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08/02/2024 | FRANCE | N°21BX02856

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 21BX02856


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la société Ingerop conseil et ingénierie, l'EURL Assistance, Conseil Etude et Suivi (ACES), la société Emile Gaddarkhan et fils et la société guadeloupéenne D... à chaud (A...) à lui verser la somme de 44 991 275 euros en réparation des désordres affectant l'aéroport de Pointe-à-Pitre, sur le fondement de la responsabilité contractuelle à titre subsi

diaire, de condamner les mêmes parties à lui verser cette somme sur le fondement de la garantie ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la société Ingerop conseil et ingénierie, l'EURL Assistance, Conseil Etude et Suivi (ACES), la société Emile Gaddarkhan et fils et la société guadeloupéenne D... à chaud (A...) à lui verser la somme de 44 991 275 euros en réparation des désordres affectant l'aéroport de Pointe-à-Pitre, sur le fondement de la responsabilité contractuelle à titre subsidiaire, de condamner les mêmes parties à lui verser cette somme sur le fondement de la garantie décennale, et de condamner la société Ingerop conseil et ingénierie et l'EURL B... à lui verser la somme de 2 488 032,14 euros au titre du dépassement de la quantité nécessaire de matériaux en raison de la modification du projet en cours d'exécution.

Par un jugement n° 1800648 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné solidairement les sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Emile Gaddarkhan et Fils et A... à verser à la société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes la somme de 2 019 898 euros, la société Ingerop conseil et ingénierie, d'une part, les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A..., d'autre part, devant se garantir mutuellement à hauteur de 50 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre.

Procédure devant la Cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2021 sous le n° 21BX02856, la société par actions simplifiée (SAS) Emile Gaddarkhan et fils et la H... à Chaud, représentées par AGM Avocats, agissant par Me Dazza, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 mai 2021 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de la Guadeloupe les a condamnées, solidairement avec la société Ingerop conseil et ingénierie, à verser à la Société Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes la somme de 2 019 898 euros, a rejeté l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles et a mis à mis à leur charge, solidairement avec la société Ingerop conseil et ingénierie, les frais d'expertise ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) d'assortir la condamnation au titre du solde du marché des intérêts de retard ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la société Ingerop conseil et ingénierie, de la Société Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes et de l'entreprise Assistance Conseil Etude et Suivi une somme de 50 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions relatives au surcoût lié à l'erreur de relevé topographique ;

- les premiers juges n'ont pas motivé le rejet de leurs conclusions relatives au surcoût causé par les vices structurels profonds et l'ajournement du chantier ;

- le coût de maintien de la piste a pour objet d'éliminer les désordres résultant d'une mauvaise appréciation par le maître d'œuvre des faiblesses dans les couches anciennes de la piste qui ne leur sont pas imputables ;

- ce préjudice n'a aucun lien avec les réserves et ne peut ainsi engager leur responsabilité contractuelle ;

- leur responsabilité contractuelle subsiste par la faute des maîtres d'œuvre et du maître de l'ouvrage qui les ont empêchés de procéder à la reprise des travaux objets des réserves ;

- le montant de ces travaux se limite à la somme de 494 968,32 euros hors taxes ;

- les maîtres d'œuvre, qui ont dirigé et contrôlé quotidiennement leurs prestations, doivent être condamnés à les garantir des condamnations mises à leur charge ;

- au titre du solde du marché de travaux, le maître d'ouvrage leur doit la somme de 377 589,55 euros, qui doit être assortie des intérêts de retard à compter du 30 juin 2014, soit au 30 juin 2021 la somme de 74 043,02 euros ; les manquements qui ont fait l'objet de réserves doivent se régler dans le cadre de la responsabilité contractuelle, sauf à les sanctionner deux fois ;

- le maître d'ouvrage, au titre de sa responsabilité contractuelle, ou le maître d'œuvre, au titre de sa responsabilité délictuelle, doivent être condamnés à les indemniser des surcoûts causés par l'erreur de relevé topographique mise en évidence par l'expertise, soit 2 458 108,47 euros ;

- le maître d'ouvrage, seul ou conjointement avec le maître d'œuvre, doit également être condamné à les indemniser des surcoûts liés à leurs interventions pour éliminer ponctuellement en surface les désordres résultant des vices structurels profonds pour 547 037,75 euros, à l'ajournement du chantier pour 1 193 556,73 euros et à l'approvisionnement en matériaux de la société Gravillonord pour 195 448,75 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Ingerop conseil et ingénierie, représentée par SJA Avocats, agissant par Me Jeambon, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Emile Gaddarkhan et fils, G... à Chaud et l'entreprise Assistance Conseil SPS Etude et Suivi soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce que soit mise à la charge solidaire des sociétés Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes, Emile Gaddarkhan, et fils et F... E... à Chaud une somme de 43 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- les entreprises avaient accès au chantier pour reprendre les désordres apparus au cours de l'année de parfait achèvement ; elle a d'ailleurs conseillé au maître de l'ouvrage de leur adresser une mise en demeure ;

- la garantie de parfait achèvement ne pèse pas sur le maître d'œuvre ;

- elle n'a commis aucune faute s'agissant des désordres ayant fait l'objet de réserves ;

- le maître d'ouvrage, en accordant une remise inconditionnelle des pénalités dues par le groupement d'entreprises, a commis une faute justifiant le rejet de ses demandes ; il a également commis une faute dans la définition de ses besoins ;

- les conclusions de l'expert sont techniquement infondées et notoirement inéquitables, et devront être écartées des débats ; en outre, l'expert a écarté son dire n°45 au motif qu'il avait été produit tardivement alors qu'il a pris en compte le dire n°32 des sociétés requérantes, auquel le dire n°45 avait pour objet de répondre et qui avait été également produit après la clôture des opérations d'expertise, le 23 octobre 2018 ;

- les travaux de réparation vont entraîner une prolongation de la durée de l'ouvrage, initialement de 10 ans à compter de 2013 ;

- le maître d'ouvrage a également méconnu son obligation de loyauté en s'abstenant de lui remettre les conclusions du rapport de diagnostic de la société Egis Avia avant le démarrage des travaux alors que celui-ci était susceptible de révéler les insuffisances de son propre diagnostic ;

- les désordres apparus pendant l'année de garantie de parfait achèvement correspondent aux défauts d'exécution relevés par l'expert ;

- seules les entreprises sont débitrices des pénalités de retard ;

- le montant des dépenses liées au maintien opérationnel de la piste n'est pas justifié ;

- le montant des honoraires d'Egis Avia, et le lien avec les désordres ne sont pas établis ; il en va de même des frais relatifs à la surveillance de la piste ;

- le préjudice de jouissance n'est pas établi ;

- les travaux de réparation envisagés par le maître d'ouvrage pour un montant de 31 893 000 euros ne visent pas à remédier aux désordres causés par les travaux litigieux et auraient, en tout état de cause, été réalisés ; ils sont également surévalués ; il conviendrait également d'exclure de l'indemnisation le financement par le FEDER à hauteur de 10 millions d'euros ;

- les pentes de l'ouvrage qu'elle a prévu n'étaient pas contraires à la réglementation ; la mise en conformité de la piste avec la nouvelle réglementation constitue une amélioration qui ne peut être mise à sa charge ;

- les conclusions des entreprises fondées sur sa responsabilité délictuelle sont distinctes du litige les opposant au maître d'ouvrage, et sont donc irrecevables ;

- elles sont également prescrites, en application de l'article 2224 du code civil ;

- les condamnations prononcées au bénéfice des entreprises ne peuvent l'être toutes taxes comprises ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'encontre des entreprises ;

- seul le maître d'ouvrage doit assumer l'erreur commise quant au relevé topographique ;

- les entreprises ne peuvent solliciter le règlement de matériaux non conformes, qu'elles ont en outre depuis utilisés ;

- les conclusions présentées au titre de l'ajournement du chantier se heurtent à la forclusion au regard des dispositions du cahier des clauses administratives générales, sont prescrites et dénuées du moindre justificatif ; il en va de même de la somme de 271 467,43 euros ;

- les travaux réalisés après la réception concernent la reprise des désordres, qui incombaient aux entreprises ; il n'est pas démontré que ces travaux ne relevaient pas du contrat d'entretien conclu avec la chambre de commerce et d'industrie ; en outre, le paiement des mêmes sommes lui est réclamé en partie par le maitre d'ouvrage.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 juin et 29 septembre 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) Assistance Conseil Sps Etude et Suivi, représentée par CLL Avocats, agissant par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés Emile Gaddarkhan et fils et F... E... à Chaud une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés requérantes n'établissent aucune faute de sa part, et ne critiquent pas le jugement qui a écarté sa responsabilité ;

- s'agissant d'un groupement conjoint, elle ne peut être condamnée solidairement avec la société Ingerop conseil et ingénierie ;

- le maître de l'ouvrage a fait le choix d'un renforcement ponctuel de la piste en lieu et place d'une réfection complète, alors qu'il était accompagné d'une entreprise chargée d'un diagnostic approfondi de la piste, qu'il a refusé de transmettre à la maîtrise d'œuvre ;

- compte tenu de ses conclusions, la Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes ne peut être regardée comme demandant sa condamnation.

Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2023, la Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes, représentée par la SELAS Elige Bordeaux, agissant par Mes Merlet-Bonnan et Lasserre conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du 4 mai 2021 en tant que le tribunal a limité à 2 019 898 euros la condamnation des sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Emile Gaddarkhan et fils et F... E... à Chaud et à ce que cette somme soit portée à 44 991 275 euros ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la condamnation des mêmes sociétés soit prononcée sur le fondement de la garantie décennale, à ce que les sociétés Ingerop conseil et ingénierie et Assistance Conseil Sps Etude et Suivi soient condamnées à lui verser la somme de 2 488 032,14 euros au titre du dépassement de la quantité nécessaire de matériaux à raison de la modification du projet en cours d'exécution et à ce que ces sociétés soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) à ce que soit mise à la charge des sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Assistance, Conseil SPS Etude et Suivi, Emile Gaddarkhan et fils et F... D... à Chaud une somme de 130 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les malfaçons ayant fait l'objet de réserves et celles apparues pendant la garantie de parfait achèvement engagent la responsabilité contractuelle des entreprises ;

- elle n'a jamais empêché le groupement d'entreprises d'intervenir sur l'ouvrage ;

- compte tenu des malfaçons affectant l'ouvrage, elle ne doit aucune somme au titre du solde du marché ;

- les demandes reconventionnelles des entreprises sont tardives, celles-ci n'ayant pas formulé de réclamation dans les délais à la suite du rejet de leur demande ;

- les entreprises ne peuvent solliciter le règlement de matériaux non conformes ; dans le cadre d'un marché forfaitaire, le chiffrage des matériaux relève de leur responsabilité ;

- le préjudice d'immobilisation de matériel n'est pas établi ;

- le surcoût lié à l'élimination des désordres de surface, d'une part entre pour partie dans l'obligation de réparer les désordres dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, et pour partie a été rémunéré par l'intermédiaire d'un marché dédié ;

- l'erreur dans le relevé topographique incombe à la maîtrise d'œuvre ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité des intervenants aux travaux ; elle a confié une mission complète de maîtrise d'œuvre au groupement et n'a dimensionné les réparations qu'en fonction des préconisations de ce dernier ;

- la mauvaise appréciation des besoins n'est pas de nature à atténuer les fautes commises par le groupement d'entreprise, tenant à des défauts d'exécution ;

- les désordres sont en lien avec les réserves prononcées lors de la réception ;

- le dossier de consultation des entreprises n'a pas repris les exigences de la réglementation ; la maîtrise d'œuvre n'en a pas fait état lors de la réception alors qu'elle en avait eu connaissance en cours de chantier ; la responsabilité solidaire de la maîtrise d'œuvre peut être recherchée pour des fautes commises dans les missions d'établissement du diagnostic, d'assistance à la passation des contrats, de conception de l'ouvrage, de conduite générale des travaux et d'assistance à la réception des travaux ;

- la reprise de la piste est la seule solution viable et ne constitue pas une amélioration de l'ouvrage ; les travaux envisagés au bout des dix ans devaient consister en des opérations d'entretien et non une reconstruction totale ;

- les dépenses liées au maintien opérationnel de la piste, la privation de jouissance et le coût des réparations sont justifiées et en lien avec les fautes contractuelles des intervenants au chantier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2023 par une ordonnance du 5 septembre 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2024, la société Ingerop conseil et ingénierie soutient, en réponse à la communication de pièces qui lui a été faite sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, que les éléments communiqués par la SAGPC, outre qu'ils n'ont, pour certains, pas été sollicités par la Cour, n'ont pas de valeur probante.

II.- Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 2 août 2021 et le 4 septembre 2023 sous le n°21BX03322, la Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes, représentée par la SELAS Elige Bordeaux, agissant par Mes Merlet-Bonnan et Lasserre, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'article 1er du jugement du 4 mai 2021 en tant que le tribunal a limité à 2 019 898 euros la condamnation des sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Emile Gaddarkhan et fils et F... E... à Chaud et de condamner les sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Assistance, Conseil Etude et Suivi, Emile Gaddarkhan et fils et F... D... à Chaud à lui verser la somme de 44 991 275 euros en réparation des désordres, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner les mêmes sociétés sur le fondement de la garantie décennale, de condamner les sociétés Ingerop conseil et ingénierie et Assistance Conseil Sps Etude et Suivi à lui verser la somme de 2 488 032,14 euros au titre du dépassement de la quantité nécessaire de matériaux à raison de la modification du projet en cours d'exécution et de condamner ces sociétés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Assistance, Conseil SPS Etude et Suivi, Emile Gaddarkhan et fils et F... D... à Chaud une somme de 130 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les malfaçons ayant fait l'objet de réserves et celles apparues pendant la garantie de parfait achèvement engagent la responsabilité contractuelle des entreprises ;

- elle n'a jamais empêché le groupement d'entreprises d'intervenir sur l'ouvrage ;

- compte tenu des malfaçons affectant l'ouvrage, elle ne doit aucune somme au titre du solde du marché ;

- les demandes reconventionnelles des entreprises sont tardives, celles-ci n'ayant pas formulé de réclamation dans les délais à la suite du rejet de leur demande ;

- les entreprises ne peuvent solliciter le règlement de matériaux non conformes ; dans le cadre d'un marché forfaitaire, le chiffrage des matériaux relève de leur responsabilité ;

- le préjudice d'immobilisation de matériel n'est pas établi ;

- le surcoût lié à l'élimination des désordres de surface entre pour partie dans l'obligation de réparer les désordres dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, et pour partie a été rémunéré par un marché dédié ;

- l'erreur dans le relevé topographique incombe à la maîtrise d'œuvre ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité des intervenants aux travaux ; elle a confié une mission complète de maîtrise d'œuvre au groupement et n'a dimensionné les réparations qu'en fonction des préconisations de ce dernier ;

- la mauvaise appréciation des besoins n'est pas de nature à atténuer les fautes commises par le groupement d'entreprise, tenant à des défauts d'exécution ;

- les désordres sont en lien avec les réserves prononcées lors de la réception ;

- le dossier de consultation des entreprises n'a pas repris les exigences de la réglementation ; la maîtrise d'œuvre n'en a pas fait état lors de la réception alors qu'elle en avait eu connaissance en cours de chantier ; la responsabilité solidaire de la maîtrise d'œuvre peut être recherchée pour des fautes commises dans les missions d'établissement du diagnostic, d'assistance à la passation des contrats, de conception de l'ouvrage, de conduite générale des travaux et d'assistance à la réception des travaux ;

- la reprise de la piste est la seule solution viable et ne constitue pas une amélioration de l'ouvrage ; les travaux envisagés au bout des dix ans devaient consister en des opérations d'entretien et non une reconstruction totale ;

- les dépenses liées au maintien opérationnel de la piste, la privation de jouissance et le coût des réparations sont justifiées et en lien avec les fautes contractuelles des intervenants au chantier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Ingerop conseil et ingénierie, représentée par SJA Avocats, agissant par Me Jeambon, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Emile Gaddarkhan, et fils, G... à Chaud et l'entreprise Assistance Conseil SPS Etude et Suivi soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce que soit mise à la charge solidaire des sociétés Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes, Emile Gaddarkhan, et fils et F... E... à Chaud une somme de 43 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- les entreprises avaient accès au chantier pour reprendre les désordres apparus au cours de l'année de parfait achèvement ; elle a d'ailleurs conseillé au maître de l'ouvrage de leur adresser une mise en demeure ;

