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13/05/2024 | FRANCE | N°22BX01711

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 13 mai 2024, 22BX01711


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à l'indemniser des préjudices professionnel et économique constitués des demi-traitements qui auraient dû lui être versés du 2 janvier 2020 au 1er novembre 2020 ainsi que de la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, du fait des fautes commises par son employeur dans la mise en œuvre de son obligation de reclassement, ces sommes étant assorties des intérêts au tau

x légal à compter du 29 octobre 2019, date de réception de sa réclamation indemnitaire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à l'indemniser des préjudices professionnel et économique constitués des demi-traitements qui auraient dû lui être versés du 2 janvier 2020 au 1er novembre 2020 ainsi que de la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, du fait des fautes commises par son employeur dans la mise en œuvre de son obligation de reclassement, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2019, date de réception de sa réclamation indemnitaire préalable.

Par un jugement n° 2001003 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Ledoux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 précité ;

2°) de condamner la commune de Pessac à l'indemniser de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2019, date de réception de sa réclamation préalable indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pessac une somme de 2 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Pessac a commis des fautes dans son obligation de reclassement ;

- elle a manqué à son obligation de loyauté ; le dernier poste proposé ne constitue pas une troisième proposition de reclassement dans la mesure où le premier poste " reprise sur un renfort " au sein de la direction des relations avec les usagers en février et mars 2015 ne constituait qu'une simple immersion ; elle n'a été invitée à présenter une demande de reclassement que le 6 février 2019 ; elle est toujours en période " d'immersion " et n'a toujours pas bénéficié d'un reclassement ;

- sa prise de fonction au sein du kiosque culture s'est déroulée dans de mauvaises conditions qui ne lui ont pas permis de faire ses preuves et de démontrer ses qualités professionnelles ; le bureau sur lequel elle était affectée avec sa collègue ne pouvait accueillir qu'une seule personne ; elle était dépourvue de matériel informatique et de fauteuil, elle n'avait pas de missions précises et ses déclarations étaient toujours transcrites de manière défavorable et négative ;

- elle doit être indemnisée de son préjudice économique et professionnel constitué des demi-traitements qui auraient dû lui être versés du 2 janvier 2020 au 1er novembre 2020 en raison de son placement en congé de maladie ordinaire ;

- elle doit être indemnisée de son préjudice moral à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, la commune de Pessac et la SMACL, représentées par la SCP CGCB et associés, agissant par Me Gauci, concluent au rejet de la requête à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Burdeau, substituant Me Ledoux, pour Mme A... et Me Navarro, substituant Me Gauci, pour la commune de Pessac et la SMACL.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., adjointe technique de 1ère classe, exerçait ses fonctions d'agent technique des écoles au sein de la commune de Pessac. Par un arrêté du 31 octobre 2014, le maire de Pessac a reconnu l'imputabilité au service de sa maladie résultant d'un syndrome du canal carpien gauche. La commission de réforme a, en sa séance du 18 novembre 2014, déclaré Mme A... inapte à l'exercice de ses fonctions d'agent technique des écoles et s'est prononcée en faveur d'un reclassement. Mme A... a présenté une demande préalable indemnitaire à la commune de Pessac, reçue le 29 octobre 2019, au titre des préjudices professionnel et moral dont elle s'estime victime à raison des manquements de la commune dans son obligation de reclassement, rejetée par courrier du 8 janvier 2020. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Pessac à l'indemniser des préjudices subis du fait des fautes commises par son employeur dans la mise en œuvre de son obligation de reclassement. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". Aux termes de l'article 82 de la même loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des cadres d'emplois, emplois ou corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces cadres d'emplois, emplois ou corps, en exécution des articles 36, 38 et 39 et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions : " Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade. / L'autorité territoriale procède à cette affectation après avis du service de médecine professionnelle et de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé. Cette affectation est prononcée sur proposition du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion lorsque la collectivité ou l'établissement y est affilié. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. "..

