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27/02/2024 | FRANCE | N°21BX04577

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 21BX04577


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La société Eiffage génie civil a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'établissement public de coopération intercommunale Bordeaux Métropole à lui verser la somme de 4 747 397,02 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du décompte du marché de travaux de l'ouvrage d'art de franchissement de la rocade (A630) au niveau de l'échangeur 4b à Bordeaux-Lac.





Par

un jugement n° 1905987 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné Bordeaux Métropole ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage génie civil a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'établissement public de coopération intercommunale Bordeaux Métropole à lui verser la somme de 4 747 397,02 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du décompte du marché de travaux de l'ouvrage d'art de franchissement de la rocade (A630) au niveau de l'échangeur 4b à Bordeaux-Lac.

Par un jugement n° 1905987 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné Bordeaux Métropole à verser à la société Eiffage génie civil la somme de 1 043 836,40 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 27 février 2018 et de leur capitalisation à la date du 9 décembre 2019, puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2021 et le 9 septembre 2022, l'établissement public Bordeaux Métropole, représenté par la SELARL Cabinet Cabanes Avocats, agissant par Me Cabanes, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 octobre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage génie civil une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- avant le démarrage des travaux sur l'ouvrage, le pont des hôtels n'était affecté d'aucun désordre apparent notamment au niveau des rampes d'accès, tandis que l'état du sol n'interdisait pas la réalisation des travaux ; il s'agissait en toute hypothèse d'éléments ayant fait l'objet d'un diagnostic précis, connu de l'entreprise qui devait déterminer la technique à mettre en œuvre sur ces bases ; celle-ci n'a pas mis en œuvre, dans un premier temps, la technique envisagée dans son offre, des pieux forés à la boue ; le fait que le changement a été validé par le maître d'œuvre et le bureau de contrôle n'exonère pas la société Eiffage génie civil de sa responsabilité ; ce changement de méthode est l'unique cause des dommages ;

- il appartenait à l'entreprise de diriger son action à l'encontre des autres constructeurs responsables, à savoir les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, le bureau de contrôle CETE Apave Sudeurope, ou encore le bureau de contrôle extérieur Ginger CEBTP en charge des études géotechniques ;

- le préjudice subi par la société Eiffage génie civil n'est pas établi par les seuls sous détails de prix produits ;

- en l'absence d'engagement contractuel de sa part sur les dates figurant au planning prévisionnel, l'entreprise ne tient aucun droit à indemnisation du seul fait de l'allongement des durées d'exécution des principales tâches ;

- le quantum de rémunération complémentaire, ainsi que les frais de surlocation de matériel ne sont pas justifiés ;

- les frais de réorganisation du phasage des tabliers ne sont pas justifiés et doivent être regardés comme inclus dans l'offre de prix initiale ;

- le tableau qui est présenté comme émanant du maître d'œuvre, qui n'est pas signé, n'établit pas l'existence d'un préjudice ;

- sa condamnation doit être limitée aux travaux supplémentaires qui ont fait l'objet d'un ordre de service du maître d'œuvre, ou dont le caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art sera démontré ;

- elle s'est opposée à la rémunération de prestations supplémentaires sans commande expresse de sa part et sans avenant, par la mention dans le bordereau des prix unitaires de l'exigence d'un ordre écrit du maître d'œuvre ;

- en l'absence de faute personnelle, de sujétion technique imprévue ou d'ordre écrit du maître d'œuvre, elle ne pouvait être condamnée au titre de la mise en œuvre des armatures dans les têtes des inclusions des deux files ; le ferraillage des inclusions était nécessaire pour celles qui se trouvaient sous les murs de soutènement, et étaient prévues au marché ou par l'avenant n° 1 ; l'arrêt du chantier est la conséquence directe d'un engagement des travaux sans validation préalable des études d'exécution, et non de la modification de la technique ;

- elle n'a pas à supporter les conséquences des fautes commises par les autres intervenants s'agissant de la conception erronée de chevêtres des piles culées ; en tout état de cause, aucune faute dans les plans directeurs d'exécution de la maîtrise d'œuvre n'est démontrée ; les études d'exécution incombaient à la société Eiffage génie civil ; aucun préjudice n'est démontré puisque la difficulté a été réglée par la maîtrise d'œuvre dès le 7 septembre 2012 ;

- les longrines supports de bordure de voie de la rampe Domergue sont la conséquence d'une demande tardive de la maîtrise d'œuvre dont seule la responsabilité est en cause ;

- la mise en œuvre des deux regards avec décantation était déjà rémunérée par le prix 8-21 du bordereau des prix unitaires ;

- le délai de redémarrage des travaux n'est imputable qu'à l'entreprise ;

- les quantités retenues sont celles constatées par le maître d'œuvre ;

- il appartenait à l'entreprise de coordonner les avis des différents intervenants ; en outre, aucun préjudice lié au délai d'établissement de la note d'hypothèse générale n'est établi ;

- les données d'entrée concernant la note de calcul des tabliers n'étaient pas erronées et n'ont nécessité aucune adaptation ;

- la conception des appareils d'appuis bloqués n'était pas lacunaire ; en tout état de cause, l'entreprise ne peut se prévaloir d'une insuffisance du dossier de consultation ;