- la garantie de parfait achèvement ne pèse pas sur le maître d'œuvre ;

- elle n'a commis aucune faute s'agissant des désordres ayant fait l'objet de réserves ;

- le maître d'ouvrage, en accordant une remise inconditionnelle des pénalités dues par le groupement d'entreprises, a commis une faute justifiant le rejet de ses demandes ; il a également commis une faute dans la définition de ses besoins ;

- les conclusions de l'expert sont techniquement infondées et notoirement inéquitables, et devront être écartées des débats ; en outre, l'expert a écarté son dire n°45 au motif qu'il avait été produit tardivement alors qu'il a pris en compte le dire n°32 de la requérante, auquel le dire n°45 avait pour objet de répondre et qui avait été également produit après la clôture des opérations d'expertise le 23 octobre 2018 ;

- les travaux de réparation vont entraîner une prolongation de la durée de l'ouvrage, initialement de 10 ans à compter de 2013 ;

- le maître d'ouvrage a également méconnu son obligation de loyauté en s'abstenant de lui remettre les conclusions du rapport de diagnostic de la société Egis Avia avant le démarrage des travaux alors que celui-ci était susceptible de révéler les insuffisances de son propre diagnostic ;

- les désordres apparus pendant l'année de garantie de parfait achèvement correspondent aux défauts d'exécution relevés par l'expert ;

- seules les entreprises sont débitrices des pénalités de retard ;

- le montant des dépenses liées au maintien opérationnel de la piste n'est pas justifié ;

- le montant des honoraires d'Egis Avia, et le lien avec les désordres ne sont pas établis ; il en va de même des frais relatifs à la surveillance de la piste ;

- le préjudice de jouissance n'est pas établi ;

- les travaux de réparation envisagés par le maître d'ouvrage pour un montant de 31 893 000 euros ne visent pas à remédier aux désordres causés par les travaux litigieux et auraient, en tout état de cause, été réalisés ; ils sont également surévalués ; il conviendrait également d'exclure de l'indemnisation le financement par le FEDER à hauteur de 10 millions d'euros ;

- les pentes de l'ouvrage qu'elle avait prévues n'étaient pas contraires à la réglementation ; la mise en conformité de la piste avec la nouvelle réglementation constitue une amélioration qui ne peut être mise à sa charge ;

- les conclusions des entreprises fondées sur sa responsabilité délictuelle sont distinctes du litige les opposant au maître d'ouvrage, et sont donc irrecevables ;

- elles sont également prescrites, en application de l'article 2224 du code civil ;

- les condamnations prononcées au bénéfice des entreprises ne peuvent l'être toutes taxes comprises ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'encontre des entreprises ;

- seul le maître d'ouvrage doit assumer l'erreur commise quant au relevé topographique ;

- les entreprises ne peuvent solliciter le règlement de matériaux non conformes, qu'elles ont en outre depuis utilisés ;

- les conclusions présentées au titre de l'ajournement du chantier se heurtent à la forclusion au regard des dispositions du cahier des clauses administratives générales, sont prescrites et dénuées du moindre justificatif ; il en va de même de la somme de 271 467,43 euros ;

- les travaux réalisés après la réception concernent la reprise des désordres qui incombaient aux entreprises ; il n'est pas démontré que ces travaux ne relevaient pas du contrat d'entretien conclu avec la chambre de commerce et d'industrie ; en outre, le paiement des mêmes sommes lui est réclamé en partie par le maitre d'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) Assistance Conseil Sps Etude et Suivi, représentée par CLL Avocats, agissant par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître de l'ouvrage a fait le choix d'un renforcement ponctuel de la piste en lieu et place d'une réfection complète, alors qu'il était accompagné d'une entreprise chargé d'un diagnostic approfondi de la piste, qu'il a refusé de transmettre à la maîtrise d'œuvre ;

- compte tenu des conclusions de la requête, la Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes ne peut être regardée comme demandant sa condamnation ;

- les entreprises de travaux n'établissent aucune faute de sa part, et ne critiquent pas le jugement qui a écarté sa responsabilité ;

- s'agissant d'un groupement conjoint, elle ne peut être condamnée solidairement avec la société Ingerop conseil et ingénierie.

Par des mémoires, enregistrés les 5 juin et 5 septembre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Emile Gaddarkhan et fils et la H... à Chaud, représentées par AGM Avocats, agissant par Me Dazza, concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 4 mai 2021 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de la Guadeloupe les a condamnées, solidairement avec la société Ingerop conseil et ingénierie, à verser à la Société Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes la somme de 2 019 898 euros, a rejeté l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles et a mis à mis à leur charge, solidairement avec la société Ingerop conseil et ingénierie, les frais d'expertise, à ce qu'il soit fait droit à leur demande de première instance, à ce que la condamnation au titre du solde de leurs honoraires soit assortie des intérêts de retard, enfin à ce que soit mise à la charge solidaire de la société Ingerop conseil et ingénierie, de la Société Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes et de l'entreprise Assistance Conseil SPS Etude et Suivi la somme de 50 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur leurs conclusions relatives au surcoût lié à l'erreur de relevé topographique ;

- les premiers juges n'ont pas motivé le rejet de leurs conclusions relatives au surcoût causé par les vices structurels profonds, et l'ajournement du chantier ;

- le coût de maintien de la piste a pour objet d'éliminer les désordres résultant d'une mauvaise appréciation par le maître d'œuvre des faiblesses dans les couches anciennes de la piste qui ne leur sont pas imputables ;

- ce préjudice n'a aucun lien avec les réserves et ne peut ainsi engager leur responsabilité contractuelle ;

- leur responsabilité contractuelle subsiste par la faute des maîtres d'œuvre et du maître de l'ouvrage qui les ont empêchées de procéder à la reprise des travaux objets des réserves ;

- le montant de ces travaux se limite à la somme de 494 968,32 euros hors taxe ;

- les maîtres d'œuvre, qui ont dirigé et contrôlé quotidiennement leurs prestations, doivent être condamnés à les garantir des condamnations mises à leur charge ;

- au titre du solde du marché de travaux, le maître d'ouvrage leur doit la somme de 377 589,55 euros, qui doit être assortie des intérêts de retard à compter du 30 juin 2014, soit au 30 juin 2021, 74 043,02 euros ; les manquements qui ont fait l'objet de réserves doivent se régler dans le cadre de la responsabilité contractuelle, sauf à les sanctionner deux fois ;

- le maître d'ouvrage, au titre de sa responsabilité contractuelle, ou le maître d'œuvre, au titre de sa responsabilité délictuelle, doivent être condamnés à les indemniser des surcoûts causés par l'erreur de relevé topographique mise en évidence par l'expertise, soit 2 458 108,47 euros ;

- le maître d'ouvrage, seul ou conjointement avec le maître d'œuvre, doit également être condamné à les indemniser des surcoûts liés à leurs interventions pour éliminer ponctuellement en surface les désordres résultant des vices structurels profonds, soit 547 037,75 euros, à l'ajournement du chantier, soit 1 193 556,73 euros et à l'approvisionnement en matériaux de la société Gravillonord, soit 195 448,75 euros.

La clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2023 par une ordonnance du 5 septembre 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2024, la société Ingerop conseil et ingénierie soutient, en réponse à la communication de pièces qui lui a été faite sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, que les éléments communiqués par la SAGPC, outre qu'ils n'ont, pour certains, pas été sollicités par la Cour, n'ont pas de valeur probante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dazza pour Emile Gaddarkhan et fils et la H... à Chaud, de Me Darmon, substituant Me Caron, pour la société Assistance Conseil Sps Etude et Suivi, de Me Jeambon pour la société Ingerop Conseil et Ingenierie et de Me Merlet-Bonnan pour la société Aéroportuaire Guadeloupe, pôle caraïbes.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2024, présentée pour la société Ingerop conseil et ingénierie, dans les deux instances.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 10 novembre 2009, la chambre de commerce et d'industrie des îles de Guadeloupe, alors gestionnaire de l'aéroport de Pointe-à-Pitre Le Raizet, a confié à un groupement conjoint, formé de la société Ingerop conseil et ingénierie et de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Assistance Conseil Sps Etude Suivi (B...), la maîtrise d'œuvre de l'opération de renforcement de la piste 12/30, de la bretelle Fox et la reconstruction des congés de raccordement des voies Fox et Echo de l'aérodrome, pour un montant forfaitaire provisoire de 238 500 euros hors taxes. Un marché de travaux a été conclu le 3 octobre 2011 avec le groupement solidaire, formé par la société Emile Gaddarkhan et Fils et la H... à Chaud (A...), pour un montant initial de 10 499 684,53 euros hors taxes, porté par un avenant signé le 3 mai 2014 à la somme totale de 11 133 676 euros. Les travaux ont été réceptionnés avec effet au 25 juillet 2013 avec réserves. La Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes (SAGPC), venant aux droits et obligations de la chambre de commerce et d'industrie a constaté à partir de février 2014 une aggravation des désordres et l'apparition de nouveaux désordres. Une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe le 15 février 2016, et l'expert a déposé son rapport au greffe le 9 novembre 2018. La SAGPC a demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe de condamner, conjointement et solidairement, la société Ingerop conseil et ingénierie, l'entreprise B... devenue société à responsabilité limitée, la société Emile Gaddarkhan et fils et la A... à lui verser la somme de 44 991 275 euros en réparation de ses préjudices. Ces deux dernières sociétés ont formé des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation du maître d'ouvrage et des maîtres d'œuvre à leur verser diverses sommes au titre du solde du marché et des préjudices subis au cours des travaux. Par un jugement du 4 mai 2021, le tribunal a condamné les sociétés Ingerop conseil et ingénierie, Emile Gaddarkhan et fils et A... à verser à la SAGPC la somme de 2 019 898 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Ingerop conseil et ingénierie, d'une part, les sociétés Emile Gaddarkhan et fils et A..., d'autre part, devant se garantir mutuellement à hauteur de 50 % des condamnations solidaires prononcées à leur encontre, et a rejeté les conclusions reconventionnelles du groupement d'entreprises. La SAGPC, par la requête enregistrée sous le n°21BX03322, et par la voie de l'appel incident dans l'affaire n°21BX02856, relève appel de l'article 1er du jugement en tant que le tribunal a limité le montant de son indemnisation, et doit également être regardée comme demandant l'annulation du jugement en tant qu'il rejette ses demandes dirigées à l'encontre de la société B.... Les sociétés Emile Gaddarkhan et fils et A..., par la requête enregistrée sous le n°21BX02856, et par la voie de l'appel incident dans l'affaire n°21BX03322, relèvent appel du jugement du 4 mai 2021 en tant que le tribunal a prononcé leur condamnation et rejeté leurs demandes reconventionnelles.

2. Les requêtes n° 21BX02856 et 21BX03322 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. D'une part, la société Ingerop conseil et ingénierie reproche à l'expert d'avoir écarté les résultats des sondages effectués à sa demande, d'avoir refusé qu'elle fasse procéder à de nouvelles investigations et de ne pas avoir évalué l'amélioration apportée à l'ouvrage par des travaux de réfection. Toutefois, ces critiques, qui touchent au bien-fondé des conclusions de l'expert, sont sans incidence sur la régularité des opérations d'expertise. Si la société Ingerop conseil et ingénierie soutient que son dernier dire, n°45, n'a pas été pris en compte par l'expert, il est constant que ce dire a été transmis après la date fixée par celui-ci pour la clôture des opérations d'expertise. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un dire de la Société Aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes, bien que tardif, aurait été pris en compte ou, en tout état de cause, aurait eu une quelconque incidence sur les conclusions du rapport.

4. D'autre part, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont statué sur l'ensemble des demandes de paiement, par le maître d'ouvrage, des travaux supplémentaires effectués par le groupement d'entreprises. En revanche, ils n'ont pas statué sur la demande de condamnation du maître d'œuvre à réparer les conséquences préjudiciables d'une erreur de relevé topographique, chiffrées par les sociétés Emile Gaddarkhan et fils et A... à 2 458 108,47 euros.

5. En outre, si le tribunal a exposé les motifs pour lesquels les demandes des entreprises vis-à-vis du maître de l'ouvrage en matière d'approvisionnement en matériaux et d'immobilisation des engins pendant l'arrêt du chantier ne pouvaient être accueillies, il a rejeté les demandes au titre du surcoût lié à l'intervention des entreprises pour éliminer ponctuellement en surface des désordres résultant des vices structurels profonds, évaluées par les sociétés à 547 037,75 euros, sans motivation.

6. Il s'ensuit que les sociétés Emile Gaddarkhan et fils et A... sont fondées à soutenir que le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe doit être annulé en tant que cette juridiction n'a pas statué, ou de manière insuffisamment motivée, sur leurs demandes reconventionnelles tendant à la condamnation du maître de l'ouvrage au titre de leurs interventions pour éliminer ponctuellement en surface des désordres résultant des vices structurels profonds, et celles tendant à la condamnation du maître d'œuvre au titre d'une erreur de relevé topographique.

7. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les responsabilités :

8. L'acte d'engagement du 10 novembre 2009 a confié au groupement de maîtrise d'œuvre les missions études de diagnostic (DIA), avant-projet (AVP), études de projet (PRO), assistance pour la passation des marchés de travaux (ACT), études d'exécution et de synthèse (EXE), direction de l'exécution des travaux (DET), assistance aux opérations de réception et garantie de parfait achèvement (AOR) ainsi que présence permanente sur le chantier (PPC). Toutefois, le groupement était conjoint et l'annexe n°1 " Missions et répartitions des honoraires ", signé par le maître d'ouvrage, de l'acte d'engagement réserve à l'EURL B... la mission PPC, et en conséquence ne l'associe pour le reste à la société Ingerop Conseil et Ingénierie qu'en ce qui concerne les missions DET et AOR. Selon l'article 26 du cahier des clauses administrative particulières, la mission du maître d'œuvre s'achève à la fin du délai de garantie de parfait achèvement prévue au cahier des clauses administratives générales du marché de travaux.

9. L'article 41.5 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux, auquel renvoie le chapitre 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, dispose que : " 41.5. S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41.2. ". L'article 41.6 des mêmes clauses que : " 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. ". Aux termes de l'article 44 du CCAG : " 44.1. Délai de garantie (...) Pendant le délai de garantie, outre les obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application de l'article 41.4, le titulaire est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement ", au titre de laquelle il doit : a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux articles 41.5 et 41.6 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; (...) / Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable ". Et aux termes de l'article 9.7 du cahier des clauses administratives particulières : " Par dérogation à l'article 44.1 du CCAG - Travaux, le délai de garantie est de deux années et intègre le contrôle de l'uni et de l'adhérence au bout d'une année de fonctionnement ". La réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage. Toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l'ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même, en ce qui concerne les réserves faites à l'occasion de cette réception. Les désordres qui apparaissent pendant cette période sont également couverts par la garantie de parfait achèvement, en l'espèce de deux années.

10. D'une part, il résulte de l'instruction que, le 31 juillet 2013, la SAGPC a assorti la réception de l'ouvrage de trois types de réserves : d'abord, parmi les épreuves et contrôles non concluants, le laboratoire Gracchus a relevé des taux de compacité non conformes aux exigences du cahier des clauses techniques particulières pour les profils 42 à 44 et 70 à 77. Ce même laboratoire a relevé que la macrotexture des profils 136 à 142 et des raccordements Fox Echos et Delta n'était pas conforme, ainsi que des non conformités d'épaisseur de l'ordre de 0,5 à 1 cm. Ensuite, des prestations de balisage, ou encore de pose de goujons de dallage, n'ont pas été réalisées. Enfin, des malfaçons tenant à des flaches dans la piste ainsi que des défauts localisés, pelades, désenrobages, rainures, sont à reprendre.

11. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise, que des dégradations de la piste, situées pour l'essentiel dans les traces des atterrisseurs principaux des avions gros porteurs se sont manifestées à partir de février 2014 par des déformations, orniérages et faïençages ou fissurations avec parfois départ de matériaux. Selon l'expert, elles sont dues à la fatigue mécanique de la structure bitumineuse par traction ou flexion au passage des charges, structure datant de 1979 et rénovée en 1998 et 1999, notamment par thermorecyclage, à l'exception d'une zone D... créée en 1999. Cette fatigue mécanique se caractérise par des dispersions d'épaisseurs importantes, des interfaces décollées ou mal collées, des portances très disparates, des couches anciennes dégradées.

