La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2024 | FRANCE | N°24BX01501

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 05 décembre 2024, 24BX01501


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Idex Energie Antilles Guyane a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 2 843 123,84 euros au titre du règlement de factures non honorées, une somme de

259 109,74 euros au titre des

intérêts moratoires et une somme de 3 640 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Idex Energie Antilles Guyane a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 2 843 123,84 euros au titre du règlement de factures non honorées, une somme de

259 109,74 euros au titre des intérêts moratoires et une somme de 3 640 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ainsi qu'à procéder au paiement de ces sommes dans les quinze jours suivant l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2301158 du 3 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant en référé, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juin 2024 et le 8 octobre 2024, la société Idex Energie Antilles Guyane, représentée par Me Cordier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2301158 du 3 juin 2024 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant en référé, a rejeté sa demande ;

2°) statuant en référé, de condamner le CHU de la Guadeloupe à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 38 004,52 euros correspondant au règlement d'une facture non honorée, une somme de 225 614,28 euros au titre des intérêts moratoires et une somme de 3 640 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

3°) de mettre à la charge du CHU de la Guadeloupe une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le juge des référés du tribunal administratif, sa requête n'était pas irrecevable pour défaut de liaison du contentieux, la réduction de " l'étendue du litige " entre le mémoire en réclamation et la requête ne permettant pas de retenir une absence de demande préalable ; la réduction financière du litige serait en tout état de cause intervenue dès lors que le juge des référés aurait été amené à prononcer un non-lieu à statuer s'agissant du montant des factures déjà réglées ; les soixante-cinq factures encore dues dont le règlement était demandé à titre provisionnel étaient toutes mentionnées dans le mémoire en réclamation adressé au CHU de la Guadeloupe et la même somme était réclamée au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ; par ailleurs, le montant de chacune des factures impayées a été justifié ; le calcul du montant des intérêts moratoires a été effectué ;

- compte tenu du règlement intervenu de plusieurs factures, il ne reste qu'une seule facture due par le CHU de la Guadeloupe, sur les quatre-vingt onze impayées initialement et ayant fait l'objet du mémoire en réclamation, en contrepartie de prestations exécutées dans le cadre de quatre marchés de travaux ; cette facture restant à régler est d'un montant de

38 004,52 euros ; sa créance est à cet égard non sérieusement contestable ; les arguments du CHU de la Guadeloupe sur le formalisme de la facture, du devis et relativement aux bons de livraison sont inopérants dès lors qu'ils n'étaient pas prévus par les stipulations contractuelles ; la facture non réglée se rattache à l'exécution du marché de travaux 2020 - 0030 ;

- sa créance est également non sérieusement contestable pour un montant de

225 614, 28 euros correspondant aux intérêts moratoires calculés par application des articles L.2192-13, R. 2192-12 et R. 2192-13 du code de la commande publique ;

- sa créance est enfin non sérieusement contestable pour un montant de 3 640 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de quatre-vingt onze factures, le montant unitaire étant de 40 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2024, le CHU de la Guadeloupe, représenté par Me Cariou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir que :

- ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal administratif, la requête de la société était irrecevable faute de mémoire en réclamation ; l'irrecevabilité retenue ne résulte pas de ce que le montant réclamé dans la requête n'est pas identique à celui réclamé dans le mémoire en réclamation mais de ce que le courrier intitulé comme tel du 22 mai 2023 ne constitue pas un mémoire en réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de fournitures courantes et de services, approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009, tel que mentionné dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable, dont les stipulations sont reprises à l'article 46.2 du CCAG applicable aux marchés de fournitures courantes et de services, approuvé par l'arrêté du 30 mars 2021 ; un mémoire en réclamation doit notamment mentionner expressément les bases de calcul des sommes réclamées et tel n'est pas le cas du courrier de la société qui ne précise pas de manière exhaustive lesdites bases notamment s'agissant du calcul des intérêts sollicités ;

- la créance de la société est sérieusement contestable dans son principe et dans son montant ;

- la facture dont le paiement est réclamé ne permet pas de démontrer l'obligation dont la société se prévaut en raison du non-respect du formalisme des devis produits, de la violation des formes imposées pour les documents de livraison, du non-respect du formalisme des factures éditées et de la méconnaissance des délais de livraison prévus sur les bons de commande ;

- les factures produites ne peuvent pas être rattachées au marché litigieux.