- la fourniture d'un prototype des garde-corps était incluse dans le prix du marché et devait être validée par le maître d'œuvre.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin et 3 octobre 2022, la société Eiffage génie civil, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, agissant par Me Riquelme, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit fait intégralement droit à sa demande de première instance, et, en outre, à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Eiffage génie civil soutient que :

- la requête d'appel de Bordeaux Métropole est irrecevable dès lors qu'elle ne critique pas la régularité du jugement du 20 octobre 2021 ;

- les moyens soulevés par Bordeaux Métropole ne sont pas fondés ;

- elle doit être rémunérée en fonction des quantités réellement exécutées, s'agissant d'un marché à prix unitaires, et est ainsi fondée à réclamer la somme de 14 303,86 euros hors taxes ;

- le défaut de coordination, contractuellement mis à la charge du maître d'œuvre par les articles 9.2.2.2 du cahier des clauses administratives particulières, et 3.3 du chapitre B du cahier des clauses techniques particulières lui a causé un préjudice tenant en un ralentissement de la production des études d'exécution, représentant un préjudice de 13 500 euros hors taxe ;

- les données du marché, pour l'élaboration de la note de calcul des tabliers, étaient erronées, ce qui emporte la responsabilité du maître d'ouvrage, au titre de la conception des travaux ; ayant été contrainte de redéfinir ces données d'entrée au-delà des études d'exécution lui incombant, elle doit obtenir l'indemnisation de son préjudice qui doit être évalué à 20 590 euros hors taxe ;

- l'insuffisante précision du dossier de consultation quant aux appareils d'appui a entrainé des surcoûts d'étude de 6 525 euros hors taxe ;

- la remise en cause de la conception des garde-corps a induit un surcoût de 23 594,70 euros hors taxe, au titre des reprises d'études, de la réalisation de prototypes supplémentaires et de l'augmentation de l'épaisseur des tôles de remplissage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Habibi Alaoui, substituant Me Cabanes, pour Bordeaux Métropole et de Me Riquelme pour la société Eiffage Génie civil.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 février 2024, présentée pour la société Eiffage génie civil.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public de coopération intercommunale Bordeaux Métropole a confié à un groupement composé notamment des sociétés Systra, mandataire solidaire, du cabinet d'architectes Brochet-Lajus-Pueyo et du bureau d'études Ingerop conseil et ingénierie, la maîtrise d'œuvre des travaux d'extension de la ligne C du tramway. La société Eiffage TP Sud-Ouest a été chargée des travaux relatifs au franchissement supérieur de la rocade au niveau de l'échangeur 4b à Bordeaux-Lac, par acte d'engagement du 23 mai 2012. Le marché a été conclu à prix unitaires sur la base d'une offre variante n° 2 (renforcement de sol en inclusions rigides en béton et non métalliques) pour un montant de 5 966 119,60 euros hors taxes. Le démarrage des travaux, d'une durée globale de dix-neuf mois, a été fixé au 10 septembre 2012. La réception de l'ouvrage a été prononcée le 22 mai 2014 avec des réserves, qui ont été levées le 23 décembre 2014 avec effet au 7 mars 2014. La société Eiffage TP Sud-Ouest a établi le 24 octobre 2014 son projet de décompte final, arrêtant le montant de son marché à la somme totale de 9 560 447,88 euros hors taxes et intégrant des réclamations tendant à obtenir une rémunération complémentaire de 3 350 597,31 euros hors taxes. Le 13 décembre 2017, Bordeaux Métropole a notifié à la société Eiffage son projet de décompte général d'un montant de 6 662 752,46 euros hors taxes. Le 26 janvier 2018, la société Eiffage TP Sud-Ouest a retourné au maître d'ouvrage le projet de décompte général signé, avec des réserves consignées dans un mémoire en réclamation joint. Elle a par ailleurs saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges (CCIRAL) relatifs aux marchés publics de Bordeaux qui, par avis du 11 octobre 2018, a proposé le versement d'un supplément de rémunération de 1 037 082,56 euros hors taxes. Par un courrier du 18 juillet 2019, Bordeaux Métropole a indiqué ne pas accepter cette proposition. La société Eiffage génie civil, venant aux droits de la société Eiffage TP Sud-Ouest, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation de Bordeaux Métropole à lui verser la somme de 4 747 397,02 euros toutes taxes comprises au titre du solde de son marché. Bordeaux Métropole relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à la société Eiffage génie civil la somme de 869 863,67 euros hors taxes soit 1 043 836,40 euros toutes taxes comprises. Par la voie de l'appel incident, cette dernière demande qu'il soit fait entièrement droit à sa demande de première instance.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Une requête d'appel n'est pas irrecevable du seul fait qu'elle ne critique pas la régularité d'une décision de première instance mais uniquement son bien-fondé. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Eiffage génie civil ne peut qu'être écartée.

Sur l'appel principal :

3. Le titulaire du marché a droit au paiement des travaux supplémentaires non prévus au contrat s'ils ont été prescrits par un ordre de service ou si, à défaut d'un tel ordre, ils ont un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.