12. La SAGPC reproche également au groupement de maîtrise d'œuvre de ne pas avoir repris dans le dossier de consultation des entreprises les exigences de la règlementation relative aux aérodromes en ce qui concerne les pentes de la piste. Toutefois ces non-conformités alléguées, qui n'ont pas fait l'objet de réserve, ne peuvent, en tout état de cause, être réparées sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre, qui n'est pas tenu par la garantie de parfait achèvement. En outre, si la SAGPC invoque subsidiairement la responsabilité du maître d'œuvre au titre de son devoir de conseil lors des opérations de réception, les conséquences préjudiciables de ces non-conformités ne sont pas distinctes de celles indemnisées par le jugement du tribunal administratif et le présent arrêt au titre du défaut de conception.

S'agissant des désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception :

13. D'une part, il résulte de l'analyse de l'expert, s'appuyant notamment sur le relevé chronologique d'intervention des entreprises, que les désordres ayant fait l'objet de réserves ont pour origine une faute dans l'exécution des travaux de génie civil confié au groupement d'entreprises, conséquence d'imperfections et du non-respect du cahier des clauses techniques particulières. Or, l'article 3.12 de ce cahier prévoit que la garantie de parfait achèvement de deux ans s'applique aux enrobés et revêtements mis en œuvre et porte notamment sur les contrôles de surfaçages sur les zones purgées, le contrôle des épaisseurs et les contrôles pendant et à l'issue du délai de garantie, les fissurations et la macro texture. Ensuite, lors des opérations préalables à la réception, le laboratoire Gracchus avait relevé des taux de compacité non conformes aux exigences du cahier des clauses techniques particulières pour les profils 42 à 44 et 70 à 77. Ce même laboratoire avait relevé que la macrotexture des profils 136 à 142 et des raccordements Fox Echos et Delta n'étaient pas conformes, ainsi que des non conformités d'épaisseur de l'ordre de 0,5 à 1 cm. L'expert a estimé que ces non-conformités sont en lien avec les désordres relevés sur certaines zones qui présentent un défaut de mise en œuvre de la couche de roulement par les entreprises, avec risque de dégradation accélérée des ouvrages.

14. Le 24 juillet 2015, le maître d'ouvrage a prolongé le délai de garantie de parfait achèvement jusqu'à exécution complète des travaux et prestations. Les réserves n'ont pas été levées, si bien que ces désordres et défauts d'exécution sont de nature à engager la responsabilité des sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A....

15. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, les non-conformités en matière de compacité et de macrotexture ont été révélées par les analyses effectuées par le laboratoire Gracchus. Il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'œuvre, qui doit être normalement diligent, aurait identifié que les ouvrages en cours de réalisation n'étaient pas conformes aux normes auxquelles renvoyait le cahier des clauses techniques particulières. Ainsi, les défauts de mise en œuvre révèlent une faute du groupement de maître d'œuvre dans sa mission de direction de l'exécution des travaux. S'agissant des malfaçons et imperfections mentionnées à l'annexe 2 du procès-verbal de réception, elles ont été signalées par les maîtres d'œuvre et aucune faute ne peut leur être reprochée. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés Ingerop conseil et ingénierie et B... auraient commis une faute dans leur mission d'assistance au maître de l'ouvrage dans la levée de ces réserves.

16. Les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... reprochent à la SGAPC et au maître d'œuvre de les avoir empêchées de procéder aux reprises des désordres ayant fait l'objet de réserves. Elles se prévalent notamment de leurs propositions faites par courriers adressés à la SAGPC les 9 septembre 2013, 17 février, 23 mai 2014 et 30 juillet 2014, 29 mai 2015 et 25 novembre 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, que le blocage concernant la levée des réserves repose essentiellement sur une analyse différente des désordres constatés et des modalités de reprises entre le maître de l'ouvrage, le maître d'œuvre mais également avec les entreprises de travaux.

S'agissant des désordres apparus à compter de février 2014 :

17. Les premiers juges ont estimé que les désordres affectant la piste de l'aéroport engageaient, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, la responsabilité de la société Ingerop conseil et ingénierie en raison de manquements à ses obligations de diagnostic du chantier, d'estimation et de conseil ainsi que celle du groupement d'entreprises en raison d'un défaut d'exécution. Ils ont également retenu une faute de la part du maître d'ouvrage exonératoire à hauteur d'un tiers. Les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... contestent leur responsabilité, tandis que la SAGPC soutient qu'elle n'a pas commis de faute et recherche également la responsabilité de la société B....

18. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que les désordres apparus en février 2014 ont été causés par les défauts de la structure existante, notamment la mauvaise qualité d'accrochage et des décollements entre couches profondes. L'absence de prise en compte de ces défauts a entraîné un mauvais dimensionnement du renforcement et un mauvais choix de matériaux. Ce défaut de diagnostic n'est pas imputable au groupement d'entreprises chargé de l'exécution des travaux de terrassement et de la pose E.... S'il ressort du rapport d'expertise que les non-conformités relevées en matière de compacité par le laboratoire Gracchus, qui concernent deux nuits sur trente, et en matière de macrotexture, qui concernent trois nuits sur trente, " font courir un risque de dégradation accélérée des ouvrages ", et qu'ainsi les réserves émises à la réception sur ce point " ne sont pas sans lien avec les désordres ", il résulte de l'instruction que ces défauts d'exécution sur des zones localisées ne peuvent être la cause des désordres observés à compter de février 2014, en l'absence notamment d'une quelconque concordance entre les zones concernées par les non-conformités et celles touchées par les désordres. En outre, si les laboratoires IFSTTAR et DB Expertise, mandatés par la société Ingerop conseil et ingénierie, se basant sur l'analyse de six nouveaux prélèvements par carottage effectués dans les zones les plus dégradées, ont conclu que les désordres s'expliquaient par de graves défauts de la couche de roulement réalisée par le groupement d'entreprises, en matière de module ou de porosité, la SAGPC ne contredit pas sérieusement l'avis de l'expert qui a estimé, à l'instar du bureau d'étude Egis Avia, que les trois carottages non conformes ne pouvaient remettre en cause les contrôles et analyses effectués jusqu'alors et conduisant à imputer de manière cohérente les désordres aux défauts de la structure. De la même manière, il résulte du rapport d'expertise que les vitesses de fraisage ne sont pas à l'origine du " dé-cohésionnement " du sol support au-delà d'une fragilisation ponctuelle en cas de couche inférieure trop fine, et ne peuvent pas expliquer les défauts plus profonds qui devaient exister avant le rabotage.

19. La réception de l'ouvrage fait obstacle à l'engagement de la responsabilité de la société B..., qui n'est pas tenue par la garantie de parfait achèvement. Au surplus, les désordres apparus à compter du mois de février 2014 ont été causés, ainsi qu'il a été dit, par des fautes commises lors de la conception des travaux, au cours des missions DIA, AVP et PRO, et ne lui sont ainsi, en tout état de cause, pas imputables. Il n'est pas établi que cette société aurait méconnu ses obligations contractuelles au titre de sa mission d'assistance du maître d'ouvrage lors de l'apparition des désordres.

