Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Y, élisant domicile ... et
M. et Mme X... Z, élisant domicile ..., par
Me Y... ; Mme Y et M. et Mme Z demandent à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 0005728 du 13 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du Nord en date du 18 septembre 2000 statuant sur la réclamation de
M. Z relative aux opérations de remembrement rural mises en oeuvre sur le territoire de la commune de Steenwerck ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
Ils soutiennent que la commission départementale d'aménagement foncier du Nord siégeait, lorsqu'elle a pris la décision contestée, dans une composition irrégulière ; qu'au fond, la commission n'a pas tenu compte des difficultés d'exploitation créées par les opérations de remembrement litigieuses ; qu'en outre, la règle d'équivalence a été méconnue ;
Vu le jugement et la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2004, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; il conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de Mme Y et de M. et Mme Z à lui
verser une somme de 1 094 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la demande de première instance, en tant qu'elle était présentée devant tant par
M. et Mme Z que par Mme Y, était irrecevable ; que la commission départementale d'aménagement foncier du Nord était régulièrement composée lorsqu'elle a de nouveau examiné la situation des propriétés de Mme Y à l'égard des opérations de remembrement ; que les difficultés d'exploitation alléguées, qui doivent d'ailleurs s'apprécier non parcelle par parcelle mais quant à l'ensemble des biens de l'apporteur, ne sont pas établies ; qu'enfin, le compte de propriété concerné de Mme Y s'avère équilibré, la règle d'équivalence n'ayant aucunement été méconnue ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 septembre 2004, présenté pour Mme
Y et M. et Mme Z ; ils concluent aux mêmes fins que leur requête ; ils soutiennent que leur action est recevable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2004 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Gipoulon, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision attaquée et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de
non-recevoir opposées par le ministre :
En ce qui concerne la légalité externe de ladite décision :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-10 alors applicable du code rural : La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet devant la juridiction administrative. En cas d'annulation par cette juridiction d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive. ; qu'il ne résulte ni de ce texte, ni d'aucune autre disposition applicable en l'espèce que la commission départementale d'aménagement foncier, lorsqu'elle examine à nouveau, après l'annulation par le juge administratif d'une précédente décision, la réclamation formée par un propriétaire concerné par les opérations de remembrement, siège dans la même composition que lors de la séance au cours de laquelle elle a pris la décision annulée ; que, par suite, le moyen présenté par Mme Y et M. et Mme Z, tenant à ce que la décision contestée en date du 18 septembre 2000, laquelle faisait suite à l'annulation, devenue définitive, par le juge de l'excès de pouvoir, d'une précédente décision en date du 11 septembre 1995, aurait été prise par une commission départementale d'aménagement foncier siégeant dans une composition irrégulière, ne peut qu'être rejeté ;
En ce qui concerne la légalité interne de ladite décision :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 alors applicable du code rural : Le remembrement, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre. Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire. ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la configuration, la situation et les conditions d'accès de l'ensemble des parcelles attribuées à Mme Y occasionneraient à M. Z, qui les met en valeur, une aggravation de ses conditions d'exploitation par rapport à celles que lui procurait l'ancien parcellaire ; qu'en outre, la circonstance qu'une partie de la parcelle ZL 18 serait impropre à la culture légumière, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que la valeur de productivité s'apprécie sans considération de la nature de culture envisagée ; qu'enfin, M. Z ne saurait invoquer les difficultés qu'il rencontrerait dans l'exploitation des parcelles cadastrées ZW 34 et ZW 43, alors que ni lui-même, ni Mme Y n'en sont propriétaires ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-4 alors applicable du code rural : Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées ; que le respect de la règle d'équivalence posée par les dispositions précitées s'apprécie globalement, au vu de l'ensemble des apports et des attributions réalisés au sein de chaque compte de propriété concerné ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y a apporté un ensemble de terres composant son compte de propriété
n° 830, concerné par opérations de remembrement de la commune de Steenwerck, et correspondant à une surface de 19 ha 88 a 77 ca, pour une valeur de productivité de 198 673 points ; qu'elle a reçu en contrepartie des attributions couvrant une surface de 19 ha 76 a 90 ca affectée d'une valeur de productivité de 197 369 points ; que ledit compte étant, ainsi, équilibré, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commission départementale d'aménagement foncier du Nord aurait méconnu, dans sa décision, la règle d'équivalence ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner
Mme Y et M. et Mme Z à verser à l'Etat (ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales) la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Y et M. et Mme Z est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées au nom de l'Etat par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Y, à M. et Mme X... Z ainsi qu'au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2004, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Soyez, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2004.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : C. SIGNERIN-ICRE
Le président-rapporteur,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : G. VANDENBERGHE
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N°03DA00499