4. Le titulaire d'un marché a également droit au paiement des travaux résultant de sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties.

5. Enfin, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, mais pas du seul fait de fautes commises par d'autres intervenants.

En ce qui concerne les demandes relatives aux désordres causés sur le " pont des Hôtels " :

6. Il résulte de l'instruction qu'au cours des travaux de mise en œuvre des pieux de l'ouvrage, ont été constatés des désordres sur les rampes d'accès du franchissement routier existant, dénommé " Pont des Hôtels ", auquel le nouvel ouvrage est accolé à l'ouest. Par ordre de service n° 4 du 17 janvier 2013, le maître d'œuvre a demandé à la société Eiffage génie civil d'arrêter immédiatement les travaux portant sur les appuis P13, P14, P15 et C16. Un référé constat a été dressé le 6 mai 2013, dont il ressort, tant sur la rampe côté nord, vers l'avenue Domergue, que côté sud, vers l'avenue Dassault, des déformations et fissurations du revêtement de la chaussée, des bordures et des caniveaux, ainsi qu'une dégradation des trottoirs, allant côté nord jusqu'à la fracture de la dalle de transition. La reprise des travaux n'a été ordonnée que le 13 mai 2013 suivant ordre de service n°5 du 7 mai 2013. Un expert, désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, a remis le 30 novembre 2015 son rapport sur les origines et causes des désordres.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces désordres ont été causés par un tassement des remblais du pont des hôtels, alors que le tablier du pont repose lui sur des piles fondées sur des pieux. L'expert constate, au vu de deux rapports d'inspection du bureau d'études Ingerop datant de juin 2000 et de Socotec en octobre 2012, ce dernier prescrivant notamment une intervention impérative sur les dalles de transition, que ces tassements étaient déjà en cours sous les culées de cet ouvrage construit en 1971, compte tenu d'un sol d'assise très compressible, constitué notamment d'argiles, d'argiles à débris végétaux et de tourbes. Ainsi, en mars 2013, une campagne d'injection pour comblement des cavités sous les rampes a eu lieu. Mais l'expert relève également que ces tassements ont été révélés ou accélérés par les vibrations engendrées par le forage des pieux de l'ouvrage en construction, par utilisation de la technique de vibro-fonçage. Il chiffre la part de ce facteur dans les mouvements de sol à 20 %. La circonstance que les pieux des piles du pont soient ancrés dans le substratum marno-calcaire ou la partie basse des graviers est sans incidence sur cette analyse portant sur les culées de l'ouvrage.

8. Pour juger que Bordeaux Métropole avait commis une faute en lien avec les préjudices dont la société requérante demandait l'indemnisation résultant de l'allongement de la durée du chantier et de la modification du phasage des travaux, les premiers juges ont retenu que le rapport géotechnique préalable à l'établissement du cahier des charges du marché soulignait la mauvaise qualité du sol et que la mission géotechnique G 12 avait préconisé en conséquence la mise en œuvre d'une technique de forage par pieux forés de type foré-boue ou foré-tubé. Ces techniques ont été retenues en conséquence par le CCTP et la société Eiffage génie civil, dans son mémoire technique, a opté pour la technique du forage-boue, ne générant pas de vibrations. Or, en cours d'exécution du marché, à la suite de l'intervention de la direction régionale de l'environnement, qui s'inquiétait du rejet de boues polluées à la bentonite dans les eaux du lac, le maître d'œuvre Tisya a imposé à la société Eiffage l'abandon de la solution du forage à boue, lui demandant de proposer un autre procédé, conformément à l'article 2.1.2 du même CCTP, qui stipulait que " le mode et les moyens de forage proposés par l'entrepreneur tiendront compte du contexte géotechnique et seront soumis au maître d'œuvre ". C'est dans ces conditions que la société Eiffage génie civil a proposé la mise en œuvre de pieux par forage-tubé, également admise par le CCTP, et selon une technique de mise en place par vibro-fonçage. Les premiers juges en ont déduit à juste titre qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, Bordeaux Métropole, qui ne pouvait ignorer ni le mauvais état initial du pont des Hôtels, ni la mauvaise qualité du sol, ni le principe d'une modification du procédé de forage utilisé à la suite de l'avis de la DREAL, a commis une faute en s'abstenant d'intervenir dans le choix de la nouvelle méthode d'implantation des pieux, manquant ainsi à son obligation de direction et de contrôle.

9. En revanche, en admettant qu'un défaut d'entretien du " Pont des Hôtels " par Bordeaux Métropole aurait contribué aux tassements, ou n'aurait pas permis de les éviter, cette faute n'est pas en lien direct avec les préjudices en cause, qui ne sont pas liés à l'état de cet ouvrage mais à l'interruption du chantier, que l'utilisation d'un procédé de forage adapté à sa fragilité aurait permis d'éviter.

