Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du permis de construire modificatif délivré le 23 août 2022 par la maire de la commune de Biarritz à la société à responsabilité limitée Biarritz camping pour la construction de 52 logements et de divers équipements sur la parcelle cadastrée section BZ n° 41.
Par une ordonnance n° 2301814 du 3 août 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de l'arrêté du 23 août 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 août et 4 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 févier 2024 au greffe de la cour, la société Biarritz camping et la société civile immobilière Mendixka, représentées par la SCP Celice, Texidor, Perier, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, puis par Me Delhaes de la SELARL Etche Avocats, demandent dans le dernier état de leurs conclusions :
1°) l'annulation de cette ordonnance du 3 août 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;
2°) le rejet des conclusions en suspension présentées par le préfet des Pyrénées-Atlantiques ;
3°) la mise à la charge de l'Etat du paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'ordonnance est irrégulière dès lors qu'elle n'est pas signée par le magistrat qui l'a rendue en violation de l'article R. 742-5 du code de justice administrative ;
- elle est également irrégulière car insuffisamment motivée ;
- le premier juge ne pouvait accueillir la requête dès lors que le déféré était tardif ; le préfet avait nécessairement connaissance du permis modificatif visé dans l'arrêté de transfert du 27 mars 2023 qui lui a été transmis le 28 mars suivant de sorte qu'il devait présenter son recours gracieux au plus tard le 29 mai 2023 et non, comme il l'a fait, le 15 juin suivant ; de plus, le préfet avait connaissance dès le 21 mars 2022 du dépôt sur la plateforme Actes, de la demande de permis modificatif ;
- le préfet n'a pas respecté la formalité de notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, s'agissant de son recours gracieux ; la notification n'a, en effet, été adressée qu'à la société Mendixka alors que le bénéficiaire du permis était la société Biarritz camping ;
- le permis initial n'était pas caduc lorsque le permis modificatif a été délivré ; des travaux de terrassements, fondations, voirie et réseaux ont été réalisés sans interruption de plus d'un an ;
- le juge des référés du tribunal a retenu à tort que le projet aurait dû donner lieu à un nouveau permis de construire ; il s'est fondé à tort sur l'existence de modifications substantielles alors qu'en application de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat, l'exigence d'un nouveau permis ne s'impose qu'en cas de bouleversements qui changent la nature même du projet, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; au surplus, la délivrance d'un permis modificatif au lieu d'un permis nouveau ne constitue pas en soi une illégalité ;
- le permis modificatif n'apporte aucune aggravation d'une éventuelle méconnaissance de la loi littoral ;
- le tribunal a également retenu à tort la méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme sans tenir compte du SCoT ; la légalité d'un permis modificatif s'apprécie au regard des seuls travaux objet de ce permis ; le projet n'est pas situé dans un espace proche du rivage ; il est situé dans un espace urbanisé, desservi par les réseaux, au demeurant classé par le SCoT dans une zone urbaine de centralité et ne méconnaît donc pas la loi littoral ; le camping situé au nord constitue un espace urbanisé compte tenu des structures qu'il comporte ; au surplus, le terrain d'assiette du projet doit être regardé comme un secteur déjà urbanisé au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Par ordonnance n° 484082 du 15 décembre 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué le jugement de la requête de la société Biarritz camping et de la société Mendixka à la cour.
Par des mémoires enregistrés les 31 janvier et 13 février 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la minute de l'ordonnance est bien signée par le juge des référés ;
- elle est suffisamment motivée ;
- le permis modificatif n'a été transmis au contrôle de légalité que le 19 avril 2023, sur demande des services de la préfecture ; un recours gracieux a été notifié le 20 juin suivant et un déféré a été présenté le 6 juillet suivant ; les pièces transmises le 28 mars 2023 ne concernaient que la procédure de transfert du permis ; le déféré n'était donc pas tardif dès lors que le délai ne court qu'à compter de la transmission de l'entier dossier au contrôle de légalité ;
- le recours gracieux a été dûment notifié à la société Mendixka, nouvelle détentrice des droits à construire ; une notification à la société Biarritz camping n'était pas nécessaire ; de plus, les deux sociétés ont leur siège social à la même adresse et ont des dirigeants et actionnaires similaires, de sorte qu'en tout état de cause, la société Biarritz camping doit être considérée comme ayant eu connaissance de la notification du recours ;
- contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le tribunal ne s'est pas fondé, pour apprécier la nécessité d'un nouveau permis, sur le critère obsolète des modifications substantielles malgré les termes employés, mais a analysé si le permis modificatif engendrait un bouleversement tel qu'il changeait la nature même du projet ; tel était le cas en l'espèce, compte tenu de l'agrandissement significatif de la surface de plancher du projet et du fait que le pétitionnaire est passé d'hébergements temporaires, déplaçables et sans artificialisation du sol à des bâtiments à étage de type immeubles collectifs avec fondations et a ajouté des bâtiments non prévus initialement ;
- le tribunal ne s'est pas borné à constater que le projet nécessitait un nouveau permis de construire mais a également relevé une méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance ne remet pas en cause les droits acquis par le premier permis de construire, celui-ci étant caduc dès lors que la dernière prorogation a été accordée jusqu'au 13 février 2019 et que la demande de permis modificatif est intervenue le 21 mars 2022 ; cette caducité faisait obstacle à ce qu'un permis modificatif soit délivré ; si les droits issus d'un permis ne peuvent être remis en cause par la contestation d'un permis modificatif, ce principe n'est pas applicable lorsque les modifications apportées viennent aggraver l'atteinte portée par le premier permis aux lois et règlements ce qui est le cas en l'espèce ; le principe ne s'applique pas non plus lorsque, comme en l'espèce, le permis modificatif est requalifié pour être considéré comme un permis initial ;
- le terrain d'assiette du projet est un espace proche du rivage compte tenu de la distance de 600 à 700 mètres de la mer et de la co-visibilité entre le terrain et la mer ; le projet ne se situe pas en continuité d'un espace urbanisé ; il est situé à l'extrémité sud de la commune, dans un secteur caractérisé par des espaces naturels et forestiers ; il est bordé au sud et à l'est par un espace boisé classé, des espaces verts à protéger et de vastes terrains naturels ; le terrain est marqué par une rupture de continuité avec le secteur bâti situé à l'ouest, séparé de toute construction par la rue des Landes de Cristobal ; en tout état de cause, le camping situé au nord de la rue d'Harcet, compte tenu de ses caractéristiques, ne constitue pas un espace urbanisé au sens de la loi littoral ; au surplus, à supposer que la parcelle se situe en continuité d'un espace urbanisé, le projet ne peut être regardé comme une extension limitée de l'urbanisation ; de plus, cette extension n'est pas justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme ; la prise en considération du SCoT pour apprécier le respect de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme est subordonnée au degré de précision du SCoT ; en l'espèce, le SCoT est insuffisamment précis pour qu'il soit pris en compte à ce titre ; d'ailleurs les requérantes n'avaient pas invoqué devant le premier juge de dispositions précises du SCoT, se bornant à faire état d'un extrait de carte dépourvu de toute précision ; cette carte était en réalité extraite de la page 66 du DOO ; elle ne concerne pas la loi littoral et ne comporte aucune précision à l'échelle pertinente ;
- le projet de construction est situé en discontinuité avec les parties urbanisées de la commune, bordé au sud et à l'est par un espace boisé classé, des espaces verts à protéger et de vastes terrains naturels ; il est séparé de l'agglomération par la rue des Landes de Cristobal ; le camping situé au nord ne peut pas être considéré comme une zone urbanisée dès lors qu'il est constitué pour l'essentiel d'emplacements nus et ne présente que quelques bâtiments en dur disséminés ;
- la faculté de construire dans un secteur déjà urbanisé est exclue dans les espaces proches du rivage ; de plus, les constructions ne sont possibles que si elles n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti ; enfin, le SCoT n'identifie pas ces secteurs ; par ailleurs, la procédure de l'article 42 de la loi ELAN n'a pas été mise en œuvre et la date butoir de son application est dépassée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme D... B... en qualité de juge des référés, en application du livre V du code de justice administrative.
Après avoir, à l'audience publique du 14 février 2024, présenté le rapport de l'affaire et entendu les observations de :
- Me Gaborit, représentant les sociétés Biarritz camping et Mendixka qui se réfère à ses écritures en insistant sur le caractère modificatif du permis dès lors que les seuls changements ont consisté à ajouter trois hébergements et quelques mètres carré supplémentaires et qu'aucune modification n'est intervenue par rapport à la loi littoral ; elle insiste également sur le fait que le terrain d'assiette se trouve dans une zone agglomérée, qu'il est desservi par les voies et réseaux, que la ruelle située au nord du projet ne crée pas une rupture d'urbanisation et que le camping situé également au nord constitue une continuité de l'urbanisation dès lors qu'il comporte plusieurs constructions ; elle souligne que les plans remis à l'audience par le représentant du préfet ne sont pas datés et n'établissent donc pas l'absence de constructions dans ce camping ; elle précise que son argumentation sur la notion de secteur déjà urbanisé est subsidiaire ; elle souligne, enfin, que le terrain ne peut être regardé comme un espace proche du rivage, la simple vue de la mer ne suffisant pas à créer une covisibilité ;
- M. A... C... et Mme E..., représentant le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui reprennent leurs écritures et remettent des pièces.
