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08/02/2024 | FRANCE | N°22BX01860

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 22BX01860


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Vienne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.



Par un jugement n° 2003062 du 17 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête,

enregistrée le 7 juillet 2022, Mme B... C..., représentée par la SELARL Grimaldi, Molina et Associés, agissant par Me Grimaldi, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Vienne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement n° 2003062 du 17 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2022, Mme B... C..., représentée par la SELARL Grimaldi, Molina et Associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2003062 du 17 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en litige du 2 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours de la Vienne de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Vienne une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le médecin de prévention n'a pas établi le rapport écrit à remettre à la commission de réforme en application de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique hospitalière ;

- la commission de réforme, qui s'est réunie le 17 septembre 2020 pour rendre un avis sur l'imputabilité au service de sa maladie, était irrégulièrement composée dès lors qu'elle ne comportait pas le médecin spécialiste de l'affection dont elle était atteinte, conformément à l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en droit comme en fait ;

- en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, la présidente du service départemental d'incendie et de secours de la Vienne a méconnu les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui instituent une présomption d'imputabilité au service pour toute maladie contractée dans le temps et le lieu du service, ou dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ; après avoir été placée en congé de maladie à la suite d'un accident survenu le 2 mai 2017, reconnu imputable au service, elle a repris ses fonctions en septembre 2019 dans des conditions dégradées ; elle a subi le comportement vexatoire et humiliant de son supérieur hiérarchique et l'administration n'a pas cherché à adapter ses conditions de travail à son état de santé ; cette situation a conduit de nouveau à son placement en congé de maladie à compter du 1er octobre 2019 ; il est établi que ses problèmes de santé sont liés à ses conditions de travail et à l'attitude de son supérieur hiérarchique ; à cet égard, tant l'expert médical qui l'a examinée que la commission de réforme ont estimé que sa maladie était bien imputable au service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, le service départemental d'incendie et de secours de la Vienne, représenté par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., adjointe administrative principale territoriale de première classe, travaillait comme secrétaire pour le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Vienne depuis 1985. Le 2 mai 2017, elle a été victime d'un accident reconnu imputable au service à la suite duquel elle a bénéficié d'un congé de maladie. Le 16 septembre 2019, Mme C... a repris ses fonctions au SDIS de la Vienne avant d'être, à nouveau, placée en arrêt de travail à compter du 1er octobre 2019 en raison d'un syndrome anxio-dépressif. Mme C... a, le 10 février 2020, demandé au SDIS de la Vienne de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un arrêté du 2 novembre 2020, la présidente du conseil d'administration du SDIS de la Vienne a rejeté sa demande. Mme C... relève appel du jugement rendu le 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2020, et à ce qu'il soit enjoint au SDIS de la Vienne de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux fonctionnaires territoriaux en vertu de l'article L. 211-1 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ".

3. L'arrêté du 2 novembre 2020 en litige est motivé en droit dès lors qu'il vise les dispositions législatives et règlementaires régissant la demande de Mme C.... Par ailleurs, l'arrêté vise les différentes pièces médicales relatives à la situation de Mme C..., ainsi que les témoignages des agents entendus à l'occasion de l'enquête administrative que le SDIS de la Vienne a organisée après que l'intéressée s'était plainte du comportement de son supérieur hiérarchique et de ses conditions de travail. A cet égard, l'arrêté précise que les éléments recueillis, en particulier des compte-rendu écrits des agents, n'ont pas confirmé les allégations de Mme C... selon lesquelles elle aurait eu des conflits verbaux avec son supérieur hiérarchique. La présidente du SDIS de la Vienne en a déduit que le syndrome dépressif dont souffrait Mme C... n'était pas imputable au service. Par suite, la présidente du SDIS de la Vienne, qui n'était pas tenue de préciser dans les motifs de sa décision la teneur des témoignages recueillis auprès des agents ni de joindre l'avis de la commission de réforme, a motivé en fait son arrêté. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que le médecin de prévention n'a pas adressé à la commission de réforme, chargée d'émettre un avis sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de l'agent, le rapport prévu à l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004, relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale, la requérante ne se prévaut, devant la Cour, d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. De même, à l'appui de son moyen tiré de ce que la commission de réforme ne comportait pas, parmi ses membres, de médecin spécialiste, en application de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004, la requérante ne se prévaut pas davantage d'éléments de droit ou de fait autres que ceux exposés en première instance. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, issu de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, qui institue un " congé pour invalidité temporaire imputable au service ", et repris désormais aux articles L. 822-18 et suivants du code de la fonction publique: " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service (...). Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / IV. - Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires. (...) ".

6. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la fonction publique territoriale. Les droits des agents en matière d'accident de service ou de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du médecin psychiatre désigné par le SDIS de la Vienne, que le syndrome dépressif dont souffre Mme C... est apparu en septembre 2019, soit postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, Mme C... peut prétendre à l'octroi du congé pour invalidité temporaire imputable au service, instituée par ces dispositions, si elle en remplit les conditions.

7. Il n'est pas contesté que le syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme C... ne relève pas des tableaux de maladie professionnelle mentionnés aux articles L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Ainsi qu'il a été dit, après un congé de maladie qui a duré deux ans et demi à la suite de son accident de service du 2 mai 2017, Mme C... a repris son travail à mi-temps thérapeutique le 16 septembre 2019 au service " prévention / opérations " du SDIS de la Vienne. Mme C... se plaint du comportement de son supérieur hiérarchique qui ne l'aurait pas aidée à s'adapter à ses nouvelles conditions de travail et aurait même adopté à son encontre une attitude vexatoire et humiliante en présence de ses collègues, raisons pour lesquelles elle a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 1er octobre 2019.

8. Il ressort des pièces du dossier que le SDIS de la Vienne a procédé à une enquête administrative au cours de laquelle les agents travaillant dans le même service que Mme C... ont été entendus. Il ressort des témoignages écrits de ces agents que les vexations et conflits verbaux allégués par Mme C... ne sont pas établis et que cette dernière a travaillé dans les mêmes conditions que ses collègues. En outre, elle a bénéficié, lors de sa reprise de fonctions, d'un poste aménagé pour tenir compte des douleurs lombo-sciatiques ayant justifié son précédent arrêt de travail. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que Mme C... aurait évolué dans un contexte de travail pathogène susceptible d'expliquer l'apparition de sa maladie.

9. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages écrits des agents interrogés dans le cadre de l'enquête administrative, que Mme C... a, le 25 septembre 2019, quitté de sa propre initiative une séance de formation sur un logiciel, dispensée à la demande de sa hiérarchie pour faciliter sa reprise de fonctions, et que, interrogée par son supérieur hiérarchique sur les raisons de son départ, elle a haussé la voix en minimisant l'intérêt de cette formation. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que cet échange n'aurait pas relevé d'un exercice normal du pouvoir hiérarchique par le supérieur de Mme C....

10. Quant au rapport d'expertise établi le 16 juin 2020 par le médecin psychiatre à la demande du SDIS de la Vienne, il se fonde exclusivement sur les déclarations de Mme C... pour admettre l'imputabilité au service de la maladie de cette dernière. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 et 10 ci-dessus, ni ce rapport ni l'avis favorable à la demande de Mme C... émis par la commission de réforme, qui n'exerce que des attributions consultatives, ne permettent d'estimer que le syndrome anxio-dépressif réactionnel dont souffre l'intéressée a essentiellement et directement été causé par l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2020.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de la Vienne, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée par Mme C... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... une somme demandée par le SDIS au même titre.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le SDIS de la Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au service départemental d'incendie et de secours de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024. Le rapporteur,

Frédéric A...

La présidente,

Ghislaine MarkarianLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01860 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01860
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI-MOLINA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22bx01860 ?
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