10. Bordeaux Métropole soutient que l'entreprise, qui a proposé le procédé de forage par vibrations, a également commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, ce procédé n'était pas interdit par le cahier des clauses techniques particulières, qui ne comportait aucun avertissement à l'égard du " pont des Hôtels ". Ensuite, si la société Eiffage génie civil avait connaissance des études de sol, le rapport de mission G2, contrairement à ce que soutient l'appelant, ne déconseillait pas ce procédé mais préconisait seulement pour réaliser les forages, la technique de forés tubés permettant d'assurer la foration des graves sableuses et l'encrage dans les marnes raides, la stabilité des terrains de couverture sous la nappe, le coulage du béton sous l'eau et ainsi que le maintien des armatures dans de bonnes conditions, ne comportant aucune mise en garde relative à l'ouvrage existant. Par ailleurs, il résulte également du rapport d'expertise que la société Eiffage a respecté les contraintes du chantier et les éléments d'environnement connus au moment de la signature du contrat puis lors des travaux. En particulier, il n'est pas démontré que l'entreprise avait connaissance des rapports sur l'entretien du pont routier, ni de ses caractéristiques techniques. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le procédé de vibro-fonçage a été validé par la maîtrise d'œuvre et par le bureau de contrôle. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société Eiffage génie civil.

11. Toutefois, le maître d'ouvrage ne saurait être regardé comme entièrement responsable des conséquences dommageables d'un mauvais choix de méthode de forage du sol pour la mise en œuvre des palplanches et des pieux. Ainsi le maître d'œuvre, qui était chargé notamment, selon l'annexe 1 au cahier des clauses administratives particulières, s'agissant du lot n°4 " extension de la ligne C ", des études préliminaires et diagnostics et du suivi de l'exécution des travaux et ne devait pas ignorer les caractéristiques techniques et l'état de l'ouvrage routier auquel le nouveau pont allait être accolé, a commis une faute en validant le procédé de forage par vibration. Il en va de même du bureau de contrôle technique CETE Apave sud europe, chargé notamment d'une mission " Av " de stabilité des avoisinants.

12. Compte tenu de l'intervention de ces autres constructeurs dans la survenance du dommage, dont Bordeaux Métropole peut utilement se prévaloir, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité de Bordeaux Métropole en la condamnant à indemniser la société Eiffage génie civil à hauteur de 25 % des préjudices causés par l'interruption du chantier.

13. Le préjudice subi par la société Eiffage génie civil tenant en des surcoûts liés à l'allongement de la durée d'exécution des principales tâches est établi dans son principe, notamment par ses courriers des 25 février et 23 mai 2013, quand bien même aucun constat contradictoire, moyen de preuve prévu à l'article 12 du cahier des clauses administratives générales, n'a été réalisé. Il y a lieu de retenir, ainsi que l'ont fait les premiers juges, l'évaluation réalisée par le maitre d'œuvre, qui retient 59 jours d'arrêt pour les pieux, 21 jours supplémentaires d'approvisionnement des tubes ainsi que 11 jours de perte de cadence, soit une somme de 478 002,80 euros. En se bornant à faire valoir qu'elle n'est ni datée, ni signée, le maître d'ouvrage ne remet pas sérieusement en cause cette évaluation, laquelle est plus précise que celle retenue par le CCIRAL.

14. En revanche, s'agissant des dépenses liées à l'allongement de la durée globale du chantier, les premiers juges ont alloué à la société Eiffage génie civil la somme totale de 170 417,87 euros, dont 111 844,21 euros, somme admise par le maître d'œuvre, au titre du renforcement du personnel d'encadrement sur le chantier et 58 573,66 euros au titre de frais de matériel. Or, d'une part, si la société Eiffage soutient que le chantier s'est achevé plus de quatre mois après la date prévue au planning joint au mémoire technique de l'entreprise, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la durée réelle de ce retard alors qu'il est en partie dû à d'autres facteurs, notamment des intempéries, et que le maître d'œuvre a lui retenu un retard imputable à l'interruption intervenue entre le 17 janvier au 13 mai 2013 de seulement deux mois. D'autre part, et surtout, pour établir la réalité de son préjudice, la société Eiffage génie civil se contente de produire un prix nouveau 42 établi par ses soins, qui n'est accompagné d'aucun justificatif, et qui ne démontre ainsi nullement les surcoûts qu'elle allègue avoir supportés.

15. Les premiers juges ont également accordé à la société Eiffage génie civil la somme de 154 112 euros au titre de la réorganisation du phasage des tabliers, qui a permis de limiter l'impact de l'arrêt des travaux. Elle soutient que cette réorganisation a conduit l'entreprise a réaliser un des tabliers du pont, 65 centimètres au-dessus de ses appuis définitifs, ce qui l'a contrainte à mettre en œuvre des moyens supplémentaires en termes de main d'œuvre, de moyens et d'encadrement pour concevoir un dispositif afin de descendre le tablier et de le guider, à faire usage de camarteaux de calage pour réaliser le tablier en sur-gabarit 65 centimètres au-dessus du tablier, à procéder à un étaiement supplémentaire et à mettre en place un deuxième outil de coffrage du tablier. Toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, alors que ces modifications n'ont pas donné lieu à ordre de service. Elle n'établit pas d'avantage la réalité des coûts supplémentaires allégués.

