée du caractère tardif de la requête ne peut qu'être rejetée ;
Au fond :
Considérant que M. et Mme X, propriétaires d'un terrain à Loison-sous-Lens, qu'ils avaient donné en location à la société anonyme Super Market Caravanes Autos Béthune , laquelle y exerçait l'activité de concessionnaire en caravanes et camping-cars, demandent réparation à l'Etat des préjudices que leur a causé la suppression de l'accès à ce terrain du fait des travaux réalisés à compter du mois d'août 1998 sur la route nationale 17, leur locataire ayant cessé de régler ses loyers compte tenu de l'impossibilité d'exploiter le terrain ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les travaux dont il s'agit ont eu pour effet de rehausser de cinquante centimètres la bordure de la chaussée située au droit de la grille d'entrée audit terrain ; que ce rehaussement a rendu impossible, ou, à tout le moins, particulièrement difficile l'accès à ce terrain, créant ainsi des gènes constitutives d'un préjudice anormal et spécial ; que les requérants sont, par suite, fondés à demander réparation à l'Etat des préjudices certains et directs que leur a causé les travaux précités en portant atteinte à cette possibilité d'accès à leur terrain ;
Considérant, en second lieu, que si les requérants chiffrent leur préjudice à une somme égale au montant des loyers qu'ils n'ont pas perçus de leur locataire entre le 1er octobre 1998 et le 31 juillet 2000, il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que la société anonyme Super Market Caravanes Autos Béthune n'ayant fait état auprès de l'agence immobilière, entre les mains de laquelle les époux X avaient remis la gestion de leur bien, des difficultés qu'elle rencontrait que le 5 janvier 1999, les requérants n'ont saisi les autorités compétentes de l'Etat qu'au cours de l'année 1999, d'autre part, que l'ingénieur subdivisionnaire territorialement compétent de la direction départementale de l'équipement du Nord leur a fait savoir, dès un courrier du 2 décembre 1999, son accord pour étudier avec eux la réalisation d'un nouvel accès au terrain leur appartenant, enfin, qu'au cours d'une réunion tenue sur les lieux le 28 mars 2000, le représentant de ce même service a informé les requérants, en la personne de leur conseil, de ce que l'Etat prendrait en charge la réalisation de cet accès ; qu'il est constant que M. et Mme X n'ont donné aucune suite à cette proposition réitérée, en dernier lieu, par un courrier adressé le 3 mai 2000, auquel était annexé un plan présentant l'implantation envisagée et qui sollicitait clairement l'accord des intéressés sur un projet précis ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que le préjudice dont les requérants font état leur est partiellement imputable ; qu'il sera fait, par suite, une juste appréciation du préjudice dont ils sont fondés à demander réparation à l'Etat, en l'évaluant à la somme de
2 278 euros ; qu'il n'y a pas lieu d'y inclure la taxe foncière à laquelle les requérants ont été assujettis à raison du terrain en cause et dont ceux-ci demeurent, indépendamment des stipulations du bail, lesquelles ne sont pas opposables à l'Etat, les seuls redevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X une somme de 750 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°0101435 en date du 23 septembre 2003 du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 2 278 euros à titre de réparation de leur préjudice.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 750 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Marc X et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Soyez, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 janvier 2005.
Le rapporteur,
Signé : C. SIGNERIN-ICRE
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
M.T. LEVEQUE
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N°03DA01255