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21/08/2024 | FRANCE | N°24BX00712

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 21 août 2024, 24BX00712


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par ordonnance n°2202691 du 9 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a, sur demande de Mr C... et Mme B..., prescrit une expertise portant sur leurs préjudices et ceux de leurs enfants à la suite de l'accouchement de Mme B... au centre hospitalier de Niort, le 5 juillet 2009.



Par une nouvelle ordonnance n°2202691 du 4 mars 2024, notifiée le 8 mars, le président du tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la deman

de du centre hospitalier de Niort en étendant les opérations d'expertise à CNA Insurance Company...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par ordonnance n°2202691 du 9 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a, sur demande de Mr C... et Mme B..., prescrit une expertise portant sur leurs préjudices et ceux de leurs enfants à la suite de l'accouchement de Mme B... au centre hospitalier de Niort, le 5 juillet 2009.

Par une nouvelle ordonnance n°2202691 du 4 mars 2024, notifiée le 8 mars, le président du tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande du centre hospitalier de Niort en étendant les opérations d'expertise à CNA Insurance Company.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2024, la société CNA Insurance Company, représentée par Me Cariou (SCP Normand et associés), demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 mars 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de la mettre hors de cause et de statuer ce que de droit sur les dépens ;

Elle soutient que :

-les experts désignés par la CCI ont conclu que la rupture utérine à l'origine de l'anoxo-ischémie dont a été victime Emilien aurait pu être évitée par une césarienne plus précoce, et l'expertise complémentaire ordonnée par la CCI a précisé le taux de perte de chance à 80% et l'incapacité de l'enfant à 85 % ; la nouvelle expertise a pour objet de déterminer les préjudices ;

-si elle était l'assureur du centre hospitalier au jour de la première réclamation en 2019, elle ne l'était pas au jour du dommage en 2009, période à laquelle le CH était assuré auprès d'Axa ; en vertu du sixième alinéa de l'article L.252-2 du code des assurances, son contrat ne couvre pas les dommages dont le centre hospitalier avait connaissance lors de la souscription, ce qui est le cas en l'espèce ; au demeurant, la société AXA a accepté en 2018 de reprendre la gestion de ce dossier au titre du passé connu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme D... A... pour statuer en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., qui avait donné naissance à un premier enfant en 2006 par césarienne, devait accoucher du second par césarienne programmée le 8 juillet 2009. Elle s'est présentée au centre hospitalier de Niort le 5 juillet après avoir perdu les eaux, et un accouchement par voie basse a été tenté, mais l'enfant ne descendant pas lors des efforts expulsifs, qui ont provoqué une rupture utérine, une césarienne a été décidée en urgence, et l'enfant Emilien C... est né en état de mort apparente. S'il a pu être réanimé, il conserve d'importantes séquelles neurologiques et ses parents ont sollicité en dernier lieu du juge des référés une expertise sur les préjudices, ordonnée le 9 janvier 2024 alors que l'assureur du centre hospitalier s'était abstenu de formuler l'offre d'indemnisation à laquelle il avait été invité par la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) au regard d'une perte de chance de 80% d'éviter le dommage si une césarienne avait été pratiquée plus tôt.

2 Le centre hospitalier de Niort a sollicité du juge des référés une extension des opérations d'expertise à son assureur, la société CNA Insurance company. Celle-ci, qui n'avait produit, avant l'ordonnance, aucune observation devant le premier juge en réponse à la demande du centre hospitalier qui lui a été communiquée, relève appel de l'ordonnance du 4 mars 2024 par laquelle le président du tribunal a fait droit à cette demande, et soutient qu'elle ne peut être responsable du sinistre, qui relèverait de l'assureur AXA, dont le contrat était en vigueur au jour du dommage.

3. Aux termes de l'article L251-2 du code des assurances : " Constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable ou d'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations./Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur./Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation./Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.(...)Le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable était connu de l'assuré à la date de la souscription./Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4. "

4. Il résulte de ces dispositions que les contrats d'assurance conclus par les établissements de santé publics aux fins de les garantir s'agissant des actions mettant en cause leur responsabilité au titre des risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique garantissent les sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat ou pendant une période subséquente d'une durée minimale de cinq ans, à l'exception des sinistres dont le fait dommageable était connu de l'établissement de santé à la date de la souscription du contrat. Pour l'application de cette dernière règle, résultant du sixième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances, un fait dommageable subi par un patient doit être regardé comme connu de l'établissement de santé à une certaine date si, à cette date, sont connus de ce dernier non seulement l'existence du dommage subi par le patient mais aussi celle d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'établissement à raison ce dommage.

5. Plusieurs entretiens avec les parents ont eu lieu en 2009 pour leur expliquer les conditions de l'accouchement, et la simple demande du dossier médical ne pouvait faire présumer la connaissance d'une faute. Le retard d'extraction à la césarienne a été envisagé pour la première fois par le rapport d'expertise du 14 juin 2011, qui concluait à l'absence de faute mais indiquait qu'un retard de 9 minutes pouvait avoir aggravé de 10% l'état de l'enfant. La nouvelle expertise ordonnée par la CCI, saisie par les parents le 21 août 2012, a retenu de façon certaine un retard de césarienne avant la rupture utérine au regard d'anomalies du rythme cardiaque fœtal, par un rapport déposé le 26 mars 2013, et un complément d'expertise sur la perte de chance a estimé celle-ci à 80% le 10 décembre 2013.

6. Le CH de Niort a résilié le contrat qui le liait avec AXA au 1er janvier 2010 pour souscrire un nouveau contrat avec la société CNA Insurance company à compter de cette date. Si la société CNA Insurance company fait valoir qu'Axa a accepté de prendre en charge ce dossier au titre du passé connu, par un courrier adressé le 8 janvier 2018 au centre hospitalier, qu'il produit, il n'est pas établi ni même allégué que cet assureur aurait fait une offre d'indemnisation à M. C... et Mme B.... Dans ces conditions, et au regard de la chronologie ci-dessus rappelée, il n'appartiendra qu'au juge du fond de trancher la question de l'assureur qui devra prendre en charge ce sinistre, et la mise en cause de la société CNA Insurance Company au stade de l'expertise ne peut être regardée comme manifestement inutile.

7. Il résulte de ce qui précède que la société CNA Insurance Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge l'a associée aux opérations d'expertise. Sa demande de " statuer ce que de droit sur les dépens " ne relève pas du juge des référés, et ne peut qu'être rejetée comme irrecevable.

.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société CNA Insurance company est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société CNA Insurance company, au centre hospitalier de Niort, à M. C..., à Mme B... et à la CPAM de la Charente-Maritime.

Fait à Bordeaux, le 21 août 2024.

Le juge des référés,

D... A...

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 24BX00712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX00712
Date de la décision : 21/08/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP NORMAND & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-21;24bx00712 ?
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