Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le
24 décembre 1999, présentée par la société anonyme Samu Auchan dont le siège est ... à Villeneuve d'Ascq (59650) ; la société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 94-3389 du 28 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa réclamation, soumise d'office par le directeur régional des impôts chargé de la direction des vérifications nationales et internationales, tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
Elle soutient que la notification de redressement du 9 novembre 1989 n'a pas été adressée au siège social de la requérante et il n'est pas prouvé par l'administration que l'avis de réception aurait été signé par une personne ayant cette qualité ; qu'ainsi cette notification irrégulière n'a pas pu avoir d'effet interruptif ; que la société n'a pas été informée sur l'exercice du droit de communication auprès des responsables du fonds ; que l'administration n'a pas indiqué la nature
des documents obtenus, ni leurs sources, ni les tiers interrogés alors que, pour établir les impositions elle s'est fondée sur le fonctionnement du fonds commun de placement diversification internationale ; que cette irrégularité de caractère substantiel de la procédure d'imposition implique, en vertu de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, la décharge des droits, intérêts de retard, et le cas échéant, des majorations contestées ; que la notification du
Code C Classement CNIJ : 19-01-03-01-02-03
6 novembre 1989, uniquement fondée par référence au paragraphe 78 de l'instruction du 13 janvier 1983 est insuffisamment motivée ; qu'elle ne comporte aucune précision au sujet de la variation du nombre des parts du fonds commun de placement ; que, dans ces conditions, elle n'a pu interrompre la prescription ; que la première substitution de base légale opérée d'office par la notification du 6 décembre 1990 est irrégulière et, par suite, fait obstacle à la seconde substitution de base légale ultérieurement demandée au juge ; que l'invocabilité de la mesure d'assouplissement prévue par l'instruction du 13 janvier 1983 est conditionnée, selon l'administration, par les dispositions de son paragraphe 100 ; que la requérante peut prétendre au bénéfice de la garantie de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en opposant à l'administration les limites de son information sur le fonctionnement du fonds et la régularité de ce fonctionnement au regard des contrôles dont elle a fait l'objet, en vertu de la loi ; qu'elle peut opposer à l'administration à la fois le mandat de gestion légalement confié au gérant et au dépositaire, la responsabilité exclusive de ceux-ci en cas de fonctionnement irrégulier du fonds et l'affirmation de régularité, résultant de l'absence de critiques du commissaire aux comptes et de la C.O.B., pour que soient justement reconnues les limites du paragraphe 100 de l'instruction à son égard et sa protection par la garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que les liens existant entre le gérant et le dépositaire n'ont rien de contraire à la loi du 17 juillet 1979 ; que le motif selon lequel les frais et commissions payés par les souscripteurs du fonds se sont élevés, outre le paiement d'un droit d'entrée, à 36 % du montant des souscriptions et 604 % du montant des rachats manque en droit comme en fait ; que l'administration n'apporte aucun commencement de preuve sur ce point et la société ne dispose pas d'élément pour contester utilement les allégations du service ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les constatations relevées par l'administration permettent d'établir que les conditions de fonctionnement du fonds commun de placement diversification internationale n'étaient pas conformes au dispositif légal et réglementaire propre aux fonds communs de placement ; qu'il en est ainsi en ce qui concerne les liens qui unissent le gérant et le dépositaire, l'absence de souscription de parts à tout moment, la transgression de l'interdiction de publicité ou de démarchage, le versement de commissions excédant le montant maximum prévu par les textes, la distribution d'acompte excédant les revenus nets encaissés ; que l'administration qui avait appliqué initialement les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales entend se prévaloir, par voie de substitution de base légale, du défaut d'invocabilité, sur le fondement de l'article L. 80 A du même livre, de l'atténuation revendiquée, les conditions expresses dont elle était assortie n'étant pas remplies ; qu'il appartient au contribuable d'établir qu'il remplit personnellement en fait les conditions mises à l'application de la doctrine ; que la société Samu Auchan n'apporte pas cette preuve ; qu'ainsi seules les dispositions légales pouvaient être appliquées en la circonstance ; qu'en l'espèce, contrairement à ce que prévoit l'article 199 ter A du code général des impôts, le droit à imputation a excédé celui auquel la requérante aurait pu prétendre si elle avait perçu directement sa quote-part des produits encaissés par le fonds diversification internationale ; que l'adresse à laquelle a été expédiée la notification du
