Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif
de la Guyane de condamner le centre hospitalier de Cayenne à lui verser une provision
de 10 583,25 euros au titre des soins consécutifs à un accident du 26 septembre 2018 reconnu imputable au service, de 2 000 euros au titre du préjudice moral du fait de l'inertie de l'administration, outre 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance n° 2400121 du 17 mai 2024, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a condamné le centre hospitalier de Cayenne à lui verser à titre de provision une somme de 970,52 euros pour les frais médicaux et une somme de 500 euros au titre du préjudice moral, et a également fait droit à sa demande de frais irrépétibles à hauteur de 1 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2024, et un mémoire enregistré
le 6 septembre 2024, Mme C... demande au juge d'appel des référés :
1°) de réformer cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) de porter les sommes accordées à 10 968,25 euros pour les frais relatifs aux soins postérieurs à l'accident de service et 2 500 euros pour le préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Cayenne des sommes de 2 000 euros pour la première instance et 2 000 euros pour l'appel au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime le 26 septembre 2018 d'un accident de trajet, regardé comme accident de service, entraînant des cervicalgies, des céphalées chroniques et des troubles cognitifs ; la prise en charge des frais consécutifs a été admise par la commission de réforme, y compris pour des soins hors département ;
- elle a adressé à son employeur le devis d'intervention du Dr A..., neurochirurgien à Paris, puis de nombreuses demandes de remboursement laissées sans réponse, comme celle relative à la consultation d'un psychiatre ;
- c'est à tort que le premier juge a limité les frais de psychothérapie à 775 euros alors que les factures produites pour 2022 et 2023 s'élevaient à 1 340 euros ; au demeurant la poursuite de ce traitement porte à 1 670 euros les frais engagés, et la prise en compte des années 2020 à 2024 établit le total à 3 630 euros ;
- le montant des séances de psychiatrie s'élève désormais à 219,60 euros, la somme allouée de 132,52 euros devra être complétée ;
- la somme allouée au titre de séances de kinésithérapie devra être relevée de 15 euros
à 181,90 euros ;
- le premier juge n'a pas expliqué pourquoi il n'a pas retenu les autres frais : il devra être alloué 730 euros pour les séances d'ostéopathie, 2 620 euros pour les séances de naturopathie, 1 950 euros pour l'intervention chirurgicale, 570 euros pour l'anesthésiste, 20 euros de dépassement d'honoraires, 64 euros de forfait clinique d'hospitalisation et 278,72 euros pour les frais de neurologue, ainsi que des consultations de généraliste, ophtalmologue, ORL et cardiologue pour 32,50 , 26,70, 83,73 et 51 euros ; les frais de transport engagés pour 634,12 euros doivent également être remboursés ;
- le préjudice moral a été insuffisamment indemnisé ;
- elle est recevable à faire évoluer ses demandes en appel au regard de l'aggravation de son préjudice.
Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2024, le centre hospitalier de Cayenne conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme
de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les demandes en appel sont irrecevables car elles excèdent les sommes demandées en première instance ;
- subsidiairement les comptes-rendus de psychothérapie ne permettent pas de retenir, en l'absence de toute amélioration, l'utilité de ces soins en lien avec l'accident ; le coût de la consultation d'un psychiatre le 15 novembre 2021 n'est pas documenté ; les séances de kinésithérapie alléguées ne sont pas établies alors que la requérante n'avait justifié que de séances d'ostéopathie réalisées par un kinésithérapeute, dont l'utilité n'est pas démontrée ; aucune prescription par un médecin n'étant produite en ce qui concerne les séances d'ostéopathie et de naturopathie, le lien de ces prestations de bien-être avec l'accident n'est pas établi ; les autres frais visés dans son tableau de soins ne sont pas appuyés de pièces ;
- la demande au titre du préjudice moral est disproportionnée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., infirmière au centre hospitalier de Cayenne, a été victime
le 26 septembre 2018 d'un accident de trajet entraînant un traumatisme du rachis cervical de
type " coup du lapin ", qui a été reconnu comme accident de service par une décision
du 12 décembre 2018. Après avoir vainement sollicité du centre hospitalier de Cayenne le remboursement de divers soins, notamment effectués en métropole comme la commission
de réforme l'avait admis le 5 février 2021, et adressé une dernière demande le 5 octobre 2023 sollicitant la somme de 10 583,25 euros , elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier à lui verser une provision de
ce montant, à valoir sur l'indemnisation de ses débours, outre une somme de 2 000 euros pour
le préjudice moral dû à l'inertie de l'administration. Elle relève appel de l'ordonnance
du 17 mai 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a seulement condamné le centre hospitalier à lui verser une provision de 1 470,52 euros, et porte le montant de ses prétentions en appel à 10 968,25 euros pour les frais et 2 500 euros pour le préjudice moral.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Contrairement à ce que soutient la requérante, le premier juge a indiqué, au point 6 de son ordonnance, les factures justifiant des frais à mettre à la charge du centre hospitalier au titre de l'accident de service, et a rejeté les autres frais au motif que l'intéressée n'en justifiait pas " le caractère utile ni d'ailleurs le montant ". Il a ainsi suffisamment motivé son ordonnance, qui n'est pas entachée d'irrégularité sur ce point, et la contestation de ces motifs relève du bien-fondé de la décision.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
3. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur ; que cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.
