Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 juillet 2023 par lequel le préfet de La Réunion l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, a interdit son retour en France pendant un an. Il a aussi demandé l'annulation de l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2300930 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. A..., représenté par Me Rabearison, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 20 juillet 2023 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de le rapatrier à ses frais sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à son éloignement, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sans qu'il puisse bénéficier aux Comores d'un traitement approprié ;
- pour cette raison, son renvoi aux Comores méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit depuis 2020 avec une ressortissante française dont il attend un enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Dufour a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant comorien né le 14 juin 1986, est entré à La Réunion le 27 décembre 2012 muni d'un laissez-passer en évacuation sanitaire et a bénéficié, à compter de cette date, de titres de séjour délivrés en raison de son état de santé, renouvelés jusqu'au 13 janvier 2016. Le 27 novembre 2015, M. B... A... a été écroué au centre pénitentiaire de Saint-Denis, puis condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Denis le 18 août 2017 à une peine de six ans d'emprisonnement pour des faits d'atteinte sexuelle par majeur sur mineur de quinze ans. Libéré en mai 2020, M. B... A... n'a pas demandé la régularisation de sa situation et a été interpellé à la suite d'un contrôle de police routier le 6 juillet 2023. Le préfet de La Réunion a pris à son encontre le 11 juillet 2023 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, sur le fondement des 2° et 5° de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet de La Réunion l'a assigné à résidence dans le département de La Réunion pendant une durée de quarante-cinq jours. M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... souffre d'une dysplasie broncho pulmonaire sévère compliquée de surinfections et d'hémoptysie itératives. Cette pathologie fait l'objet d'un suivi trimestriel par le service de pneumologie et maladies infectieuses du groupe hospitalier Sud Réunion, associé à un traitement au long cours. L'absence de prise en charge médicale pouvant se traduire par une surinfection ou une hémorragie pulmonaire, est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour M. B... A... ainsi que permettent de l'établir, sans que le préfet le conteste, les certificats médicaux produits au dossier. Toutefois, aucune des attestations médicales produites, qui ne précisent même pas la nature du traitement pris par M. B... A..., n'établit que celui-ci ne pourrait bénéficier effectivement aux Comores du traitement que requiert sa pathologie. Il en va de même du certificat du médecin traitant de l'intéressé, qui se borne à évoquer la prévision d'une chirurgie pour une greffe pulmonaire.
4. S'il ressort du certificat en date du 20 juillet 2023 du docteur C... que M. B... A... souffre également, depuis 2007, d'épilepsie traitée par Lamictal, et d'un trouble psychiatrique nécessitant un suivi et un traitement par thymorégulateur, le requérant n'apporte aucun élément tendant à établir qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié aux Comores, à supposer en outre que l'absence de ce traitement puisse avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant les Comores comme pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui se fonde sur les mêmes considérations que celles invoquées à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Et aux termes de l'article L. 612-6 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
8. M. B... A... ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, il appartenait en principe au préfet de La Réunion, sauf circonstance humanitaire, d'assortir cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français. Si le requérant soutient qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française dont il attend un enfant, il n'assortit ses allégations, que le préfet conteste, d'aucun commencement de preuve. Par ailleurs il ressort des pièces du dossier que, bien que résidant en France depuis 2012, M. B... A... ne justifie d'aucune insertion ni d'aucun lien familial ou privé sur le territoire. Il a été condamné en 2017 à une peine de six ans d'emprisonnement pour agression sexuelle sur mineur, et ne conteste pas avoir été interpelé, le 6 juillet 2023, pour conduite d'un véhicule terrestre à moteur sans permis et sans assurance, en récidive. Ainsi, même si M. B... A... n'avait fait l'objet auparavant d'aucune mesure d'éloignement, le préfet de La Réunion n'a pas commis d'erreur d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en interdisant son retour sur le territoire pendant un an.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2024
Le rapporteur,
Julien Dufour
Le président,
Frédéric Faïck
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02288 2