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27/02/2024 | FRANCE | N°22BX00298

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 22BX00298


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle la directrice du groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR) l'a licencié.



Par un jugement n° 1900748 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 2

7 janvier 2022, le groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR), représenté par la SCP Canale Gaut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 28 février 2019 par laquelle la directrice du groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR) l'a licencié.

Par un jugement n° 1900748 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, le groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR), représenté par la SCP Canale Gauthier Antelme Bentolila Clotagatide, agissant par Me Clotagatide, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 octobre 2021 précité ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'entretien préalable dont a bénéficié M. A... ne s'est pas déroulé en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que son avocat a pu, postérieurement à l'entretien, présenter des observations écrites ;

- la lettre de licenciement a été signée par Mme B... C..., en sa qualité de directrice, et qui disposait d'une délégation régulière ;

- M. A..., qui a le statut de contractuel, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 étant seul applicable à sa situation et l'agent a eu l'opportunité de s'expliquer lors de l'entretien préalable dans le respect du principe du contradictoire ;

- le licenciement n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 170 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire accueilli par le tribunal est fondé et doit être confirmé ;

- en tout état de cause, la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas eu accès à l'intégralité de son dossier individuel, en méconnaissance de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et de l'article 44 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- tandis que le climat délétère au sein de la réserve est à l'origine de plusieurs départs et licenciements, les sanctions disciplinaires prises à son encontre, pour des motifs fallacieux, s'inscrivent dans le cadre d'une démarche de harcèlement moral visant à l'évincer à son tour ;

- la sanction de licenciement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les deux sanctions d'avertissement qui l'ont précédée sont entachées d'erreur de fait et que le groupement ne démontre pas que le contexte du climat délétère au sein de la réserve lui serait imputable.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 ;

- la convention constitutive du GIP de la Réserve nationale marine de La Réunion modifiée du 15 décembre 2015 ;

- la délibération du conseil d'administration du GIP de la Réserve du 18 novembre 2011 fixant le statut du personnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... exerce la fonction de garde animateur au sein de la Réserve naturelle marine de La Réunion, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein. Par une décision du 28 février 2019, le groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR) a prononcé à son encontre une sanction de licenciement. Par un jugement du 16 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision. Le GIP-RNMR relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler la décision de licenciement prise à l'encontre de M. A..., le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire lors de l'entretien préalable dès lors que l'avocat de M. A... n'a pas été autorisé à s'exprimer durant cet entretien.

3. Aux termes du dernier alinéa de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, figurant à la section 3 du chapitre II relatif aux dispositions relatives au statut des groupements d'intérêt public : " (...) Sous réserve des dispositions relatives à la mise à disposition prévues par le statut général de la fonction publique, les personnels du groupement ainsi que son directeur sont, quelle que soit la nature des activités du groupement, soumis, dans les conditions fixées par la convention constitutive, aux dispositions du code du travail ou à un régime de droit public déterminé par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public : " I. - Le présent décret détermine le régime de droit public, mentionné au dernier alinéa de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée, auquel peuvent être soumis les personnels et le directeur d'un groupement d'intérêt public dans les conditions prévues à ce même article. / II. - A l'exception des agents publics placés en situation de mise à disposition ainsi que des personnels mis à disposition par une personne morale de droit privé membre du groupement en application du 1° de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée et régis par l'article 3 du présent décret, les personnels d'un groupement d'intérêt public relevant du I sont régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 (...) à l'exception des articles 5, 6, 8, 27, 28, 28-1, 29, 30, 31 et 42-1 à 42-7 (...) ".

4. En vertu de l'article 16 de la convention constitutive et de l'article 2 du statut du personnel du GIP-RNMR, les personnels propres du groupement, qui ne sont, ni mis à disposition du groupement, ni détachés, sont des agents contractuels de droit public, régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986, à l'exception des articles visés par les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 5 avril 2013.

5. Aux termes de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, repris à l'article 9.3 du statut du personnel des GIP-RNMR : " (...) / L'agent non titulaire à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par les défenseurs de son choix. / L'administration doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier ". Aux termes du premier alinéa de l'article 47 du même décret : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation ".

6. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. (...) ". En sa qualité d'assistant, l'avocat peut intervenir, demander des explications et compléter celles du salarié.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, qui s'est tenu le 20 février 2019, auquel il s'est présenté accompagné de son conseil pour l'assister durant cet entretien, ainsi que le permettent les dispositions de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 précitées, qui autorisent l'agent à se faire assister par les défenseurs de son choix, y compris en conséquence par un avocat. Cependant, il est constant que, lors de cet entretien, la directrice du GIP-RNMR a refusé expressément que l'avocat de M. A... présente des observations, ainsi que l'y autorise la loi du 31 décembre 1971. Dans ces conditions, quand bien même l'avocat de M. A... a pu postérieurement à cet entretien, présenter des observations écrites, par un courriel adressé à la directrice le jour même, cette circonstance ne peut avoir eu pour effet de compenser l'interdiction faite à l'avocat de M. A... de prendre la parole durant l'entretien auquel il avait été convoqué dans la perspective d'un licenciement disciplinaire. Il en résulte que M. A... a été privé d'une garantie. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a accueilli le moyen tiré de ce que la décision de licenciement du 28 février 2019 est entachée d'un vice de procédure et a pour ce motif annulé cette décision.

8. Il résulte de tout de ce qui précède que le GIP-RNMR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 28 février 2019 prononçant le licenciement de M. A....

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacles à ce que soit mis à la charge de M. A... qui n'est pas partie perdante dans le cadre de la présente instance, une somme sur ce fondement. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge du GIP-RNMR une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de ce même article.

DECIDE :

Article 1er : La requête du groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR) est rejetée.

Article 2 : Le groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion (GIP-RNMR) versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement d'intérêt public Réserve naturelle marine de La Réunion et à M. D... A.... Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024.

La rapporteure,

Caroline E...

La présidente,

Ghislaine Markarian La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00298 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00298
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SCP CANALE GAUTHIER ANTELME

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22bx00298 ?
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