Les pièces remises à l'audience par M. A... C... ont été communiquées à la SELARL Etche Avocats.
Par ordonnance du 14 février 2024, la clôture de l'instruction a été différée au 15 février 2024 à 17h00 en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 15 février 2024 à 16h11, les sociétés Biarritz camping et Mendixka, représentées par la SELARL Etche Avocats, concluent aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures par les mêmes moyens.
Elles soutiennent en outre que :
- la notification du recours à la société Mendixka ne peut valoir notification à la société Biarritz camping ; les deux sociétés ne forment pas un groupe ;
- le fait que le terrain d'assiette soit séparé de l'agglomération par une rue ne traduit pas une rupture d'urbanisation, la rue étant au contraire un support de l'urbanisation ;
- le camping situé au nord est une zone urbanisée ; la jurisprudence ne distingue pas selon que les campings comportent des constructions autorisées.
Une note en délibéré a été produite par le préfet des Pyrénées-Atlantiques et enregistrée le 15 février 2024 à 17h36.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales reproduits par l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".
2. Le 23 août 2022, la maire de la commune de Biarritz a délivré un permis de construire à la société Biarritz camping pour la réalisation d'un projet d'hébergement hôtelier et touristique comportant la construction de 52 logements répartis en sept bâtiments dont quatre sur un niveau et trois en R+1, d'une piscine, d'une salle de sports, d'un hammam, d'une terrasse et d'un espace de loisirs ainsi que l'aménagement de 54 places de stationnement sur la parcelle cadastrée section BZ n° 41, située rue d'Harcet. Ce permis a été délivré à titre de permis modificatif de celui délivré le 13 février 2014 à la même société. Par arrêté du 27 mars 2023, le permis de construire a été transféré à la société civile immobilière Mendixka. Par courrier du 15 juin 2023, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé à la maire de Biarritz de retirer le permis modificatif du 23 août 2022 qu'il estime entaché d'illégalité. En l'absence de réponse à cette demande, le préfet a déféré le permis au tribunal administratif de Pau. Par ordonnance du 3 août 2023, le juge des référés du tribunal, saisi par le préfet d'une demande de suspension de ce permis en application des dispositions précitées au point 1 ci-dessus, a fait droit à cette demande. Les sociétés Biarritz camping et Mendixka ont saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi contre cette ordonnance. Les sociétés, dont la requête a été attribuée à la cour par décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 15 décembre 2023, font appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue (...) ". Il résulte de l'examen de la minute de l'ordonnance du juge des référés du 3 août 2023 que cette ordonnance est dûment signée.
4. En second lieu, l'ordonnance attaquée expose clairement les motifs pour lesquels les fins de non-recevoir opposées en défense ont été écartées. Elle énonce précisément les moyens qui ont été jugés par la juge des référés comme paraissant, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte contesté. Enfin, l'ordonnance affirme que pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen invoqué par le préfet n'apparaissait pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire en litige. Elle est ainsi suffisamment motivée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Aux termes de l'article L. 2131-36 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales comprennent, notamment, les permis de construire et les autres autorisations d'occupation du sol.
6. Ainsi que l'a relevé le premier juge, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire contesté du 23 août 2022 n'a pas été transmis au contrôle de légalité. Si, comme le soutient la commune en appel comme en première instance, l'arrêté du 27 mars 2023 portant transfert du permis de construire à la société Mendixka a été transmis au contrôle de légalité le lendemain, l'arrêté du 23 août 2022 n'était pas joint au dossier qui accompagnait cette transmission et le préfet a d'ailleurs sollicité, après réception de l'arrêté du 27 mars 2023, la transmission du permis et de l'entier dossier qui a été mis à sa disposition par courriel du 19 avril 2023. Par ailleurs, le dépôt sur la plateforme Actes, le 21 mars 2022, de la demande de permis modificatif ne peut davantage valoir transmission au représentant de l'Etat du permis en litige. Ainsi, le délai de recours du préfet n'a commencé à courir qu'à la date du 19 avril 2023.
7. Comme l'a également estimé le juge des référés du tribunal, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a notifié son recours gracieux daté du 15 juin 2023 à la SCI Mendixka, devenue titulaire de l'autorisation par l'effet du transfert du 27 mars 2023, par lettre recommandée dont l'intéressée a accusé réception le 19 juin 2023. Ainsi, la formalité de notification exigée par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme a été respectée et la fin de non-recevoir doit être écartée. Le recours gracieux du 15 juin 2023 ayant été présenté avant l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois et ayant été dûment notifié, il a interrompu ce délai. Le recours contentieux présenté devant le tribunal le 11 juillet 2023 n'était, dès lors, pas tardif.