4. Il résulte de ces principes que la circonstance que Mme C... ait majoré le montant de ses prétentions en appel ne rend pas ses conclusions entièrement irrecevables, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier. Il appartient donc au juge d'appel des référés de se prononcer sur les conclusions de la requérante en faisant application de ces principes.
Sur le caractère non sérieusement contestable des créances alléguées :
5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
6. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, désormais reprises
à l'article L. 822-4 du code général de la fonction publique, l'agent de la fonction publique hospitalière placé en congé pour maladie en raison d'un accident ou d'une maladie imputable au service a droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Ces dispositions comportent pour les fonctionnaires le droit au remboursement des frais réels qu'ils ont exposés. Il leur appartient toutefois de justifier tant du montant de ces frais que du caractère d'utilité directe que ceux-ci ont présenté pour parer aux conséquences de l'accident ou de la maladie.
7. En premier lieu, Mme C... fait valoir qu'elle a subi une intervention chirurgicale le 8 mars 2021 à Paris, et que le centre hospitalier n'a jamais répondu à l'envoi du devis et de la facture. Le centre hospitalier ne conteste pas le lien entre l'exérèse de l'uncarthrose à l'étage C5-C6, sur diagnostic de discectomie pour déformation rigide de la colonne vertébrale, et l'accident ayant affecté les cervicales, au demeurant établi par le chirurgien qui a opéré
Mme C.... Au regard des factures du chirurgien pour 1 950 euros et de la clinique Blomet produites en appel, le reste à charge pour Mme C... s'établit à la somme de 2 664 euros, qui constitue dans ces conditions une créance non sérieusement contestable. En outre, les billets d'avion entre Toulouse, où elle réside auprès de sa famille, et Paris pour l'opération chirurgicale et la consultation préalable, sont justifiés en appel à hauteur de 159,11 et 115,11 euros. Le total relatif à l'opération s'établit ainsi à 2 938,22 euros
8. En deuxième lieu, Mme C..., qui a souffert d'un syndrome dépressif à la suite d'importantes céphalées, de douleurs cervicales et de troubles cognitifs affectant sa capacité de travail, justifie de la consultation d'un psychiatre les 18 octobre 2022, 18 avril, 22 mai, 13 juin et 18 juillet 2023, pour un montant total resté à sa charge de 76 euros. Par ailleurs, le centre hospitalier ne saurait se prévaloir de l'efficacité limitée des séances de psychothérapie prescrites à Mme C... pour contester la prise en charge de ces soins au long cours,
rendus nécessaires par les conséquences de l'accident. Au regard des justificatifs produits
en première instance et en appel, il y a lieu de fixer la créance à 880 euros pour 17 séances
du 12 novembre 2020 au 28 octobre 2021, 990 euros pour 18 séances en 2022 et à 660 euros pour 12 séances en 2023, soit un total en psychothérapie de 2 530 euros.
9. En troisième lieu, la consultation d'un médecin neurologue les 24 janvier, 17 avril, 11 mai et 30 juin 2023 doit être regardée comme en lien avec l'accident et peut être retenue
pour 213,10 euros, ainsi que celle d'un généraliste pour 25 euros. En revanche, la consultation d'un cardiologue, qui aurait été demandée par le psychiatre, n'apparait pas, en l'absence de justification sur ce point, en lien avec l'accident et n'a d'ailleurs pas été effectuée sous le régime des accidents du travail. Si Mme C... indique avoir eu aussi une consultation ORL pour des acouphènes, et un suivi orthoptique, elle ne justifie ni du coût de ces prestations, ni de leur lien avec l'accident.
10. En quatrième lieu, le centre hospitalier critique l'utilité des séances d'ostéopathie et de naturopathie, qui n'ont pas été prescrites par un médecin. Dans ces conditions, la créance revendiquée à ce titre par Mme C... ne peut être regardée comme non sérieusement contestable. Il en va de même pour la séance de sophrologie. Par ailleurs, les séances de kinésithérapie alléguées ne sont pas justifiées par des factures, celles produites étant relatives à de l'ostéopathie.
11. En cinquième lieu, en produisant des " reçus de vente " correspondant à des abonnements aux transports en commun valables 31 jours, Mme C... ne permet pas au juge des référés d'apprécier la part de ces dépenses correspondant effectivement aux frais de transport exposés seulement pour les soins en lien avec l'accident.
12. En sixième lieu, la part non sérieusement contestable du préjudice moral lié au retard de remboursement des frais en lien avec l'accident a pu être justement évaluée par le premier juge à 500 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la provision allouée à Mme C... doit être portée de 1 470,52 à 6 282,32 euros, somme qui reste inférieure au montant demandé en première instance, et que le surplus des demandes doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, et alors que le premier juge a déjà fait droit
à la demande de frais pour la première instance, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Cayenne une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre de l'instance d'appel. Les conclusions présentées par le centre hospitalier sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La somme que le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a
condamné le centre hospitalier de Cayenne à verser à Mme C... est portée
de 1 470,52 euros à 6 282,32 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier de Cayenne versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... C... et au centre hospitalier de Cayenne.
Fait à Bordeaux, le 29 octobre 2024
La juge d'appel des référés,
Catherine Girault
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 24BX01422