Vu la requête, enregistrée le 18 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme Fermod dont le siège social est situé 3, avenue Eugène Gazeau à Senlis (60300), représentée par son directeur général en exercice, par Me Goldnadel, avocat ; la société Fermod demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9701167 - 9702325 du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 21 avril 1997 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser la société Fermod à licencier M. Gilbert X, membre titulaire du comité d'entreprise, et de la décision confirmative du 23 octobre 1997 du ministre de l'emploi et de la solidarité et, d'autre part, a condamné ladite société à payer à M. X une somme de 4 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ,
Elle soutient qu'aucune pièce du dossier n'établit que les agissements fautifs de M. X ont été commis avant le 18 mai 1995 et entrent dès lors dans le champ d'application de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ; que les faits commis revêtent une intention frauduleuse de l'intéressé ;
Code D
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2000, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité par lequel il conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient qu'il s'en rapporte aux écritures qu'il a produites en première instance et ajoute que la date de constatation des faits est précise mais non celle de leur commission ; que la décision confirmative du 23 octobre 1997 du ministre ne s'est dès lors pas fondée sur la loi d'amnistie ;
Vu le mémoire enregistré le 5 octobre 2000 présenté pour M. Gilbert X demeurant ... par Me Henry, avocat, par lequel il conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il ressort des pièces versées au dossier que les faits ont été commis antérieurement au 18 mai 1995 ; que ces derniers ne constituaient pas des manquements à la probité ;
Vu le mémoire enregistré le 30 octobre 2000 présenté pour la société Fermod par lequel elle conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle ajoute que les faits litigieux font l'objet de poursuites judiciaires pour vol ; que ces faits constituent un manquement à la probité et à l'honneur entrant dans les cas exclus de l'amnistie prévus par la loi ; que la rupture du contrat de travail est nécessaire à la bonne marche de l'entreprise ; que M. X a commis une faute grave de nature à justifier son licenciement ;
Vu le mémoire enregistré le 12 avril 2001 présenté pour M. X par lequel il conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; M. X ajoute qu'il a bénéficié d'un jugement du 24 novembre 2000 du tribunal de grande instance de Senlis le relaxant des poursuites pour vol engagées à son encontre par la société Fermod ;
Vu le mémoire enregistré le 28 mai 2001 pour la société Fermod par lequel elle conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle ajoute qu'elle a formé appel contre le jugement de relaxe susvisé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2003 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Baranès, conseiller :
- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Fermod, faisant grief à M. X, qui était membre titulaire du comité d'entreprise, d'avoir volé du matériel appartenant à l'entreprise, a demandé à l'inspecteur du travail, le 10 mars 1997, l'autorisation de licencier l'intéressé pour faute grave ; que, par une décision du 21 avril 1997, confirmée sur recours hiérarchique du 23 octobre 1997, l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder ladite autorisation au motif que les faits reprochés n'étaient pas établis ; que par le jugement du 30 juin 2000 dont la société Fermod fait appel, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé un non-lieu à statuer sur les demandes de la société au motif que les faits étaient amnistiés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi susvisée du 3 août 1995 : Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. Toutefois, si ces mêmes faits ont donné lieu à une condamnation pénale, l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie de la condamnation pénale. Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur... ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les divers matériels soustraits par M. X ont été trouvés en 1997 au domicile d'une de ses amies chez qui ils étaient entreposés depuis le début de l'année 1995 ; qu'il n'est pas établi que ces matériels étaient neufs ou, bien que neufs, susceptibles d'être commercialisés ; que l'emport par ses salariés de matériels destinés au rebut ou non commercialisables était une pratique admise par la société Fermod ; que si cette dernière soutient que seule une autorisation écrite permettait ce type d'emport, alors que M. X produit des attestations d'autres salariés selon lesquelles un accord verbal suffisait, elle ne l'établit pas ; que, par suite, les faits imputables à M. X dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils ont été commis antérieurement au 18 mai 1995 et qui ont motivé la demande adressée à l'inspecteur du travail en vue d'obtenir le licenciement pour faute grave de ce dernier ne constituent pas, dans les circonstances de l'espèce, des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ; que, ces faits, en application des dispositions précitées de la loi du 3 août 1995, sont donc amnistiés ; que, par suite, ils ne peuvent plus servir
de fondement à une autorisation de licenciement ; que, dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a décidé, au motif que les demandes de la société Fermod dirigées contre les décisions de refus d'autorisation de licencier M. X étaient devenues sans objet, le non-lieu à statuer sur les conclusions desdites demandes ;
Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de la perte de confiance alléguée est inopérant dès lors que la demande d'autorisation de licenciement était fondée sur les agissements fautifs du salarié ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Fermod est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fermod, à M. Gilbert X ainsi qu'au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 4 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 19 juin 2003.
Le rapporteur
Signé : D. Brin
Le président de chambre
Signé : M. de Segonzac
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Philippe Lequien
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N°00DA00966