Par une lettre du 3 septembre 2024, faisant suite à une demande en ce sens du CHU de la Guadeloupe du 7 août précédent, les parties ont été informées de ce qu'il apparaissait opportun de tenter, sur la base de l'article L. 213-7 du code de justice administrative, une médiation en vue de trouver une issue définitive à ce litige.

Par une lettre du 9 septembre 2024, la société Idex Energie Antilles Guyane a signifié son refus de cette médiation.

Le président de la cour a désigné Mme Karine Butéri, présidente, pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de plusieurs marchés conclus à partir de l'année 2018, la société Idex Energie Antilles Guyane a été chargée de la conduite, de l'exploitation et de la maintenance des installations techniques de ventilation, climatisation et production d'eau chaude sanitaire du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe. A ce titre, elle a réalisé divers travaux et prestations pour le paiement desquels elle a émis de nombreuses factures. En l'absence de paiement, cette société, par un courrier daté du 5 avril 2023 reçu le 13 avril suivant, a mis en demeure le CHU de la Guadeloupe de lui régler dans un délai de quinze jours les factures non payées, pour un montant total de 3 962 599,51 euros ainsi que les intérêts moratoires d'un montant de 80 302,34 euros et l'indemnité forfaitaire de recouvrement d'un montant de 3 680 euros. Cette mise en demeure étant restée sans effet, la société a adressé un mémoire en réclamation daté du 22 mai 2023, réceptionné par le CHU de la Guadeloupe le 2 juin 2023, qui indiquait que les sommes réclamées étaient égales à

3 960 599,27 euros au titre de l'indemnité principale, à 144 069,72 euros au titre des intérêts moratoires et à 3 680 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement. Les factures n'ayant été que partiellement réglées, la société Idex Energie Antilles Guyane a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le CHU de la Guadeloupe à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 2 843 123,84 euros au titre du règlement des factures non honorées, une somme de 259 109,74 euros au titre des intérêts moratoires et une somme de 3 640 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ainsi qu'à procéder au paiement de ces sommes dans les quinze jours suivant l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

2. Par une ordonnance du 3 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de la société Idex Energie Antilles Guyane comme étant irrecevable. Cette société relève appel de cette ordonnance et, dans le dernier état de ses écritures qui tiennent compte du règlement par le CHU de la Guadeloupe de la presque totalité des factures émises, demande au juge d'appel des référés de condamner cet établissement à lui verser, à titre provisionnel, une somme de 38 004, 52 euros au titre du règlement d'une facture encore non honorée, une somme de 225 614, 28 euros au titre des intérêts moratoires et une somme de 3 640 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et services (CCAG-FCS) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 janvier 2009 : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. ", ces stipulations ayant été reprises à l'article 46.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) dans sa version issue de l'arrêté du

30 mars 2021.

4. Lorsqu'intervient, au cours de l'exécution d'un marché, un différend entre le titulaire et l'acheteur résultant d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord, le titulaire doit présenter, dans un délai de trente jours, un mémoire de réclamation, à peine d'irrecevabilité de la saisine du juge du contrat. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de ces stipulations que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes.

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier daté du 5 avril 2023 reçu le 13 avril suivant, la société Idex Energie Antilles Guyane a mis en demeure le CHU de la Guadeloupe de lui régler, dans un délai de quinze jours, les factures non payées, pour un montant total de

3 962 599,51 euros correspondant à hauteur de 2 131 614,83 euros aux factures émises au titre du marché 2018-1036 et de ses avenants, à hauteur de 53 165 euros aux factures émises au titre du marché 97120-0010, à hauteur de 42 342,09 euros aux factures émises au titre du lot n° 2 du marché 97120-241, à hauteur de 1 695 472,83 euros aux factures émises au titre du lot n° 1 du marché 20216600000312 et à hauteur de 40 004,76 euros aux factures émises au titre du marché 2020-0030, ainsi que les intérêts moratoires d'un montant de 80 302,34 euros et l'indemnité forfaitaire de recouvrement d'un montant de 3 680 euros. En l'absence de règlement, la société a adressé un mémoire en réclamation daté du 22 mai 2023, réceptionné par le CHU de La Guadeloupe le 2 juin 2023, qui indiquait que les sommes réclamées s'élevaient, d'une part, à 3 960 599,27 euros correspondant à hauteur de 2 131 614,83 euros aux factures émises pour l'exécution du marché 2018-1036 et de ses avenants, à hauteur de 53 165, 00 euros aux factures émises au titre du marché 97120-0010, à hauteur de