En ce qui concerne les différends portant sur la réalisation de prestations :

S'agissant de la modification des inclusions rigides :

16. Il résulte de l'instruction que, le 26 septembre 2012, la société Eiffage génie civil a proposé de mettre en place sous le côté lac des deux rampes du pont, un mur de soutènement en L en béton préfabriqué et des inclusions rigides supplémentaires à la place des palplanches prévues au marché. Cette modification a été acceptée par le maître d'œuvre, et un avenant n°1 conclu le 21 janvier 2014 a notamment prévu la rémunération forfaitaire de la réalisation de ces murs de soutènement, comprenant la réalisation des inclusions rigides sous les murs, pour un montant de 124 500 euros hors taxes.

17. La société Eiffage génie civil fait néanmoins valoir que, alors qu'elle avait démarré les travaux d'inclusions rigides le 10 décembre 2012, comme prévu au planning, le maître d'œuvre lui a demandé, lors de la réunion de chantier du lendemain, de ferrailler les têtes des deux files d'inclusions situées sous les murs, et ce pour les deux rampes, ce qui l'a contrainte à arrêter cette partie du chantier, et à réorganiser son phasage. Les premiers juges ont condamné Bordeaux Métropole à lui verser à ce titre une somme de 12 876 euros hors taxes correspondant à diverses dépenses de matériel et de main d'œuvre pour deux jours d'arrêt de chantier. Toutefois, d'une part, ces surcoûts ne constituent pas en eux-mêmes des travaux supplémentaires et sont inclus dans la rémunération des murs de soutènement, l'avenant n° 1 stipulant que les inclusions seraient " éventuellement armées ", et que le prix 8-7, par renvoi au prix 4-9, comprend l'amenée, le déplacement et le repli de la machine, quel qu'en soit le nombre, la mise en station, le forage des inclusions quelle que soit leur longueur, le bétonnage en béton y compris les éventuelles surconsommations, la fourniture, le transport et la mise en œuvre des armatures sur les inclusions qui le nécessitent, les essais d'information et de contrôle, ainsi que les auscultations par réflexion, le recépage, la fourniture et la tête d'inclusion si nécessaire, le respect des tolérances d'exécution, l'utilisation de trépans si nécessaire, ainsi que le respect des contraintes environnementales définies au CCTP. D'autre part, en admettant qu'ils soient liés à une faute du maître d'œuvre, à qui la société Eiffage reproche des retards dans la validation de ses notes de calculs ainsi que des exigences techniquement injustifiées, cette circonstance est sans incidence sur la responsabilité du maître d'ouvrage, dont il n'est pas allégué, ni même établi, qu'il aurait manqué à ses obligations.

S'agissant de l'adaptation de la conception des chevêtres des piles culées :

18. Il résulte de l'instruction, notamment des stipulations de l'annexe 1 du CCAP, du CCTP du marché de maîtrise d'œuvre et notamment de son article 9.1.2.9, de l'article 9 du CCAP du marché d'entreprise et du chapitre B du CCTP de ce marché, que si Bordeaux Métropole a notamment confié au groupement de maîtrise d'œuvre, outre les études de projet avec les spécifications techniques, la réalisation de " plans directeurs ", en particulier un plan d'implantation, un profil en long, des coupes transversales et une note de calcul de prédimensionnement de l'ouvrage, les plans et études d'exécution étaient à la charge de la société Eiffage génie civil.

19. La société Eiffage génie civil se prévalant de l'avis émis par le CCIRAL le 11 octobre 2018 soutient, sans être sérieusement contredite par Bordeaux Métropole, que le dimensionnement envisagé par le maître d'œuvre dans ses études de conception des parties hautes des piles culées, appelées chevêtres, était erroné, et qu'elle a dû l'augmenter de 45 centimètres. Elle demande la somme de 10 150 euros au titre des frais de personnel engendrés par la reprise des études de conception et la somme de 28 275 euros au titre de la modification des outils coffrants, que les premiers juges lui ont accordées au titre de travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Toutefois, l'entreprise, qui ne produit pas les études de conception ni les échanges avec le maître d'œuvre, ne démontre pas que les erreurs ou insuffisances des études de projet et des plans à la charge du maître d'œuvre seraient telles qu'elle devrait être regardée comme ayant effectué ces prestations à la place du maître d'œuvre. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la modification des coffrages des piles culées devrait être regardée comme des travaux supplémentaires en raison de la modification de leurs dimensions, alors que ceux-ci sont rémunérés par des prix unitaires au m² en vertu du point 6 du bordereau des prix, et au demeurant alors que l'offre de la société Eiffage génie civil avait été établie au vu du document erroné. En l'absence de faute de Bordeaux Métropole, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à ce titre.

S'agissant de la mise en œuvre de longrines " BVD " rampe Domergue :

20. Les premiers juges ont condamné Bordeaux Métropole à verser la somme de 3 160 euros à la société Eiffage génie civil au titre de la mise en œuvre de longrines " BDV " rampe Domergue non prévue au marché mais demandée par le maître d'œuvre. La circonstance que celui-ci aurait commis une faute est sans incidence sur le droit au paiement de ces travaux supplémentaires.