3. Par un avis du 18 novembre 2014, la commission de réforme a déclaré Mme A... inapte à l'exercice de ses fonctions d'agent technique des écoles et s'est prononcée en faveur d'un reclassement. La commune de Pessac lui a alors fait bénéficier d'une période d'immersion sur des fonctions relevant d'un grade ouvert au reclassement qui constitue une période de préparation au reclassement. Suivant la procédure mise en place localement, les agents qui en bénéficient ont vocation à être reclassés sur ces postes, après le cas échéant, avoir effectué des formations et bilans d'évaluations favorables.

4. Suivant cette procédure, Mme A... s'est vu proposer, par courriel du 16 janvier 2015, une immersion sur un poste d'agent de gestion administrative et relation usager, au sein du pôle accueil unique de la mairie de Pessac conforme au niveau et à l'état de santé de la requérante. Mme A... a pris ses fonctions le 16 février 2015. Toutefois, il a été indiqué à Mme A... lors de l'entretien du 25 mars 2015, que son profil était trop éloigné des attentes du poste. Il ressort ainsi de l'évaluation de cette période d'essai une insuffisance dans l'acquisition des compétences et outils et une absence de culture administrative et de méthodes de travail de l'intéressée. Mme A... a ensuite été affectée le 8 septembre 2015 en immersion sur deux postes à mi-temps, l'un à la mairie de proximité de Cazalet et l'autre au service du cabinet du maire de Pessac. Il ressort du compte rendu du 26 janvier 2016 que Mme A... a bénéficié d'un premier entretien, le 22 janvier 2016, au cours duquel les dysfonctionnements et axes d'amélioration ont été évoqués. Toutefois, selon le compte rendu du directeur de cabinet du 7 mars 2017, lors d'un deuxième entretien du 3 mars 2017 avec ses responsables et une représentante syndicale, il a été mis fin à cette immersion en raison des difficultés d'adaptation rencontrées par Mme A... sur ce poste. La requérante a alors été reçue le 20 mars 2017, à sa demande, par le directeur des ressources humaines de la commune pour évoquer la fin de cette affectation et une immersion sur un poste d'hôtesse d'accueil au sein du kiosque culture de la commune de Pessac. Un avis favorable a été émis par la commission de réforme le 15 mars 2017 et le médecin de prévention le 25 avril 2017 pour une reprise en temps partiel thérapeutique sur ce poste, accepté par l'intéressée en mai 2017. Par courrier du 9 juin 2017 la commune de Pessac l'a convoquée à une expertise médicale, laquelle a conclu, le 22 juin 2017 que son état de santé " n'autorise pas une reprise à temps partiel pour raison thérapeutique dans l'immédiat ". La commission de réforme, à nouveau saisie, s'est prononcée le 24 janvier 2018 en faveur de l'aptitude de Mme A... au poste de reclassement proposé. Par une expertise médicale du 4 décembre 2018, le docteur B... l'a déclarée apte à la reprise sur le poste proposé à temps partiel thérapeutique à 50 %. Mme A... a alors présenté une demande de reclassement reçue le 24 avril 2019 et a pris ses fonctions en immersion au sein du kiosque culture de la commune de Pessac le 2 mai 2019.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Pessac, qui a pris en compte tant l'état de santé de la requérante que ses difficultés d'adaptation et lui a proposé plusieurs postes correspondant à son cadre d'emploi, n'a pas contrairement à ce qui est soutenu, proposé à Mme A... des immersions " vouées à l'échec " par avance et n'a ainsi pas manqué à son obligation de reclassement. Par suite, elle n'a commis aucune faute dans la mise en œuvre de l'obligation de reclassement de nature à engager sa responsabilité.