20. Pour reconnaître l'existence d'une faute exonératoire de responsabilité du maître d'ouvrage à hauteur d'un tiers des dommages, les premiers juges ont retenu que celui-ci avait fait le choix de ne procéder qu'à des renforcements périodiques, ponctuels et limités de la piste, ainsi qu'en atteste le coût prévisionnel des travaux à hauteur de 5 millions d'euros figurant aux articles 2 de l'acte d'engagement et 9 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'œuvre, et non à une réfection générale comme il aurait pourtant dû le faire compte tenu du caractère vétuste de l'ouvrage et de l'état dégradé de la piste, dont il avait connaissance. Toutefois, par l'acte d'engagement du 10 novembre 2009, la chambre de commerce et d'industrie des Iles de Guadeloupe a confié au groupement de maîtrise d'œuvre l'étude et le suivi de " l'opération de renforcement " de la piste et de la bretelle Fox. La note de présentation prévoit de " rénover la piste afin d'améliorer sa portance résiduelle ", suite notamment à des observations formulées par le service départemental des bases aériennes. L'objectif est de " renforcer la piste afin de pallier l'agressivité des gros porteurs de type B-747-400 et B 777-300-ER ". La note de présentation mentionne ensuite que " pour préserver l'intégrité structurelle de la piste et rendre pérenne cette dernière, il est nécessaire de mettre en œuvre une ou plusieurs couches de béton bitumineux. Cette ou ces couches de matériau ont la vocation de remplir plusieurs fonctions : la première consiste à augmenter la portance actuelle de la piste, la seconde est de rendre imperméable la couche de surface, la troisième apporterait le confort pour les passagers et les équipages, amélioration de l'uni. / Afin de minimiser le coût, la durée et la gêne occasionnée par les travaux, il a été décidé de renforcer uniquement la partie centrale de la piste. (...) Pour répondre aux besoins du maître d'ouvrage, le service départemental des bases aériennes a proposé de lancer un marché de maîtrise d'œuvre afin d'étudier, de définir et de suivre les travaux nécessaires au renforcement de la piste. Le but est de sélectionner le candidat qui pourra par son savoir-faire apporter la solution économiquement la plus avantageuse, et la plus fiable en rapport avec les objectifs du maître d'ouvrage. / Ces études devront prendre en compte le trafic, les voies de relation existantes, la structure des chaussées en place et les aéronefs les plus contraignants accueillis sur la plateforme (...) ". S'il résulte de l'expertise que l'absence de prise en compte des défaillances structurelles de l'ouvrage a conduit à un sous-dimensionnement majeur des travaux, la reprise totale des désordres étant chiffrée par l'expert à plus de 20 millions d'euros, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage avait, dans la définition de son besoin, effectué un choix incompatible avec une solution technique adéquate. En outre, si les éléments d'information en sa possession, notamment un rapport Géomat du 9 mars 1998, mettait en évidence des défauts d'interface, il n'apparaît pas qu'un maître d'ouvrage, normalement diligent et même doté de services techniques spécialisés, ne pouvait ignorer le caractère inadapté des travaux envisagés. Dès lors, l'estimation budgétaire de la chambre de commerce et d'industrie, qui n'a pas empêché le maître d'œuvre de proposer au maître d'ouvrage des travaux au coût deux fois supérieurs à la prévision initiale, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, fautive.

21. La société Ingerop conseil et ingénierie fait néanmoins valoir que le maître d'ouvrage a également commis une faute en s'abstenant de lui remettre tous les éléments utiles, notamment le rapport établi par la société Egis Avia avant le démarrage des travaux. Toutefois, la mission confiée par la chambre de commerce et d'industrie à la société Egis Avia, par acte d'engagement du 11 août 2011, concernait un diagnostic des infrastructures, notamment leur résistance mécanique, en vue de l'accueil d'un autre type d'avions que ceux concernés par le marché de maîtrise d'œuvre confié aux sociétés Ingerop conseil et ingénierie et B.... Il n'est pas établi que le rapport de la société Egis Avia aurait été susceptible de révéler l'erreur commise lors de la phase de diagnostic.

22. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les désordres apparus pendant le délai de la garantie de parfait achèvement étaient, sur ce fondement, de nature à engager leur responsabilité. D'autre part, la SAGPC est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle avait commis une faute de nature à exonérer les participants aux travaux de leur responsabilité à hauteur d'un tiers.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

S'agissant des désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception :

23. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le coût des travaux de levée des réserves doit être évalué à 10 % du montant initial du marché, soit 1 049 968,45 euros hors taxes, somme qui sera déduite du solde du marché. Si les entreprises de travaux contestent ce montant, elles se bornent à avancer le chiffre de 494 968,32 euros hors taxes, évaluation qui n'est pas justifiée par les tableaux produits, et qui ne comprend pas le préjudice lié au deuxième type de réserves, c'est-à-dire les prestations non-réalisées.

S'agissant des désordres apparus en février 2014 :

24. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'entre le 12 juin 2014 et le 25 juillet 2018, plus de quarante interventions lourdes, distinctes de simples travaux d'entretien, ont eu lieu afin d'assurer le maintien opérationnel de la piste, dont certaines ont été confiées à la société A... dans le cadre d'un marché à bons de commande. Au 30 juin 2018, selon le rapport d'expertise, le coût de ces réparations s'élevait à 1 725 709 euros hors taxes. S'agissant des dépenses exposées entre le 1er juillet 2018 et le 31 décembre 2020, la SAGPC les évalue, dans le dernier état de ses écritures, à la somme de 1 304 138 euros, qu'elle justifie par la production, à la demande de la Cour, de quatre états d'acompte reçus le 3 juillet 2018 relatif aux réparations de la piste aux niveaux p48-49, p63-65, p16-19, et p52-53, la facture de la " campagne de priorité 1, 2 et 3 ", les états d'acompte n°1 de janvier, février, mars et avril 2019, n°1 à 4 de juillet à octobre 2019, la facture de réparations d'urgence au p63 sud d'octobre 2019, les états d'acompte n°1 d'octobre, novembre et décembre 2019, les états d'acompte n°2 et 3 de janvier 2020 ainsi que les trois factures de réparations complémentaires de ce même mois, les états d'acompte n°1 à 5 de février 2020, enfin les états d'acompte n°6 de juin 2020 (1ère partie), n°1 de juin 2020 (2ème partie) et n°2 de juillet 2020. Il y a lieu en revanche d'écarter les attestations comptables établies par la société elle-même, qui n'ont pas une valeur probante suffisante.

25. Ces travaux ont entraîné des frais de géomètre, justifiés pendant les opérations d'expertise à hauteur de 6 585 euros hors taxes, auxquels il convient de rajouter des frais postérieurs auprès de la société Topo Gp s'élevant à 3 500 euros hors taxes.

26. Le traitement de ces désordres a nécessité des prestations d'ingénierie que la SAGPC a confié à la société Egis Avia. Il résulte de l'instruction que la SAGPC a également eu recours aux services de la société Egis Avia en qualité de conseiller technique lors des opérations d'expertise. Ainsi, il résulte de l'instruction que la société aéroportuaire a acquitté les sommes de 16 400 euros au titre de l'assistance technique pendant l'expertise, 32 824,80 euros et 109 416 euros suivant factures du 31 mars 2016, 4 750 euros par deux fois suivant factures des 23 juin et 31 août 2016, 16 400 euros suivant facture du 20 février 2017, 4 350 euros suivant facture du 16 mars 2017, 7 837,56 euros suivant facture du 20 mars 2017, 27 770 euros suivant facture du 2 mai 2017, 59 626,65 euros, 4 200 euros et 5 250 euros suivant factures du 16 juin 2017, 5 250 euros suivant facture du 30 octobre 2017, 3 805 euros suivant facture du 31 août 2017, 8 200 euros suivant facture du 11 décembre 2017, 3 150 euros et 5 250 euros suivant factures du 19 mars 2018, enfin 16 400 euros et 4 200 euros suivant factures du 18 juin 2018. Il s'ensuit que la société Ingerop conseil et ingénierie doit être condamnée à rembourser la somme de 339 830,01 euros hors taxes à la SAGPC en réparation du préjudice subi.

27. S'agissant des frais d'huissier exposés afin de constater les désordres, la société Ingerop conseil et ingénierie a admis qu'ils s'élevaient à 11 340 euros hors taxes à l'issue des opérations d'expertise et les factures produites par la SAGPC ne permettent pas d'aller au-delà de cette somme. Les factures de la société civile professionnelle Sizam -Sizam Gadet-Pioche-Gadet des 29 juillet 2019, 2 août 2019, 7 octobre 2019, 9 janvier 2020, 10 mars et 2 avril 2020 démontrent que par la suite des dépenses utiles d'un montant de 2 129,62 euros hors taxes ont été exposées par la société aéroportuaire.

28. La société SAGPC soutient également qu'elle a dû renforcer la surveillance de la piste, par l'organisation d'une visite supplémentaire de la piste par jour par l'équipe de maintenance, dont elle évalue le coût à 50 948 euros hors taxes, par l'embauche d'un technicien à partir d'avril 2016 jusqu'au 31 décembre 2019, dont la rémunération s'est élevée à 252 026 euros hors taxes, qu'elle a dû équiper un véhicule dont elle demande la prise en charge à hauteur d'un quart de sa valeur, soit 9 750 euros, enfin qu'elle a dû mettre en place une astreinte technique qui lui a coûté 81 780 euros. Toutefois, celle-ci n'établit pas avoir exposé des dépenses au-delà des obligations de surveillance et de l'entretien qui lui incombe normalement, et ainsi leur imputabilité aux désordres.