S'agissant de la fourniture de deux regards avec décantation :

21. Les premiers juges ont condamné Bordeaux Métropole à verser la somme de 12 870 euros au titre de la fourniture et de la mise en œuvre de deux regards avec décantation. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal a relevé que ces travaux étaient prévus au marché, étant rémunérés au titre du prix 8-21 du bordereau. Mais l'appelante ne critique pas le motif du jugement tiré de ce que les travaux n'ont pas été effectivement payés à la société Eiffage génie civil.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne les demandes relatives aux désordres causés sur le " pont des Hôtels " :

22. La société Eiffage génie civil soutient que le préjudice de perte de rendement lié à l'interruption des travaux de forage du 17 janvier au 13 mai 2013 doit être porté à la somme de 1 315 557,68 euros hors taxes, tel que chiffré, dans un courrier du 25 octobre 2013, correspondant à un allongement de la durée de réalisation des pieux pour 996 296,58 euros hors taxes, des semelles pour 65 468,43 euros hors taxes, des piles pour 77 960,10 euros hors taxes, des culées pour 58 565,27 euros hors taxes, des tabliers pour 117 267,30 euros hors taxes, un allongement de la durée globale du chantier pour 870 998,33 euros hors taxes, enfin une réorganisation du phasage des tabliers pour 297 412,40 euros hors taxes. Toutefois, les durées d'allongement sont calculées par l'entreprise par comparaison entre les délais figurant sur le planning joint au mémoire technique de l'entreprise et le calendrier d'exécution, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, sans que l'imputabilité à l'interruption par l'ordre de service n°4 ne soit démontrée. Au demeurant, celui-ci ne portait que sur les pieux des quatre appuis P 13 à C 16 relatifs au tablier " OA 3 ", 54 pieux ayant déjà été forés, si bien que les travaux ne se sont pas interrompus pendant la durée moyenne de 137 jours évaluée par l'entreprise. En outre, un nouveau phasage des travaux, dont l'entreprise demande par ailleurs la compensation, a permis de réduire l'impact de l'arrêt. Par ailleurs, l'indemnisation recouvre des frais de main d'œuvre et d'encadrement, de prestataires et pour l'essentiel de location de matériel, alors qu'il résulte de l'instruction, par exemple du courrier adressé par son sous-traitant Sondefor du 19 mars 2013, que la durée d'immobilisation du matériel a été moindre que celle de l'interruption. Enfin, si le forage par louvoyeuse est plus lent, l'utilisation de ce nouveau procédé a donné lieu à l'établissement de nouveaux prix par ordre de service n° 9.

23. Ainsi qu'il a été dit aux points 14 et 15 du présent arrêt, les préjudices liés à l'allongement global de la durée du chantier, d'une part, et à la réorganisation du phasage des tabliers, d'autre part, ne sont pas établis. Par suite, la société Eiffage génie civil n'est pas fondée à réclamer, par la voie de l'appel incident, qu'ils soient indemnisés à hauteur, respectivement, de 600 688,50 euros hors taxes et 297 412,40 euros hors taxes.

24. La société Eiffage génie civil, par la voie de l'appel incident, demande également à la Cour l'indemnisation d'autres surcoûts s'élevant à 172 235,47 euros hors taxes. Sous l'intitulé " Interventions en période hivernale ", elle vise la mise en œuvre d'étanchéité pour 27 313 euros hors taxes, du béton bitumineux semi grenu pour 4 186,12 euros, et une augmentation de 30% de certains travaux de VRD pour 9 297,14 euros, de divers équipements pour 83 125,63 euros et de divers travaux dans les rampes s'élevant à 20 174,87 euros. Si le maître d'œuvre a reconnu que les travaux ont été exécutés en période hivernale, contrairement à ce qui était prévu, et a estimé que le préjudice était justifié à hauteur de 27 258,64 euros, la société intimée n'établit ni la réalité des surcoûts qu'elle invoque, ni le lien direct avec la faute commise par le maître d'ouvrage.

25. Il résulte de l'instruction que la société Eiffage génie civil a procédé à des travaux de réparation sur l'enrobé du Pont des Hôtels, que le maître d'œuvre valorise à 6 788,27 euros. Toutefois, ces dépenses concernent des travaux supplémentaires dont il n'est établi, ni même allégué, qu'ils auraient été prescrits par le maître d'œuvre.

26. Néanmoins, il résulte de l'instruction, notamment de son courrier du 2 avril 2013, que la société Eiffage génie civil a procédé à divers essais de matériel pour le forage des pieux, à la demande de la maîtrise d'œuvre. Ces dépenses doivent être regardées comme justifiées, suivant le décompte de la société, à hauteur de 7 756 euros hors taxes, le surcroît de frais généraux n'étant en revanche pas établi.

En ce qui concerne les autres différents portant sur la réalisation de prestations :

S'agissant de la modification des inclusions rigides :

27. La société Eiffage réclame, par la voie de l'appel incident, l'octroi d'une somme de 6 960 euros au titre de la reprise des études d'exécution. Toutefois, ces surcoûts sont inclus dans la rémunération des murs de soutènement, par l'avenant n° 1, nonobstant l'absence de mention expresse des études d'exécution dans le détail du prix 8-7, ce que confirme l'article 3.3.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), lequel prévoit que les prix du marché tiennent compte " des dépenses résultant à quel titre que ce soit de l'exécution des travaux et notamment de tous les frais d'études et essais... ".

