Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la commune de Bambecque (59470), par la S.C.P. Thienpoent-Dewees-Robert, avocats associés ; la commune demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9803398 en date du 10 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du maire du 4 août 1998 réglementant le circulation des véhicules sur la voie communale n° 301 et le chemin rural n° 3 ;
2°) de condamner M. X à lui payer la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ; que le maire a pu se fonder sur le code de la voirie routière pour prendre l'arrêté attaqué ; que celui-ci a été transmis à la sous-préfecture de Dunkerque le jour même ; que le chemin rural n° 3 est ouvert à la circulation publique ; que la décision du maire n'est pas entachée de détournement de pouvoir, nul complot n'existant à l'encontre de M. X ;
Vu le jugement attaqué ;
Code C Classement CNIJ : 135-02-02-04
135-02-02-05
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2003, présenté par M. X concluant au rejet de la requête ; il soutient qu'il fait l'objet d'un harcèlement par les élus locaux ; que le chemin rural n° 3 est une voie privée permettant l'accès à sa propriété ; que le maire s'oppose à la création d'une activité économique agricole ;
Vu le courrier en date du 5 février 2004, par lequel les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2004, présenté par M. X concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ; il soutient que le chemin qui dessert sa propriété n'est pas un chemin rural ; que le chemin rural n° 3 se situe, en fait, à l'opposé du village ; que le chemin en cause appartient aux agriculteurs propriétaires des parcelles riveraines et constitue une servitude de passage ; qu'il n'est pas ouvert au public ; que les dégradations de la chaussée alléguées par la commune ne sont pas établies ; que le maire a utilisé ses pouvoirs de police dans l'intention de lui nuire et de contrecarrer ses projets d'élevage ;
Vu, enregistré le 29 mars 2004, le mémoire présenté par M. X concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Bambecque à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ; il soutient que le maire n'était pas compétent pour prendre l'arrêté litigieux ; que cet arrêté n'est pas motivé ; que le maire n'établit pas la transmission à la sous-préfecture ; que les mesures prises l'ont été pour des motifs étrangers à la sécurité et à la tranquillité publiques ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités locales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2004 où siégeaient
M. Daël, président de la Cour, M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur, M. Quinette, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,
- les observations de Me Delerue, avocat, pour M. X,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté en date du 4 août 1998, le maire de la commune de Bambecque a interdit la circulation des poids-lourds de plus de vingt tonnes sur la voie communale n° 301 et de plus de dix tonnes sur le chemin rural n° 3 ; que l'article 3 dudit arrêté précise que l'interdiction de circuler entrera en vigueur dès la mise en place des panneaux, à
12 heures ce même jour ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article R. 141-3 du code de la voirie routière : Le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ;
Considérant que le maire peut, dans le cadre des pouvoirs de police de la conservation des voies communales qu'il tient des dispositions précitées, limiter de façon temporaire ou permanente le tonnage des véhicules qui empruntent ces voies dès lors que cette mesure est rendue nécessaire par les risques de dégradation de certaines portions de voie ; qu'il ressort des pièces du dossier que le passage de camions se rendant sur la parcelle appartenant à M. X pour y effectuer des travaux a endommagé la chaussée et les abords immédiats de la voie communale n° 301 ; que ces circonstances sont de nature à justifier que soit interdite sur cette voie la circulation des poids-lourds de plus de vingt tonnes ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural : Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : L'affectation à l'usage du public peut s'établir notamment par la destination du chemin, jointe soit au fait d'une circulation générale et continue, soit à des actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité communale ; que le chemin rural n° 3, dont il ressort des pièces du dossier, et notamment des extraits du cadastre, qu'il constitue la prolongation de la voie communale n° 301, est affecté à la circulation générale et a été entretenu périodiquement par la commune ; que si M. X soutient qu'il appartiendrait aux propriétaires des parcelles riveraines, il ne l'établit pas ; qu'il suit de là que ce chemin, qui n'a pas été classé comme voie communale, a la qualité de chemin rural au sens des dispositions précitées du code rural ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-5 du code rural dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ; que l'article R. 161-10, pris pour l'application du précédent, prévoit que le maire peut d'une manière temporaire ou permanente interdire l'usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution, notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée, desdits chemins ; que l'arrêté attaqué, motivé par les dispositions du code de la voirie routière, trouve son fondement légal dans les dispositions précitées du code rural en tant qu'il concerne le chemin rural n° 3 ; que le maire a pu légalement, en vertu des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions, interdire aux véhicules de plus de dix tonnes l'accès dudit chemin qui a connu des dégradations analogues à celles de la voie communale 301 ;
Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué ait été pris dans le seul but de contrecarrer les projets de M. X ; qu'ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bambecque, qui, devant les premiers juges, a été réputée acquiescer aux faits allégués par M. X pour n'avoir pas produit d'observations en défense, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, s'est fondé, pour annuler l'arrêté du maire en date du
4 août 1998, sur ce que cet arrêté était entaché de détournement de pouvoir et sur ce que le chemin rural n° 3 devait être regardé comme une voie privée échappant au pouvoir de police du maire ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Lille ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui a été pris en raison de travaux de nature à dégrader la chaussée , expose les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions du premier alinéa du I de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982, aujourd'hui codifié à l'article L. 21-31-1 du code général des collectivités territoriales, que les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ; que ces dispositions font obstacle à ce que la date d'entrée en vigueur fixée par un acte soumis à l'obligation de transmission puisse être antérieure à la date à laquelle il est procédé à sa transmission au préfet ou à son délégué ; que, dès lors, l'article 3 de l'arrêté attaqué est illégal et doit être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner M. X à payer à la commune de Bambecque la somme de 1 000 euros au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; que la commune n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, elle ne saurait être condamnée à verser à M. X la somme qu'il demande au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 10 mai 2001 du tribunal administratif de Lille et l'article 3 de l'arrêté en date du 4 août 1998 du maire de la commune de Bambecque sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de M. Bernard X est rejeté.
Article 3 : M. Bernard X versera à la commune de Bambecque la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bambecque, à M. Bernard X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 1er avril 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 15 avril 2004.
Le rapporteur
Signé : M. Merlin-Desmartis
Le président de la Cour
Signé : S. Daël
Le greffier
Signé : B. Robert
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Bénédicte Robert
N°01DA00705 2