42 342,09 euros aux factures émises au titre du marché 97120-241, à hauteur de

1 695 472,83 euros aux factures émises au titre du lot n° 1 du marché 20216600000312 et à hauteur de 38 004,52 euros à la facture restant due au titre du marché 2020-0032, d'autre part, à 144 069,72 euros au titre des intérêts moratoires, et enfin, à 3 680 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

6. En l'absence de règlement de la totalité des factures, la société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande de condamnation du CHU de la Guadeloupe au versement, à titre provisionnel, d'une somme de 2 843 123,84 euros

correspondant à hauteur de 1 223 193,41 euros aux factures demeurées impayées au titre du marché 2018-1036 et de ses avenants, à hauteur de 53 165 euros aux factures non réglées au titre du marché 97120-0010, à hauteur de 1 528 760,91 euros aux factures restant à régler en exécution du lot n° 1 du marché 20216600000312 et à hauteur de 38 004,52 euros à la facture restant due au titre du marché 2020-0032, ainsi qu'au versement, toujours à titre provisionnel, d'une somme de 259 109,74 euros au titre des intérêts moratoires et d'une somme de

3 640 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

7. Pour rejeter la demande de provision de la société Idex Energie Antilles Guyane, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, qui a accueilli la fin de non-recevoir opposée par le CHU de la Guadeloupe, a estimé, au regard du montant de la provision de 2 843 123,84 euros demandée au titre des " dettes contractuelles ", que le contentieux n'avait pas été lié. Toutefois, alors que le mémoire en réclamation du

22 mai 2023 remplit les exigences fixées par les stipulations citées au point 3 en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées y compris au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement qui font l'objet d'un tableau de calcul joint audit mémoire, il résulte de l'instruction que la somme de 2 843 123, 84 euros correspond aux factures dont le CHU ne s'était pas acquitté à la suite du mémoire en réclamation lequel en comportait les références détaillées. Dans ces conditions, et alors que les prétentions indemnitaires soumises au tribunal n'excédaient pas celles contenues dans le mémoire en réclamation, c'est à tort que le juge des référés a accueilli la fin de non-recevoir opposée par le CHU de la Guadeloupe et a rejeté comme irrecevable la demande de provision de la société Idex Energie Antilles Guyane.

8. Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance du juge des référés attaquée, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de provision présentée par la société Idex Energie Antilles Guyane devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Sur la demande de provision :

9. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

S'agissant du principal :

10. La société Idex Energie Antilles Guyane soutient que l'une des trois factures, d'un montant de 38 004,52 euros, émise pour le règlement de prestations effectuées dans le cadre des travaux de remplacement de quatre centrales de traitement de l'air, n'a pas été honorée par le CHU de la Guadeloupe. Si ce dernier fait valoir que les devis produits par la société ne respectent pas les règles de présentation fixées par l'article 7.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de services 98-2018 du 30 août 2018 et qu'elle n'a versé aux débats aucun bon de livraison prévu par l'article 7.3 du même CCAP, il résulte de l'instruction que la facture d'un montant de 38 004,52 euros a été émise au titre de prestations réalisées dans le cadre du marché de travaux 2020-0030 du 31 mars 2020 renuméroté 2020-0032, dont le CCTP prévoit un paiement sur situation, en fonction de l'avancée réelle des travaux, et non sur la base de bons de commande établis après devis ou sur la base de bons de livraison. Alors que le CHU de la Guadeloupe ne peut donc utilement soutenir que, faute de respect des stipulations contractuelles qu'il invoque, la facture dont le paiement est demandé ne correspondrait pas à la réalisation de prestations effectivement effectuées, il résulte de l'instruction que cette facture n° EIT2209013 émise pour le paiement de la somme en litige de 38 004,52 euros correspond à la situation de travaux n° 3 du marché pour l'exécution duquel elle a été établie et comporte les mentions exigées par l'article 5.1 du CCAP applicable à ce marché.