S'agissant de l'établissement de la note d'hypothèses générales :

28. La société Eiffage génie civil fait valoir que la mise au point de sa note d'hypothèses générales a duré deux mois et demi et que ce délai anormalement long est directement imputable aux insuffisances du maître d'œuvre dans sa mission " VISA ", tant par ses retards que par l'absence de coordination entre ses avis, ceux du contrôleur technique et ceux du contrôleur extérieur. Elle demande en conséquence à ce titre la somme de 13 050 euros hors taxes, correspondant au coût d'un ingénieur calcul pendant dix jours supplémentaires.

29. Il appartient au maître d'œuvre, selon l'article 24 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics et précisé par l'article 3.3 du chapitre B du CCTP du marché d'entreprise, et par l'article 9.2 du CCTP du marché de maîtrise d'œuvre, de viser les études d'exécution établies par l'entreprise en vérifiant qu'elles respectent les dispositions du projet, en synthétisant, le cas échéant, les observations des différentes compétences, le délai de visa étant fixé à dix jours ouvrables.

30. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réunion préliminaire de synthèse du 19 juin 2012, la société Eiffage génie civil a diffusé sa note d'hypothèses générales le 6 juillet 2012. Le maître d'œuvre a produit ses observations le 24 juillet 2012, lesquelles ne prenaient pas en compte les remarques du contrôleur technique. La reprise de sa note par l'entreprise a été achevée le 30 juillet 2012, et le maître d'œuvre a diffusé une fiche de synthèse des avis le 17 août 2012. Les échanges entre le maître d'œuvre, l'entreprise et le contrôleur technique se sont poursuivis jusqu'au 12 septembre 2012, et la validation de la note d'hypothèses générales n'a eu lieu que le 20 septembre 2012 avec observations, puis sans observations le 12 novembre 2012. En admettant que le groupement de maîtrise d'œuvre aurait manqué à ses obligations notamment en termes de délais, il n'en résulte pas que le maître d'ouvrage, lequel n'a pas été alerté par la société Eiffage génie civil, aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché.

S'agissant de l'établissement de la note de calcul des tabliers :

31. La société Eiffage génie civil soutient que les données d'entrées pour l'usage du logiciel de calcul des ouvrages d'art fournies par le maître d'œuvre étaient erronées et ont nécessité une adaptation représentant un coût de main d'œuvre évalué à 20 590 euros hors taxes. Toutefois, ainsi que l'on retenu à juste titre les premiers juges, d'une part, ces notes de calcul font partie des études d'exécution à la charge de la société Eiffage génie civil, et selon l'article 7 du CCTP relatif aux actions sur les ouvrages de franchissement, le tablier de l'ouvrage de franchissement à construire était soumis contractuellement aux Eurocodes qui sont les codes européens de conception et de calcul des ouvrages. Par conséquent, la société Eiffage ne peut prétendre, que ce soit sur le fondement des sujétions imprévues ou des travaux supplémentaires, à une indemnisation pour les surcoûts liées aux ajustements de la note de calcul des tabliers consécutifs à l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, plus contraignante. D'autre part, l'établissement de ces données techniques, issues du prédimensionnement de l'ouvrage effectué par le maître d'œuvre au titre des études de projet, n'appartenait pas au maître de l'ouvrage au titre de l'estimation de ses besoins ou de la conception du marché. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que Bordeaux Métropole aurait commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle, en l'absence d'alerte de la part de l'entreprise.

S'agissant de la mise au point des appareils d'appuis bloqués :

32. La société Eiffage génie civil soutient que du fait de l'insuffisante définition des appareils d'appui dans le cahier des clauses techniques particulières, les difficultés qu'elle a connues pour élaborer la note de calcul particulière de ces appareils a causé un surcoût de main d'œuvre, évalué à 6 515 euros hors taxes, outre le retard dans le bétonnage du tablier.

33. Le point 1. " Appareils d'appui " du chapitre L du CCTP définit ceux-ci comme des appareils en caoutchouc fretté, qui peuvent être soit classiques, soit avec ancrages. Le 1.2 précise qu'ils doivent être conformes aux normes NF EN 1337-3 ou NF EN 1337-8, concernant leur marquage, emballage et modalités de conservation sur le chantier, le 1.3 détaillant les recommandations et guides à suivre pour leur mise en œuvre, les spécifications du mortier, les tolérances sur la position des bossages, des plaques d'ancrage et les appareils d'appui, et le 1.4 expose enfin les " points critiques " et " points d'arrêt " pour leur mise en œuvre.

34. A supposer que ces documents soient insuffisamment précis, la société Eiffage génie civil a formulé son offre au regard de ce CCTP et du bordereau des prix, lequel rémunère les appareils d'appui néoprènes ancrés 33,40 euros le dm3 et les appareils d'appui néoprènes 25,80 euros le dm3, comprenant les études et plans d'exécution en vertu de l'article 3.3.1 du CCAP du marché de travaux. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les difficultés rencontrées par l'entreprise pour établir la note de calcul particulière des appareils d'appuis bloqués auraient eu pour origine une faute du maître d'ouvrage, ni que la société Eiffage génie civil aurait réalisé des prestations hors marché.