29. La SAGPC a engagé au cours des opérations d'expertise des frais de carottage et d'analyse confiés aux bureaux d'études Antilles Géographique et Epsillon. Si l'appelante réclame à ce titre la somme de 123 251 euros, elle produit les factures de la société Antilles Géographique des 18 juillet (37 850 euros), 19 juillet (25 215,40 euros) et 3 octobre (4 130 euros) 2016, et les factures de la société Epsillon des 30 janvier (10 000 euros), 29 novembre (486 euros) et 30 novembre (972,58 euros) 2018 et celle du 17 janvier 2018 (5 350 euros), auxquelles s'ajoutent des frais justifiés de 280 et 14,89 euros. Ces dépenses sont ainsi justifiées à hauteur de 84 298,87 euros hors taxes, sont en lien avec les désordres et doivent être mises à la charge de la société Ingerop conseil et ingénierie.

30. La société SAGPC demande également le remboursement des frais d'avocat à hauteur de 92 735 euros hors taxes. Par la production des factures de la société Exeme des 16 février 2016 (3 360 euros), 22 mars 2016 (2 800 euros) 24 mars 2016 (2 185,65 euros), 24 avril 2016 (5 076,56 euros) 5 août 2016 (23 499,01 euros), 2 septembre 2016 (20 084,34 euros), 30 septembre 2016 (7 744,36 euros), 5 janvier 2017 (4 504,03 euros), 16 février 2017 (6 573,35 euros), 3 mars 2017 (5 073,33 euros), 10 juillet 2017 (7 619,65 euros) et 1er mars 2018 (1 514 euros), ainsi que d'une facture de Me Didon du 27 janvier 2017 d'un montant de 1 800 euros), la SAGPC établit avoir exposé utilement des dépenses à hauteur de 91 834,28 euros hors taxes, dont elle est fondé à demander le remboursement.

31. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que la piste de l'aéroport aurait été impraticable ou fermée au trafic aérien. Dès lors, l'indemnisation au titre d'une perte de jouissance ne peut qu'être rejetée.

32. Le préjudice de la SAGPC comprend également l'ensemble des dépenses nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché. Il résulte de l'instruction que la SAGPC a commandé des travaux de renforcement structurel de la piste au cours de l'année 2021. Elle soutient, sans l'établir, que le montant global de ces travaux s'est élevé à 41 100 000,98 euros hors taxes desquels il conviendrait de retirer 9 287 000 euros de travaux " hors périmètre ". Il y a lieu de retenir l'estimation de l'expert qui évalue le coût d'une solution de réparation permettant de rendre l'ouvrage conforme au marché, consistant en une reprise intégrale de l'ouvrage, au montant de 20 705 616,85 euros hors taxes. La circonstance que ces travaux auraient été en partie financés par des fonds européens est sans incidence sur la réalité du préjudice subi.

33. Toutefois, d'une part, ces travaux sont d'une dimension plus importante que ceux qui ont été prévus au marché d'entreprises, si bien qu'ils apporteront une plus-value à l'ouvrage. Dès lors, il y a lieu de retenir, non le coût de ces travaux, mais le coût des travaux initiaux dépensé en pure perte, à savoir le montant du marché de travaux conclu avec les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A..., 10 499 684,53 euros hors taxes, le montant de l'avenant n°1, 455 389,03 euros hors taxes, les frais de maîtrise d'œuvre, de 453 523 euros hors taxes, ainsi que les frais annexes, à savoir le coût des contrôles en laboratoire et topographique, le coût de la coordination sécurité et protection de la santé, et les coûts de sécurité aéroportuaire, soit 378 120 euros. Il convient également d'ajouter le coût des travaux de balisage que la SAGPC a dû reprendre en 2022, à savoir 229 818,03 euros et 75 900 euros de maîtrise d'œuvre. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de mise aux normes de l'organisation de l'aviation civile internationale et " d'étude d'impact lié au SGS " n'auraient pas été utiles à la société aéroportuaire.

34. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'amortissement comptable pratiqué par la SAGPC du coût des travaux, que la durée d'utilisation normale de la chaussée était de dix ans. Si les désordres sont apparus dès le mois de février 2014, des travaux de réfection, dont le coût est mis à la charge de la société Ingerop conseil et ingénierie par le présent arrêt, ont maintenu l'ouvrage propre à sa destination. Les travaux de reprise intégrale ayant eu lieu au cours de l'année 2022, il y a lieu de tenir compte de la vétusté de l'installation à cette date en appliquant un coefficient de vétusté de 90 %. La société Ingerop conseil et ingénierie versera par suite au maître d'ouvrage, au titre de ce chef de préjudice, 1 209 243,46 euros hors taxes.

35. Il résulte de ce qui précède que la société Ingerop conseil et ingénierie doit être condamnée à verser à la SAGPC la somme totale de 4 778 608,24 euros hors taxes soit, compte tenu du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 8,5 %, à l'exception des frais d'avocat sur lesquels un taux de 20 % a été appliqué, 5 195 350 euros toutes taxes comprises.

En ce qui concerne les appels en garantie :

36. Eu égard à ce qui précède, l'appel en garantie de la société B... est dépourvu d'objet.

37. La société Ingerop conseil et ingénierie demande à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils, A... et B.... Toutefois, ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres apparus en février 2014 auraient été causés par un défaut d'exécution imputable au groupement d'entreprises, et aucune faute ne peut être reprochée à la société B... au regard de ses missions contractuelles.

38. Les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... demandent à être garanties par le maître d'œuvre des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres correspondant aux réserves qui n'ont pas été levées. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés Ingerop conseil et ingénierie et B... aient commis des fautes en lien avec ces désordres ou les ayant empêchées de procéder aux travaux de reprise.

Sur les conclusions reconventionnelles de la société Gaddarkhan et Fils :

39. D'une part, si la SAGPC soutient que les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... ont transmis des mémoires en réclamation relativement à leurs demandes reconventionnelles qui ont été rejetées, et que les conclusions reconventionnelles sont tardives en application des stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales susvisé, la circonstance qu'aucune réception n'est intervenue, ni aucun décompte validé, ne font obstacle à ce qu'un constructeur condamné à verser au maître de l'ouvrage une somme correspondant au montant des travaux nécessaires à la réfection ou à l'achèvement de l'ouvrage sur le fondement de la responsabilité contractuelle fasse droit à une demande du cocontractant tendant à obtenir le solde de son marché.

40. D'autre part, l'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. Toutefois, le maître d'ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d'œuvre, à l'appeler en garantie. Il en va ainsi notamment lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.

En ce qui concerne le surcoût lié à l'erreur de relevé topographique :

41. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en mars 2012, un cabinet de géomètre-expert mandaté par le groupement d'entreprises a constaté que le relevé sur la base duquel le maître d'œuvre avait défini le projet soumis à appel d'offre était erroné. Le nouveau projet élaboré par la société Ingerop conseil et ingénierie a exigé un rabotage complet de la piste et des volumes E... différents de ceux initialement prévus, provoquant un surcoût pour les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... d'un montant de 1 100 052,28 euros hors taxes soit 1 193 556 ,73 euros toutes taxes comprises selon la pièce n° 37, visée et produite par la requérante pour justifier cette dépense portant sur le rabotage sur 7 cm pour 26 410 m3. Ces entreprises ont droit au paiement de ces travaux supplémentaires qui leur ont été demandés par le maître d'œuvre en avril 2013.

42. La société aéroportuaire demande à être garantie par la société Ingerop conseil et ingénierie de cette condamnation. Il résulte des stipulations contractuelles, notamment celles de l'article 1.4.6.2.1 du cahier des clauses techniques particulières du marché de travaux, que l'entreprise de travaux devait " se caler en coordonnées à partir des bornes existantes utilisées par le géomètre du maître d'ouvrage pour faire le relevé topographique initial du site ". Et cet article précise que " ce relevé a par ailleurs servi au maître d'œuvre pour faire ses études ". C'est à partir de ce relevé topographique que la société Ingerop conseil et ingénierie a rédigé son étude de diagnostic jointe au dossier de consultation des entreprises.