9 novembre 1989 correspond à l'un des établissements de la requérante ; que cette dernière a produit le 7 décembre suivant des observations très précises en réponse à cette notification ; que celle-ci a valablement interrompu le délai de prescription ; que l'administration a respecté la portée de l'obligation qui lui est faite d'indiquer, dans la notification de redressement, la teneur des renseignements qu'elle a recueillis par l'usage de son droit de communication auprès des tiers ; que la notification du 9 novembre 1989 est suffisamment motivée et a valablement interrompu le délai de reprise ; que la notification du 6 décembre 1990 a eu pour objet de substituer au motif notifié le 9 novembre 1989 suivant la procédure contradictoire de redressement, celui de l'abus de droit notifié suivant la procédure du même nom ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 83-357 du 2 mai 1983 ;
Vu l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2004 où siégeaient
M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces portant sur l'exercice clos le
31 décembre 1986, le service des impôts a refusé à la société Usines Samu Auchan, devenue Samu Auchan, l'imputation effectuée par elle sur son impôt sur les sociétés des crédits d'impôt afférents aux dividendes distribués à cette société le 14 octobre 1986 par le fonds commun de placement diversification internationale ; que la société Samu Auchan a contesté ce redressement en invoquant l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 ; qu'elle fait appel du jugement en date du 28 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa réclamation tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;
Considérant, d'une part, que la notification de redressement en date du 9 novembre 1989 a été adressée à la société Samu Obligations, ... alors que l'adresse du siège social de la société contribuable était ... à Villeneuve d'Ascq ; que cette erreur d'adresse ne constitue pas une irrégularité, dès lors que, d'une part, la société requérante n'établit pas que l'avis de réception de ce document, en date du
16 novembre 1989, aurait été signé par une personne n'ayant pas qualité pour recevoir le pli et que, d'autre part, il est constant que l'adresse portée sur ladite notification correspond à
celle de l'un des établissements de la société contribuable et que cette dernière a produit le
7 décembre 1989 ses observations en réponse aux redressements ainsi notifiés ;
Considérant, d'autre part, que la même notification de redressement faisant connaître à la société la nature et le montant des impositions ainsi que leurs motifs, soit en l'espèce les modalités de calcul visées par le paragraphe 78 de l'instruction du 13 janvier 1983, est suffisamment motivée pour permettre au contribuable de contester le redressement comme il l'a d'ailleurs fait ainsi qu'il vient d'être dit ; qu'ainsi, elle a valablement interrompu le délai de reprise qui expirait le 31 décembre 1989 en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance que l'administration a adressé le 6 décembre 1990 une nouvelle notification de redressement informant la contribuable qu'elle entendait mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit définie à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, selon les modalités prévues par les articles R. 64-1 et R. 64-2 de ce livre, n'a pu effacer l'effet interruptif de la prescription attaché à la première notification de redressement laquelle, effectuée suivant la procédure contradictoire, n'avait pas à porter le visa de l'inspecteur principal ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a précisé et individualisé dans la notification de redressement en date du 6 décembre 1990, d'une part, les informations recueillies auprès du fonds commun de placement diversification internationale et, d'autre part, les informations recueillies auprès de la société requérante ; que ce faisant, il a précisé au contribuable l'origine et la teneur des renseignements recueillis auprès de ce fonds, le mettant en mesure d'obtenir la communication des éléments en cause avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'ainsi le contribuable a été suffisamment informé, quoique succinctement de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers et effectivement utilisés par l'administration, même si le vérificateur n'a pas expressément précisé dans la notification susmentionnée qu'il avait fait usage du droit de communication et n'a pas précisé les modalités suivant lesquelles il avait usé de son droit ; que, par suite, la société Samu Auchan n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense n'ont pas été respectés ;
Sur le principe de la substitution de base légale demandée par l'administration :
Considérant que l'administration, qui a établi l'imposition en litige dans le cadre de la répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales entend substituer à cette base légale celle prévue par les dispositions de l'article
199 ter A du code général des impôts, comme elle l'a mentionné dans ses observations enregistrées le 1er février 1999 devant le tribunal administratif ; que l'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit à tout moment de justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal qu'elle a compétence liée pour appliquer ; que, toutefois, cette substitution ne peut pas avoir pour effet, sauf à entraîner la décharge de l'imposition, de priver le contribuable des garanties attachées à ce nouveau fondement et dont il aurait pu bénéficier s'il avait été initialement retenu par l'administration ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Samu Auchan n'est privée d'aucune garantie du fait de cette substitution dès lors qu'elle a été destinataire d'une notification de redressements en date du 6 décembre 1990 qui est, contrairement à ce qu'elle soutient, suffisamment motivée comme l'est également la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée, que les droits de la défense, ainsi qu'il vient d'être dit, ont été respectés et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour examiner le litige qui tenait à l'imputabilité de crédits d'impôt ;