S'agissant de la modification des garde-corps de l'ouvrage :

35. Aux termes de l'article 1.4.6 du chapitre A du CCTP relatif à l'aspect de l'ouvrage : " Les dispositifs des garde-corps devront être conformes aux plans du marché et soumis à l'agrément du maître d'œuvre par la présentation d'un prototype fini avant le début de la fabrication en série ". Le prix 8-6 du bordereau des prix unitaires rémunère la fourniture et la pose d'un garde-corps métallique, conforme aux documents du marché et aux prescriptions du CCTP, à hauteur de 280 euros le mètre linéaire, et comprend la pose et la fourniture d'un garde-corps provisoire éventuel, la fourniture d'un prototype, les essais nécessaires, la fourniture et la pose de tous les éléments du garde-corps, y compris le remplissage, la préparation de la réservation, le scellement des dispositifs de fixation, toutes sujétions relatives à la pose et au réglage, tout accessoire et dispositif de fixation protégée contre la corrosion, les raccordements entre les éléments, la protection anticorrosion et la peinture de finition ".

36. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations de galvanisation, les tôles de remplissage des garde-corps de 3 mm d'épaisseur prévues par le maître d'œuvre se déformaient. Après avoir fourni plusieurs prototypes pour tenter de conserver le projet initial, la société requérante a décidé de porter l'épaisseur des tôles à 5 mm. L'élément témoin du garde-corps avec des tôles de cette épaisseur a été validé par le maître d'œuvre le 10 décembre 2013.

37. La société Eiffage génie civil demande la condamnation de Bordeaux Métropole à lui verser la somme de 6 090 euros hors taxes au titre des reprises d'études destinées à pallier l'erreur de conception initiale. Toutefois, il résulte de l'instruction que le 30 janvier 2014, le maître d'œuvre a notifié à l'entreprise un prix provisoire 8-40, correspondant à la plus-value pour l'augmentation de l'épaisseur de la tôle perforée des garde-corps de 3 à 5 mm, à hauteur de 47 euros le mètre linéaire s'ajoutant au prix 8-6. Ce prix comprenant, en application des stipulations de l'article 3.3.1 du CCAP, le coût des études d'exécution correspondantes, la société Eiffage génie civil ne peut se prévaloir de l'existence de travaux supplémentaires.

38. Si l'entreprise soutient que ce prix provisoire est sous-évalué, et demande une somme de 3 515 euros hors taxes correspondant à un nouveau prix de 52 euros hors taxes par mètre linéaire, elle n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations.

39. Enfin, la société Eiffage génie civil demande une somme de 13 989,70 euros hors taxes au titre de la réalisation de prototypes supplémentaires avec des configurations différentes pour tenter de sauver la conception du projet avec une épaisseur de 3 mm, mais il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations auraient été ordonnées par le maître d'œuvre, ni qu'elles seraient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, et l'erreur du maître d'œuvre ne saurait être assimilée à une faute du maître d'ouvrage.

En ce qui concerne le différend portant sur les quantités exécutées :

40. La société Eiffage demande un complément de rémunération de 14 303,86 euros correspondant à l'application des prix unitaires aux quantités réellement exécutées selon elle. Il résulte de la comparaison entre le projet de décompte final de la société Eiffage génie civil et de l'analyse du maître d'œuvre que la différence concerne pour l'essentiel la reconstitution des berges, rémunérée 239 553 euros hors taxes pour 2 661,70 m3, alors que l'entreprise réclame 254 691 euros pour 2 829,90 m3. Ainsi que l'on retenu à juste titre les premiers juges, si la société intimée produit une feuille de calcul des métrés définitifs du marché, celle-ci n'est pas datée et n'a pas été établie contradictoirement alors que les quantités rémunérées au titre du décompte général sont celles qui ont été constatées par le maître d'œuvre dans le cadre de son analyse du projet de décompte final, et retranscrites sur le logiciel de traitement Ediflex, plateforme de dématérialisation visée à l'article 3.3.2.1 du CCAP.

41. La société Eiffage génie civil ne critique pas les motifs du jugement rejetant ses autres chefs de demande. Il en résulte qu'il y a lieu de ramener à 137 469,70 euros hors taxes, soit 164 963,64 euros toutes taxes comprises le montant de l'indemnité due par Bordeaux Métropole à la société Eiffage génie civil et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les frais de l'instance :

42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Eiffage génie civil demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Eiffage génie civil une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Bordeaux Métropole et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 1 043 836,40 euros toutes taxes comprises que Bordeaux Métropole a été condamnée à verser à la société Eiffage génie civil par le jugement du 20 octobre 2021 est ramenée à 164 963,64 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 octobre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société Eiffage génie civil versera à Bordeaux Métropole la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Bordeaux Métropole et à la société Eiffage génie civil.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024.

Le rapporteur,

Julien A...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX04577 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04577
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MOLAS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;21bx04577 ?
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