43. Toutefois, le groupement de maîtrise d'œuvre, chargé notamment des études de diagnostic, lesquelles ont pour objet, en vertu de l'article 19 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre et l'annexe II de l'arrêté du 21 décembre 1993 qui définit cette mission, de renseigner le maître de l'ouvrage sur l'état de l'ouvrage et sur la faisabilité des travaux devait, sur la base des renseignements en sa possession transmis par le maître de l'ouvrage concernant l'ouvrage, effectuer lui-même les relevés nécessaires à l'établissement de cet état des lieux, à tout le moins, proposer éventuellement des études complémentaires d'investigation des existants. Or, si la société Ingerop conseil et ingénierie indique avoir sollicité en mars 2010 des données topographiques complémentaires à l'occasion de la transmission des études d'avant-projet qui ont été transmises puis intégrées au dossier de consultation des entreprises, elle a manqué à son devoir de vigilance dans le cadre de la phase diagnostic en ne relevant pas les écarts d'altimétrie, ce qui a conduit à revoir le projet initial en mars 2012.

44. Il s'ensuit que la société aéroportuaire est fondée à être garantie par la société Ingerop conseil et ingénierie au titre de l'indemnisation du surcoût lié au relevé topographique erroné à hauteur de 50 %.

En ce qui concerne le surcoût lié à l'ajournement du chantier :

45. Il résulte de l'instruction que, du fait de l'erreur de relevé topographique, le chantier, qui avait débuté le 30 mai 2012, a été interrompu du 29 juillet 2012 au 16 avril 2013. Toutefois, par la seule production de devis correspondant aux prix journaliers, le groupement d'entreprises n'établit pas davantage devant la Cour que durant les opérations d'expertise, la réalité du préjudice allégué au titre de l'immobilisation de ses moyens durant la période d'ajournement.

En ce qui concerne le surcoût lié à l'élimination de désordres en surface :

46. Si le groupement d'entreprises demande à être rémunéré, à hauteur de 547 037,75 euros hors taxes, au titre de travaux de réparation effectués sur la piste à la demande du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre, au cours des travaux ou après, elle n'établit pas que ces interventions auraient eu pour objet de reprendre des désordres liés aux défauts structurels de la piste, et non des malfaçons ou défauts d'exécution qui lui seraient imputables. Ainsi sa demande à ce titre doit être rejetée, y compris en tant qu'elle est dirigée, subsidiairement, à l'encontre du maître d'œuvre.

En ce qui concerne le surcoût lié aux granulats de la société Gravillonord :

47. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les granulats issus de la carrière Gravillonord ont été soumis au contrôle préalable du laboratoire routier Gracchus, qui a estimé que les matériaux, bien que conformes aux stipulations du cahier des clauses techniques particulières et à la norme NFP 98-150-1 à laquelle celui-ci renvoyait, présentaient quasi-systématiquement une teneur en fine et un coefficient d'absorption trop élevé pour l'usage auquel ils étaient destinés. Ces conclusions ont été confirmées par une note technique du laboratoire IFSTTAR. Ainsi, le maître d'ouvrage n'a pas commis de faute en refusant l'utilisation de ces granulats sur le chantier, alors même qu'en l'absence des analyses du laboratoire Gracchus, il les avait admis. Pour les mêmes motifs, aucune faute ne peut être reprochée au maître d'œuvre. Par suite, les sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre à leur rembourser le surcoût d'approvisionnement en granulats de la société Gravillonord et de criblage des matériaux utilisés en remplacement.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

48. Il est toujours loisible aux parties de s'accorder, même sans formaliser cet accord par un avenant, pour déroger aux stipulations du contrat initial, y compris en ce qui concerne les pénalités de retard.

49. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que par ordre de service du 14 août 2013, le maître d'œuvre a notifié au groupement d'entreprises l'état d'acompte mensuel n°8, négatif en raison de pénalités de retard d'un montant de 2 436 884 euros. La circonstance que le maître d'ouvrage a lui-même décidé de l'interruption des travaux, période d'interruption déduite du délai d'exécution, ne fait pas obstacle à ce que de telles pénalités soient infligées. Toutefois, par courriers des 9 décembre 2013 puis 12 novembre 2014, le maître d'ouvrage a accordé la remise des pénalités de retard en contrepartie d'un engagement formel de l'entreprise sur un calendrier de levée des réserves. Or, si les réserves n'ont pas été levées, le blocage ne peut être imputé au groupement d'entreprises, mais, ainsi qu'il a été dit, à un désaccord entre les différents intervenants quant aux modalités de reprise des désordres. Il en découle que le maître d'ouvrage doit être regardé comme ayant renoncé à l'application des stipulations contractuelles relatives aux pénalités de retard et ne peut s'en prévaloir utilement devant la Cour.

En ce qui concerne le décompte :

50. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le montant du marché de base et de l'avenant n°1, corrigés de la révision et de l'ajustement de prix, s'élève à 11 551 137,50 euros hors taxes. Il convient d'y ajouter la somme de 1 100 052,28 euros hors taxes au titre des travaux liés à l'erreur de relevé topographique. Les entreprises soutiennent, sans être sérieusement contredites, que la SAGPC leur a versé la somme de 11 203 128,70 euros hors taxes à laquelle doit être ajoutée la somme due au titre des réserves non levées d'un montant de 1 049 968,45 euros hors taxes, soit la somme totale de 12 253 097,15 euros hors taxes.

51. Il en résulte que le solde du marché s'élève à la somme de 398 092,65 euros hors taxes soit 477 711 euros toutes taxes comprises au crédit des sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A....

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

52. Si le groupement d'entreprises justifie avoir réclamé le paiement de certaines dépenses, il ne justifie pas avoir adressé au maître d'œuvre le décompte final qu'il lui appartenait d'établir, et qui aurait été de nature, en cas de défaut d'établissement du décompte général et définitif, à faire courir des intérêts moratoires. Par suite, il y a lieu de fixer le point de départ des intérêts moratoires au 1er août 2019, date à laquelle le groupement d'entreprises a saisi les premiers juges du règlement du solde du marché.

Sur les frais de l'instance :

53. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 79 074,36 euros par une ordonnance en date du 3 janvier 2019 du président du tribunal administratif de la Guadeloupe, à la charge de la SAGPC, de la société Ingerop conseil et ingénierie et du groupement d'entreprises, à hauteur d'un tiers chacune.

54. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A..., qui ne sont pas la partie perdante dans le litige les opposant à la SAGPC la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAGPC, qui n'est pas la partie perdante dans le litige l'opposant à la société Ingerop conseil et ingénierie, la somme que celle-ci demande au même titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux autres demandes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les demandes reconventionnelles des sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... tendant à la condamnation du maître de l'ouvrage au titre de leurs interventions pour éliminer ponctuellement en surface des désordres résultant des vices structurels profonds, et celles tendant à la condamnation du maître d'œuvre au titre d'une erreur de relevé topographique, et réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : La société Ingerop conseil et ingénierie est condamnée à verser à la société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes la somme de 5 195 350 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres apparus sur la piste à compter de février 2014.

Article 3 : Le solde du marché de travaux des sociétés Gaddarkhan et Fils et A... est fixé à la somme de 477 711 euros toutes taxes comprises, que la SAGPC est condamnée à verser à ces sociétés, assortie des intérêts à compter du 1er août 2019.

Article 4 : La société Ingerop conseil et ingénierie garantira la société aéroportuaire Guadeloupe Pôle Caraïbes de la somme de 596 778,37 euros due aux sociétés Emile Gaddarkhan et Fils et A... au titre de l'indemnisation du surcoût lié à l'erreur de relevé topographique.

Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 79 074,36 euros sont à la charge de la SAGPC, de la société Ingerop conseil et ingénierie et du groupement d'entreprises Emile Gaddarkhan et Fils et A..., à hauteur d'un tiers chacune.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Aéroportuaire F... Pôle Caraïbes, à la société Ingerop conseil et ingénierie, à la société Emile Gaddarkhan et Fils, à laH...s à Chaud et à la société Assistance Conseil Sps Etude et Suivi.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024

Le rapporteur,

Julien C...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX02856-21BX03322 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02856
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : CLL AVOCATS;CLL AVOCATS;CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;21bx02856 ?
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