11. Il suit de là que la société Idex Energie Antilles Guyane est fondée à soutenir qu'elle détient de manière non sérieusement contestable une créance de 38 004,52 euros sur le CHU de la Guadeloupe.

S'agissant des intérêts moratoires :

12. Aux termes de l'article L. 2192-12 du code de la commande publique : " Le retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier, qui a rempli ses obligations légales et contractuelles, ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l'échéance prévue au marché ou à l'expiration du délai de paiement ". Aux termes de l'article L. 2192-13 du même code : " Dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires dont le taux est fixé par voie réglementaire ". Aux termes de l'article R. 2192-11 du même code : " Par dérogation à l'article R. 2192-10, le délai de paiement est fixé à : / 1° Cinquante jours pour les établissements publics de santé (...) ". Aux termes de l'article R. 2192-31 de ce code : " Le taux des intérêts moratoires mentionnés à l'article

L. 2192-13 est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage ".

13. Il résulte de l'instruction qu'aucune des quatre-vingt onze factures adressées par la société Idex Energie Antilles Guyane au CHU de la Guadeloupe, sommé de les payer dans les conditions exposées au point 5, n'a été réglée dans le délai de cinquante jours imparti à l'établissement. Par suite, la créance dont se prévaut la société au titre des intérêts moratoires dus à raison du retard de paiement de ces factures présente un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions citées au point 9 de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. En application des dispositions citées au point précédent, ces intérêts moratoires courent à compter, non pas comme le fait valoir le CHU de la Guadeloupe de la date de présentation de la demande de paiement, dont le formalisme ne peut être utilement invoqué, mais du lendemain de l'expiration du délai de paiement de chacune des factures.

La société Idex Energie Antilles Guyane est dès lors fondée à demander la condamnation du CHU de la Guadeloupe à lui verser, à titre de provision, les intérêts moratoires, au taux prévu à l'article R. 2192-31 du code de la commande publique, sur le montant de chacune des quatre-vingt onze factures en cause, courant à compter du lendemain de la date d'échéance de ces factures jusqu'à leur paiement effectif.

14. Il suit de là que la société Idex Energie Antilles Guyane est fondée à soutenir qu'elle détient de manière non sérieusement contestable une créance d'intérêts moratoires de 225 614,28 euros sur le CHU de la Guadeloupe.

S'agissant de l'indemnité pour frais de recouvrement :

15. En vertu de l'article L. 2192-13 du code de la commande publique, le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. L'article D. 2192-35 du même code fixe le montant de cette indemnité à 40 euros.

16. Si le CHU de la Guadeloupe s'est acquitté de la presque totalité des factures qui lui restaient à régler à la société Idex Energie Antilles Guyane, il résulte de l'instruction qu'aucune de ces factures n'a été réglée dans le délai de paiement qui était imparti à l'établissement. La société a ainsi droit au versement de l'indemnité forfaitaire de frais de recouvrement pour chacune des factures non honorées ou payées avec retard. Par suite, la créance de 3 640 euros dont elle se prévaut, correspondant à l'application de cette indemnité pour les quatre-vingt onze factures en cause, présente un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions citées au point 9 de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de la Guadeloupe une somme de 1 200 euros à verser la société Idex Energie Antilles Guyane en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions du CHU de la Guadeloupe relatives au paiement des dépens ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2301158 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 3 juin 2024 est annulée.

Article 2 : Le CHU de la Guadeloupe est condamné à verser à la société Idex Energie Antilles Guyane, à titre de provision, la somme de 38 004,52 euros correspondant à une facture impayée.

Article 3 : Le CHU de la Guadeloupe est condamné à verser à la société Idex Energie Antilles Guyane, à titre de provision, la somme de 225 614,28 euros correspondant à une créance d'intérêts moratoires.

Article 4 : Le CHU de la Guadeloupe est condamné à verser à la société Idex Energie Antilles Guyane, à titre de provision, la somme de 3 640 euros correspondant à l'indemnité pour frais de recouvrement.

Article 5 : Le CHU de la Guadeloupe versera à la société Idex Energie Antilles Guyane une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiée Idex Energie Antilles Guyane et au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe.

Fait à Bordeaux, le 5 décembre 2024.

Le juge d'appel des référés,

Karine Butéri

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX01501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX01501
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP NORMAND & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;24bx01501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award