6. La requérante soutient ensuite que son reclassement sur le poste " kiosque culture " de la commune a été mal organisé ne lui permettant pas de s'y adapter. Si elle fait valoir que, lors de son affectation le 2 mai 2019, elle était dépourvue de matériel informatique et qu'un ordinateur a été installé seulement la semaine du 3 juin 2019, il résulte toutefois de l'instruction que ses missions étaient limitées, le premier mois, à la découverte du fonctionnement du kiosque via l'observation des pratiques utilisées par sa collègue et l'appréhension de l'offre culturelle, ce qui a justifié l'absence au départ, d'installation d'un poste informatique. Le compte rendu " bilan immersion n°1 " du 24 juin 2019 mentionne que lors du premier bilan qui s'est tenu le 14 juin 2019, Mme A... a indiqué s'ennuyer sur ce poste et n'a pas su répondre aux questions posées sur l'offre culturelle proposée par la ville. Ses activités, accueil physique et téléphonique, tri, archivage, courrier, réapprovisionnement régulier des documents cultures sur les différents sites, lui ont été rappelés et il lui a été demandé d'approfondir ses connaissances sur l'offre culturelle. Par une mise en demeure du 25 juillet 2019, rédigé à la suite de sa première évaluation, un rappel de ses obligations a été effectué et il lui a également été indiqué qu'elle devait, avant de pouvoir élargir son domaine d'activité, assurer les fonctions de base de son poste. Enfin, elle a bénéficié de bilans le 12 novembre 2020, à la suite de sa reprise du travail le 2 novembre 2020, ainsi que le 8 juillet 2021, lesquels ayant respectivement fait l'objet de comptes rendus les 21 décembre 2020 et 20 juillet 2021.

7. Si, par ailleurs, la requérante soutient qu'elle était dépourvue de fauteuil et que le bureau sur lequel elle était affectée avec sa collègue ne pouvait accueillir qu'une seule personne dès lors qu'il s'agissait d'un poste " en renfort ", il résulte toutefois de l'instruction que la banque d'accueil est un poste pour deux personnes et que Mme A... a été dotée d'un fauteuil ergonomique dont le fonctionnement lui a été expliqué lors d'un entretien du 17 mai 2019. De plus, il résulte de l'instruction que la durée de la période d'immersion sur ce poste depuis le 2 mai 2019 a été justifiée tant par les nombreuses périodes de congé de maladie de l'intéressée, la durée de présence effective de Mme A... ayant été de moins de six mois pour la période allant du 2 mai 2019 au 31 décembre 2020 et d'environ six mois pour l'année 2021, que par les difficultés rencontrées. En outre, la seule circonstance que ne possédant pas la clé du kiosque, Mme A... était obligée d'attendre sa collègue ne saurait caractériser une faute de la commune de Pessac.

8. Enfin Mme A... soutient qu'elle aurait fait l'objet de remarques désobligeantes de la part d'un collègue et que son dossier personnel en ligne était visible par les collègues du kiosque culture avant que le référent déontologie mette fin à cette pratique. Toutefois, le seul courriel d'une collègue relatant des dires d'un tiers ne permet pas d'établir les propos désobligeants dont elle se plaint et rien ne permet d'attester par ailleurs d'une volonté de lui nuire s'agissant de la visibilité de ses données personnelles auquel il a été rapidement mis fin par la commune de Pessac. Par ailleurs, la production du certificat du docteur C... qui indique que " selon ses dires, il semblerait qu'elle soit victime d'un harcèlement professionnel qui retenti sur son moral " et que " ses conditions de travail ne sont pas optimales " et d'un courrier du 9 juillet 2018, dans lequel elle dénonce les moyens et méthodes mis en pratique pour la faire passer pour une incapable sous couvert d'une immersion ne sont pas suffisants pour faire présumer d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son employeur.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Pessac, qui n'a pas méconnu ses obligations quant à la prise en charge de Mme A... dans le cadre de sa procédure de reclassement sur le poste d'agent d'accueil au sein du kiosque culture, n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pessac, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande Mme A... au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Pessac au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Pessac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la commune de Pessac et à la SMACL.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01711
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : LEDOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;22bx01711 ?
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