Sur le bien-fondé de la suspension :
8. Pour prononcer la suspension de l'exécution du permis de construire contesté, le premier juge a retenu que les moyens invoqués par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, tirés de ce que les modifications apportées au projet initial imposaient de déposer une nouvelle demande de permis de construire et de la méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme étaient de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire du 23 août 2022.
9. Ainsi que l'a rappelé le premier juge dans l'ordonnance attaquée, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée et dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
10. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que le permis de construire contesté porte, comme il a été dit, sur la construction de 52 logements répartis en sept bâtiments dont quatre sur un niveau et trois en R+1, d'une piscine, d'une salle de sports, d'un hammam, d'une terrasse et d'un espace de loisirs ainsi que sur l'aménagement de 54 places de stationnement, tandis que le permis de construire initial ne concernait, outre 52 places de stationnement, qu'un bâtiment d'accueil et un bâtiment central abritant une piscine, ainsi que 48 mobil-homes sur châssis et roues, regroupés en 12 îlots et que la surface créée est passée de 2 153 m² à 2 715,5 m². Eu égard aux modifications apportées au projet et notamment à l'ajout de plusieurs bâtiments avec fondations et d'un aspect architectural totalement différent des mobil-homes initialement prévus et à l'augmentation de 25 % de la surface créée, ces modifications apparaissent comme apportant au projet un bouleversement tel qu'il en change la nature même. Ce permis doit, par suite, en l'état de l'instruction, être qualifié de permis de construire initial.
11. Si cette requalification ne traduit pas, par elle-même, une illégalité, elle a cependant pour conséquence que la légalité de ce permis doit s'apprécier, au regard des dispositions dont la méconnaissance est invoquée, en tenant compte de la totalité du projet autorisé.
12. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants (...) ".
13. Il résulte des dispositions des articles L. 121-3 et L. 121-8 du code de l'urbanisme qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
14. En l'état de l'instruction, il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette puisse être regardé comme situé dans une agglomération ou un village. Le projet constitue en conséquence une extension de l'urbanisation. Toutefois, en l'état des éléments de l'instruction, le terrain d'assiette du projet apparaît comme situé en continuité d'un secteur bâti situé à l'ouest, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de construction, même s'il en est séparé par une rue et que quelques boisements sont implantés en bordure de la parcelle, le long de cette rue. Par suite, en l'état de l'instruction, le projet doit être considéré comme destiné à s'implanter en continuité avec une agglomération ou un village existant. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme n'est pas, par suite, et en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du permis contesté.
15. En revanche, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer (...) ".
16. Il résulte des articles L. 121-3 et L. 121-13 du code de l'urbanisme qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité, et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'ils énumèrent. Cependant, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l'extension de l'urbanisation dans l'espace proche du rivage dans lequel l'opération est envisagée, le caractère limité de l'urbanisation qui résulte de cette opération s'apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné.
17. L'objectif d'urbanisation limitée visé par l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme implique que soit retenu dans sa totalité, comme espace proche du rivage, un territoire dont le développement urbain forme un ensemble cohérent. Si le critère de covisibilité est à prendre en compte pour la définition d'un tel espace proche du rivage, il n'implique donc pas que chacune des parcelles situées au sein de cet espace soit située en covisibilité de la mer, dès lors que ces parcelles ne peuvent être séparées de l'ensemble cohérent dont elles font partie.
18. En l'état de l'instruction, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé à environ 600 mètres du rivage pour sa partie la plus proche, que le terrain présente une vue sur la mer et que seules quelques constructions peu nombreuses séparent le terrain du rivage. Compte tenu de la configuration des lieux, et quand bien même le projet ne serait pas visible du rivage, le terrain d'assiette du projet doit être regardé comme situé dans un espace proche du rivage. Il n'est fait état d'aucune justification d'une extension de l'urbanisation du secteur répondant aux critères définis par les dispositions susrappelées du code de l'urbanisme ni de disposition suffisamment précise du schéma de cohérence territoriale devant être prise en compte pour apprécier le caractère limité de l'urbanisation résultant de l'opération en litige.
19. Il résulte de ce qui précède que les moyens combinés, invoqués par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, tirés de ce que les modifications apportées au projet initial imposaient de déposer une nouvelle demande de permis de construire et de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme sont de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire du 23 août 2022 et que les sociétés Biarritz camping et Mendixka ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal a prononcé la suspension de ce permis de construire.
Sur les frais liés à l'instance :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement aux sociétés requérantes de la somme qu'elles demandent au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête des sociétés Biarritz camping et Mendixka est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Biarritz camping, à la société civile immobilière Mendixka, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Biarritz.
Une copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Fait à Bordeaux, le 26 février 2024
La juge des référés,
D... B...
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 24BX00069