Sur l'imputabilité des crédits d'impôt :
Considérant qu'aux termes de l'article 199 ter A du code général des impôts : Les porteurs de parts d'un fonds commun de placement peuvent effectuer l'imputation de tout ou partie des crédits d'impôts et avoirs fiscaux attachés aux produits des actifs compris dans ce fonds. Pour chaque année, le gérant du fonds calcule la somme totale à l'imputation de laquelle les produits encaissés par le fonds donnent droit. Le droit à imputation par chaque porteur est déterminé en proportion de sa quote-part dans la répartition faite au titre de l'année considérée (...) Ce droit à imputation ne peut excéder celui auquel l'intéressé aurait pu prétendre s'il avait perçu directement sa quote-part des mêmes produits... ; que ce texte n'autorisait pas l'imputation des crédits d'impôt revendiqués par la société Samu Auchan à raison du dividende versé le 14 octobre 1986 par le fonds diversification internationale au titre des 24 170 parts qu'elle avait souscrites la veille de ce jour et revendues le lendemain ;
Considérant, toutefois, que la société requérante invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions des paragraphes 66 et 67 de l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 qui, à titre d'assouplissement , prévoient l'attribution aux parts supplémentaires créées entre la clôture de l'exercice et la date de mise en paiement des produits, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant que celui alloué aux parts existant à la clôture de l'exercice ; que ces dispositions formelles ne sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à l'application des dispositions précitées de l'article 199 ter A du code général des impôts que si l'ensemble des conditions posées par l'instruction sont remplies ; qu'aux termes du paragraphe 100 de cette instruction : L'application aux fonds communs de placement et à leurs membres des dispositions dérogatoires au droit commun dont ils peuvent bénéficier sur le plan fiscal, tant en matière de droits d'enregistrement que d'impôt sur les revenus, est subordonnée à la condition que ces organismes fonctionnent conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui les régissent et qu'ils respectent leur obligation ; qu'ainsi les dispositions de l'instruction du 13 janvier 1983 ne sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à l'application de l'article 199 ter A du code général des impôts que si l'ensemble des conditions posées par l'instruction sont remplies ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 2 mai 1983 fixant les conditions d'application de la loi susvisée du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement : Les acomptes éventuellement distribués en avance des produits des actifs de l'exercice ne peuvent excéder les revenus nets encaissés ; qu'il n'est pas contesté que le fonds diversification internationale a méconnu cette règle ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de se prononcer dans la présente instance sur les autres irrégularités de fonctionnement du fonds invoquées par l'administration, et notamment les liens existant entre les gérant et dépositaire du fonds ainsi que la méconnaissance des plafonds de commissions susceptibles d'être perçues à l'occasion de la souscription et du rachat des parts d'un fonds commun de placement, ce fonds n'a pas fonctionné dans les conditions de régularité auxquelles devait veiller son dépositaire en vertu de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1979 ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer l'instruction du 13 janvier 1983 ;
Considérant que la société Samu Auchan n'est pas fondée à soutenir que, n'ayant connaissance d'aucune observation émanant tant du commissaire aux comptes que de la commission des opérations de bourse, elle ne peut se voir opposer le non-respect des conditions de fonctionnement régulier du fonds commun de placement, dès lors que pour qu'un contribuable bénéficie des dispositions d'une instruction administrative, l'ensemble des conditions posées par celle-ci doit être rempli ;
Considérant, enfin, qu'à supposer que, comme elle le soutient, le gérant et le dépositaire du fonds portent seuls la responsabilité des irrégularités susmentionnées, cette circonstance ne serait pas de nature à permettre à la contribuable d'invoquer devant le juge de l'impôt le bénéfice d'une instruction dont les conditions d'application ne sont pas remplies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Samu Auchan n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa réclamation ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société anonyme Samu Auchan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Samu Auchan et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 23 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 6 avril 2004.
Le rapporteur
Signé : D. Brin
Le président de chambre
Signé : J.F. X...
Le greffier
Signé : G. Y...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume Y...
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N°99DA20394